mardi 23 août 2022

La tribune d'Emile Boutefeu - rentrée des classes !

 

 


 

 

Rentrée des classes



Rosâtre et gras, la boule à Z,
il se présente : « Bébé-cadum »,
désigne son sexe : « Kiki Magnum... »,
nomme ses élèves « Mes cochonnets »,
puis il professe bien des choses sales
De braves parents épouvantés,
grâce à Whatsapp, montent une cabale

 

 


 



mardi 9 août 2022

Nazisploitation : kitch et décadence

 

 


 

         Plaisir coupable ? Assurément que de se remémorer avec un petit pincement à l’âme la figure sévère de Dyanne Thorne, encorsetée dans sa blouse blanche, poitrine opulente et ouverte, brassard à croix gammée et bottes en cuir, celle qui officiait en tant que médecin de camp perverse et nymphomane dans Ilsa, la louve des SS. Naturellement, on peut lui préférer une version plus noble avec Luchino Visconti qui mettait en scène une orgie homo-érotique d’officiers SA juste avant la nuit des longs couteaux dans Les damnés. Ou encore une version plus transgressive avec Portier de nuit (Liliana Cavani) où l’érotisme et la mort ondulaient ensemble à travers les personnages d’un ancien tortionnaire nazi et d’une jeune rescapé des camps ; Dirk Bogarde et Charlotte Rampling formant un « couple » aussi lugubre qu’envoûtant. En 1975, à l’occasion d’une critique de l'ouvrage de Leni Riefenstahl (The Last of the Nuba), l’austère Susan Sontag avait bien perçu, en dépit de quelques raccourcis, que le « fascinant fascisme » était en train de se répandre dans les marges de la culture.

 


         C’est la thématique ô combien « affriolante », si l’on peut s’exprimer ainsi, que le journaliste et écrivain Clovis Goux a choisi d’explorer dans son dernier roman Les poupées. Le bandeau du livre, sensationnaliste mais diablement efficace, renvoie plus directement à la nazisploitation, une série de films de série B réalisés au cours des années 1970 qui, à la suite d’Ilsa, la louve des SS, exploite le filon de la pornographie teintée de nazisme[1]. Le point de vue adopté par l’auteur est cependant plus large avec la déclinaison de quatre histoires réelles (mais romancées) qui le plus souvent résonnent entre elles et qui, parfois, se croisent et se confondent dans ce point ultime qu’est le nazisme d’opérette. Quatre histoires, donc, et quatre personnages pittoresques : Yehiel Dinur qui sous le pseudonyme de Ka-Tzetnik 135633 a écrit House of dolls en 1953 pour relater de manière fantasmatique sa vie dans les camps ; Bob Cresse, producteur sulfureux des marges de Hollywood, qui réalise le tout premier film de la nazisploitation, Love camp 7, en s’inspirant plus ou moins lointainement du livre de Ka-Tzetnik ; Lena Riefenstahl, la cinéaste culte du Troisième Reich, qui pour faire oublier son passé part en expédition au Soudan pour photographier le peuple Nouba ; Luchino Visconti, enfin, qui réalise Les damnés en 1968 avec son acteur et amant fétiche Helmut Berger. 

 


La succession des chapitres, souvent brefs (4-5 pages), intriguent les histoires entre elles pour créer l’atmosphère vénéneuse et surannée du nazi trash et kitch. La grande force de l’ouvrage est aussi sa principale faiblesse : partir de faits réels pour en proposer une interprétation personnelle sans que, toujours, le lecteur ne puisse faire la part du vrai et du faux. Ainsi, l’itinéraire de Bob Cresse dans les bas-fonds du cinéma hollywoodiens et les péripéties de la réalisation de Love camp 7 sont passionnants. Ils décrivent symboliquement le retournement des années hippies en une sorte de noir psychédélisme avec en toile de fond la figure de Charles Manson qui, déjà, arborait une croix gammée entre les yeux. Le traitement de la « pauvre » Leni Riefenstahl est aussi jubilatoire que farcesque ; l’auteur prend un malin plaisir à la décrire en harpie nymphomane tout au long de son périple au Soudan. La charge est parfois grossière et entendue – rouler dans la fange la réalisatrice du Triomphe de la volonté – mais l’on sourit volontiers à ces mésaventures. Un ton tout aussi sarcastique parcoure les pages consacrées à Visconti et, surtout, à ses déboires avec son amant et cocaïnomane Helmut Berger. Là aussi, la charge est un peu lourde alors même que certains passages auraient mérité d’être plus amplement fouillé tant ils sont captivants. Enfin, les plus longs chapitres concernent Yehiel Dinur, le personnage le plus intrigant, celui qui a tenté d’exorciser sa terrible expérience dans une histoire hallucinante de jeunes femmes contraintes de se prostituer dans un camp de concentration nazie. L’ouvrage change de ton ; l’auteur essayant de