dimanche 29 avril 2012

culture idiocratique (2)



De quelques devises en idiocratie :

" Vous êtes un complet idiot, et plus idiot que vous ne le pensez."

" Les idiots sont si proches des anges. Ils pourraient voler. C'est pourquoi la société les enferme, et les attache à sa petite folie, si raisonnable et si implacable."

" Un idiot est un anarchiste. Un anarchiste est un idiot."

" Idiocratie, un gouvernement des idiots, par des idiots et pour des idiots."


vendredi 20 avril 2012

Carnaval quinquennal



"Il est difficile de se faire l'idée d'une opposition plus complète que celle qui venait de s'opérer. Au lieu de ce spectacle de mort sombre et silencieux, la place del Popolo présentait l'aspect d'une folle et bruyante orgie. Une foule de masques sortaient, débordant de tous les côtés, s'échappant par les portes, descendant par les fenêtres ; les voitures débouchaient à tous les coins de rue, chargées de pierrots, d'arlequins, de chevaliers, de paysans : tout cela criant, gesticulant, lançant des oeufs pleins de farine, des confetti, des bouquets ; attaquant de la parole et du projectile amis et étrangers, connus et inconnus, sans que personne ait le droit de s'en fâcher, sans que pas un fasse autre chose que d'en rire."

Alexandre Dumas. Le Comte de Monte-Cristo.

 

       Il existe un très beau tableau de Pierre Bruegel l’ancien, le Combat de Carnaval et de Carême, montrant un village flamand en proie tout à la fois à la liesse et à la folie, où s’exécutent un peu partout danses, jeux et pantomimes. La perspective adoptée par le tableau permet au spectateur d’embrasser largement du regard la vaste scène que compose la place centrale du village, encombrée d’ivrognes vagissants, d’éclopés braillards, traversée par des rondes échevelées et par une foule de personnages qui semblent plus ou moins concernés ou perturbés par le débordement général. Au premier plan du tableau, un gros homme vêtu de couleurs vives enfourchant un tonneau affronte à coup de brochette dans une joute burlesque un vieux carême émacié juché sur un prie-Dieu, vêtu d’une ruche en guise de tiare et armée d’une pelle à pain, aliment plus liturgique et surtout plus frugal que le cochon de lait embroché sur la pique de Carnaval. Le gros carnaval de Bruegel a aussi la tête coiffée d’un pot de soupe, symbole des jours gras qui sont éphémères. Le combat de Carnaval et de Carême n’a pas vraiment lieu, ou il a lieu « pour rire ». Dans l’ordre religieux et chronologique, Carnaval laisse la place à Carême et la célébration de l’un est indispensable à la victoire de l’autre. Les privations associées au Carême ne sont supportables qu’après avoir fait gras lors du carnaval. Le Carnaval est d'abord le « carne vale », « l’adieu à la viande ».  


        Le reste du tableau est tout entier le théâtre d’une joyeuse anarchie. A l’arrière-plan, deux personnages jouent aux dés, l’un d’entre eux porte un manteau à capuche et tient une bougie en plein jour, symbolisant le renversement du temps au cours du carnaval. A côté d’eux s’étire une cohorte de fous et de mendiants, estropiés et cul-de-jatte, un peu plus loin une ronde s’improvise autour de petits pots de terre cuite jetés au sol, devant « L’auberge de la nef » se déroule une pantomime, comble de la farce satirique, qui célèbre les « fiançailles malpropres » d’un couple dépareillé, une femme hirsute et un célibataire réticent traînés vers une tente au sein d’un cortège burlesque d’enfants de chœur et de musiciens échevelés. A droite du tableau, les officiants de la cérémonie du Carême sortent de l’église tenant en main des rameaux, l’un deux chasse symboliquement la Joie avec une toupie qu’il pousse jusqu’au parvis, invitant par là les chrétiens à entrer en pénitence. 

        Etymologiquement, le terme carnaval est composé de carne (chair) et levare (enlever). La signification littérale du terme traduit de l’italien : « enlever la chair » évoque toujours le but premier du carnaval, celui de la désincarnation, c’est à dire le fait de se débarrasser de son enveloppe charnelle, et avec elle, de la réalité. Pour quelques heures, les participants du carnaval laissent de côté leur identité sociale et s’adonnent sous le masque au chant, à la danse, au jeu, à la farce et à la folie. A la survivance du symbolisme pré-chrétien de la fécondité et de la conjuration, les fêtes des compères et des commères ajoutent la satire. On promène quelquefois en tête du carnaval une figure de paille ou de bois, symbolisant l’odieuse année écoulée, que l’on accable de tous les maux et que l’on couvre d’insultes ou de jets de pierre et de fruits pourris. L’élection d’un roi de la fête symbolise, bien plus que la célébration païenne d’une souveraineté magique, le renversement des rapports de forces et la volonté de purifier l’autorité et ses défaillances en mettant en scène la crise du pouvoir. 

         Nous nous apprêtons encore une fois, trois jours avant le début du premier tour des élections présidentielles, à célébrer le combat de Carnaval et de Carême. Sur la place du village tous les figurants courent en tous sens, se bousculent, s'insultent ou se rabibochent au hasard d'unions improbables ou de menaces pour rire en prévision du grand jour. Chacun met en scène à sa manière la déliquescence du pouvoir, entend tirer parti du déclin et de l'impuissance des institutions pour proposer qui de « prendre le pouvoir », qui « une France libre », qui « d'interdire les licenciements », qui « de redonner place au débat citoyen », voire « de peupler le monde avec la physique nucléaire. » Chacun compose sa propre parodie de la course au pouvoir, suggère son propre renversement des valeurs dans un brouhaha qui augmente à mesure que se profile l'apogée de la fête. 

        Au premier plan, les deux principaux protagonistes de la micro-tragédie quinquennale s'avancent l'un vers l'autre. Carême émacié et grimaçant, usé d'avoir si peu et déjà trop régné s'accroche, exsangue, à son prie-Dieu pauvrement rafistolé. Il agite sa pelle à pain, appelle à l'aide, se contredit, ment, geint, cherche à cacher à tout prix qu'il a lui-même bien fait bombance et n'entend pas maintenant choir de son ridicule piédestal pour retourner dans la cour des impuissants et des bouffons. Les larmes aux yeux, il invoque la raison, la sagesse, la grandeur et pleure en agitant ses guenilles ; il est le roi et veut garder le masque mais sous ses pieds le sol tangue et ses suivants ne le poussent qu'avec peine en glissant dans la boue. 

       Et voici que devant lui s'avance Carnaval, « uomo grasso, tondo e colorito sopra cavallo grasso »[1]. Il essaie cependant de ne pas avoir l'air trop gras ni trop réjoui car l'ordre du combat  est cette fois inversé : Carême a fait bonne chère durant cinq ans et c'est Carnaval qui maigrit. Il se doit, pour paraître crédible, d'avoir l'embonpoint austère, il porte gras mais triste, la bajoue timide, les bourrelets en berne et les poignées d'amour en déroute. Le visage grave encadré de sévères lunettes de gestionnaire, il a troqué le pot de chambre contre le costume trois pièces même s'il agite toujours quelques menues victuailles et promesses au bout de sa pique, en dépit des rebuffades constantes que lui inflige Carême. Au pied de son tonneau grimace un suivant aigri qui porte une cravate rouge et donne des coups de pieds dans son improbable monture en rêvant d'y grimper à sa place. De temps à autre, il échange quelques coups avec une virulente mégère qui tente de se jucher entre les deux attelages pour les précipiter à terre. 

       Pour Rousseau, la démocratie représentative, par le jeu des élections, ne donnait au citoyen la possibilité d'exercer de façon très éphémère sa souveraineté que pour mieux le replonger dans l'esclavage, sitôt désignés ses représentants. Accordons-nous donc avec Rousseau mais soyons plus optimiste que lui en jugeant que la comédie du pouvoir est un carnaval qui va se rejouer pour nous dimanche pour notre plus grand amusement. Il importe seulement de bien choisir le masque dont nous nous parerons à cette occasion et de ne pas oublier d'apporter quelques œufs pourris pour les lancer à la face du prochain roi de la fête.  







[1]     Martine GRINBERG. Sam KINSER. ²Les combats de Carnaval et de Carême. Trajets d’une métaphore². Annales, économie, sociétés, civilisations. 1983. Volume 38. N°1. pp. 65-98

mardi 17 avril 2012

Pierre Bourdieu,

un piètre penseur du politique



Au moment où l’on célèbre le dixième anniversaire de la disparition de Pierre Bourdieu, il n’est peut-être pas de bon ton mais assurément salutaire de rappeler que le grand sociologue fut un piètre penseur du politique. Jean Baudouin se fait un malin plaisir de le dire et, surtout, de le démontrer dans un petit ouvrage au sous-titre sarcastique : Quand l’intelligence entrait enfin en politique ! (Cerf, 2012) On l’aura compris, l’auteur n’appartient pas à la « soldatesque » bourdieusienne, et règle volontiers ses comptes avec tous les « politistes de petite volée »[1] qui ont investi le champ de la science politique pour en faire une chasse gardée.

Le ton pamphlétaire de l’ouvrage ne doit cependant pas masquer la rigueur de la critique, même si le couperet tombe avec une certaine jubilation : Bourdieu n’a rien compris au politique ! Exprimé de façon moins abrupte : l’apport de la sociologie critique à la refondation de la Cité est pratiquement nul. Entendons-nous bien, ce n’est pas le corpus scientifique qui est ici remis en cause, mais l’engagement politique de Bourdieu qui se déploie pendant la période 1982-2002. Est-ce à dire que le sociologue, en se prenant pour un prophète, finit par perdre pied dans le réel ? De façon plus large, on peut effectivement s’interroger sur cette dimension latente, et souvent inconsciente, qui pousse l’expert en sciences sociales à prendre en main les affaires du monde au nom d’une conception de la vérité prétendument objective et impartiale. Le passage au politique est pourtant beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît comme le prouve la trajectoire de Bourdieu. En cela, Baudouin montre qu’il était tout simplement un homme en prise avec la réalité, et non un prophète détenteur de la vérité – comme il s’efforçait de le croire lui-même.

Il faut d’abord dire un mot de cet engagement tardif qui se concentre principalement sur les dix dernières années de sa vie. Pendant très longtemps, Bourdieu s’est appliqué à défendre une sociologie « réflexive » qui non seulement se bornait à décrire la réalité sociale, mais qui récusait aussi toutes les tentatives de prescrire des remèdes politiques. Là était la différence entre le sociologue qui s’appuie sur des données tangibles et le philosophe qui devise légèrement des affaires du monde. Ce qui n’empêchait pas, au demeurant, de faire du premier une sorte de thérapeute social : le dévoilement de toutes les formes de domination constituant un programme à part entière. Avec le risque de s’enfermer dans une posture qui tourne sur elle-même et qui accouche finalement « d’une sociologie de l’indignation, d’une rhétorique de la déploration »[2]. Révéler aux acteurs sociaux leur statut de dominés sans leur donner les moyens de s’en libérer, cela revient effectivement à faire de son diagnostic une condamnation sans appel. Cette tension présente au cœur de la sociologie bourdieusienne rejaillit avec force au cours des années 1980 et trouve une solution providentielle : réconcilier tout simplement la science et la vérité, la sociologie et la cité. Dès lors, le programme d’action se déplie dans deux directions simultanées : d’un côté, le décryptage des mécanismes « infernaux » de la mondialisation libérale et, de l’autre, le sacre de l’intellectuel critique, porte-voix des masses opprimées.

Le premier moment est d’autant plus révélateur qu’il recoupe, encore aujourd’hui, la doxa des mouvements classés « à la gauche de la gauche ». Sur ce point, il faut préciser que le « premier » Bourdieu n’a pas été touché par la vague antitotalitaire qui a mis au banc des accusés le communisme réel, et dressé le réquisitoire implacable de ses crimes. Sa posture scientifique lui permet au contraire d’apparaître, au tournant des années 1980, sous les atours de l’intellectuel critique vierge de toutes compromissions. Les bases de son engagement ne sont pourtant pas sans évoquer le spectre du marxisme-léninisme. Certes, la désignation de l’ennemi change sensiblement puisque la « mondialisation libérale » fait désormais figure de repoussoir. Mais les méthodes employées restent les mêmes : la vulgate gauchiste ne s’embarrasse pas des complexités du monde réel et dénonce avec véhémence le visage de ce « nouveau totalitarisme », les victimes de « l’horreur économique ». Et Bourdieu de dresser une généalogie du néo-libéralisme qui étonne par son simplisme : il s’agirait d’une nouvelle idéologie guidée par une oligarchie néoconservatrice dont le programme est la destruction de l’État social. Ce ton conspirationniste, s’il n’était drôle, débouche sur une partition du monde entre « collabos » et « résistants » au système, et s’affaire à repérer la « chaîne des liaisons cachées » (p. 45). Il ne reste plus qu’à dresser la liste des traîtres qui font office de « passeurs » ; et la liste est longue : les socialistes bon teint, les européistes convaincus, les nouveaux intellectuels, les catholiques de gauche, les syndicats réformistes, les clubs libéraux, etc.

Heureusement, face à cette sombre litanie des ennemis, se dressent les prophètes intellectuels qui se chargent d’ouvrir les yeux à tous les dominés du monde. C’est le deuxième moment de l’engagement bourdieusien, lequel se cristallise dans une formule aux tonalités platoniciennes : « Pour un corporatisme de l’universel ». Une nouvelle fois, le contenu étonne par sa simplicité puisqu’il consiste tout bonnement à transférer la fonction d’avant-garde du parti révolutionnaire de la classe ouvrière vers l’élite savante de la sociologie critique, et ce, au nom de la vérité. Fermez le ban ! Car la corporation des sociologues a ceci d’extraordinaire qu’elle peut dire la vérité au nom de la science et échapper par là même au contrôle de l’État, de l’argent et des medias. En un mot, elle peut enfin « aboutir à des “utopies rationnelles” ou encore à des “utopies lestées scientifiquement” » (p. 58). Il existe pourtant un angle mort dans cette histoire enchantée des intellectuels : comment expliquer, en effet, que cette société libérale fascisante ait pu engendrer en son sein sa critique la plus radicale et la plus lucide ? « Au fond, Bourdieu devait rendre compte de l’existence de Bourdieu » écrit Baudouin. Ainsi, le nouveau clerc dépeint une histoire rapide du champ intellectuel qui consiste à dresser une nouvelle liste, celle des « grands » intellectuels qui, de Voltaire à Sartre, ont circonscrit le périmètre du savoir. Le dernier venu étant lui-même, le sociologue-roi à la tête de l’« intellectuel collectif » dont il rassemble toutes les vertus.

Armé de ses deux idées-force – la « démonisation » du libéralisme et la naissance de l’intellectuel critique –, le chantre de la sociologie pénètre (enfin !) dans l’arène politique avec un entrain vigoureux. Il faut dire que la lutte atteint une dimension proprement métaphysique : justice sociale versus barbarie capitaliste. Son programme repose d’abord sur une analyse « scientifique » puisque les données de la sociologie critique sont appliquées au champ politique en général et au phénomène étatique en particulier. Comme à l’accoutumé, les développements s’enferment dans un langage roboratif pour s’ouvrir à une conclusion lumineuse : la mise à jour « d’une catégorie d’agents qui ont pour propriété de s’approprier l’universel »[3]. Il convient, dès lors, de distinguer cette nouvelle caste de privilégiés (« main droite de l’Etat ») de la petite noblesse d’État animée par le dévouement obscur à l’intérêt général (« main gauche de l’Etat »). Cette partition sommaire fait du petit fonctionnaire un véritable agent de la révolution (conservatrice !) dont la mission historique est de « défendre la civilisation associée à l’État providence » (p. 89).

Le diagnostic établi, Bourdieu prend fait et cause pour le mouvement social de 1995 qui est l’occasion pour lui d’une véritable révélation. Courant les estrades, défilant avec les opprimés, éveillant les foules, il est devenu un intellectuel sartrien qui s’engage au nom d’une certaine idée de la justice et de la vérité. La rhétorique est plus que jamais celle de la résistance. Il s’agit de créer un « nouveau front de classe », composé des syndicats, des mouvements sociaux et des chercheurs en sciences sociales, pour en faire une « organisation permanente de résistance au nouvel ordre mondial ». Le combat atteint une dimension internationale avec la mise en place de structures trans-frontalières et la défense de l’État social européen. Toutefois, le pouvoir n’est pas une fin en soi, loin de là, car il ne sied pas à l’intellectuel d’intégrer le champ politique (par ailleurs délégitimé), mais de se placer dans les contreforts de la société pour en être l’un de ses « gardiens invisibles ».

On peut effectivement s’interroger sur les objectifs poursuivis par Bourdieu. La confusion entre les analyses sociologiques et les imprécations prophétiques n’accouche d’aucune proposition politique viable ou, pour le moins, positive. Pour Baudouin, ce refus de penser le politique, dans les termes les plus classiques de sa définition, traduit une détestation profonde de la démocratie représentative et, par extension, de la pluralité des opinions. Il est certain que la science de la société, en se confondant avec la vérité, ne peut pas tolérer le lieu du politique qui, faut-il le rappeler, est toujours instable et mouvant. Ce déni du politique s’ouvre paradoxalement sur un grand élan platonicien qui se décline en deux mouvements consécutifs. Le premier relève d’un véritable travail d’anamnèse, une sorte de conversion, qui produit un regard neuf sur le monde : celui du sociologue capable de dessiller les yeux du dominé. Le second peut être compris comme une « reprise de gauche de Pareto »[4] qui consiste à installer une « vigie savante » dont le rôle est de conseiller et surtout de surveiller le pouvoir. Ce qui n’est pas sans faire écho à l’un des premiers sociologues, Auguste Comte, qui envisageait la mise en place d’un « pouvoir spirituel » dont la science sociale constituerait la révélation ultime.

Au final, le pamphlet de Baudouin est bien salutaire dans le sens où il rappelle les apories d’une sociologie qui verse dans la vindicte politique. On en vient tout de même à s’interroger sur la situation quasiment intenable des intellectuels anti-système : ne sont-ils pas obligés de peindre le monde en noir et blanc pour mieux en faire ressortir les injustices, et mobiliser ainsi les classes sociales défavorisées ? Certes, Bourdieu est un mandarin de l’université française, mais son engagement peut aussi se comprendre comme une révolte quasi existentielle contre l’ordre établi. Et, dans ce cas, la posture non dénuée d’une forme de romantisme cède souvent le pas à une analyse raisonnable des situations. Aussi ne partagerons-nous pas l’impression que laisse Baudouin à certains endroits de son livre. Le fondateur de la sociologie critique a peut-être investi avec succès certaines disciplines universitaires, mais il a également fait l’objet de critiques virulentes et a souvent été relégué dans les marges du débat public. Ainsi, le « petit abécédaire de la haine ordinaire » situé en fin d’ouvrage et composé de citations de Bourdieu apparaît bien léger au regard de la véritable haine qu’il a parfois suscité : « fou d’orgueil, narcissique, manipulateur, hypocrite, pervers, grandiloquent, ridicule, insupportable » (Alain Minc), « bizarre croisement entre “X-files” et Maurice Thorez » (Laurent Joffrin), « discours simpliste, naïf, moralisateur comme celui d’un catho déluré » (Jacques Julliard), etc. Et soyons certain que les hommes qui le jugeaient ainsi disposaient également de leviers puissants pour relayer leur parole. 




Article également publié sur http://www.causeur.fr/

[1] Expression de Baudouin pour qualifier les politistes, tels que Daniel Gaxie et Alain Garrigou, qui se situent dans le sillage de Bourdieu (p. 22).
[2] Jean Baudouin, « Le “dernier Bourdieu” ou la célébration paroxystique de l’intellectuel critique », François Hourmant, Arnauld Leclerc (dir.), Les intellectuels et le pouvoir, Presses universitaires de Rennes, coll. « Essais », 2012, p. 129.
[3] Pierre Bourdieu, « Les deux faces de l’Etat », Le Monde diplomatique, janvier 2012, pp. 16-17.
[4] Philippe Raynaud, « Les nouvelles radicalité », Le Débat, mai-septembre 1999, p. 25.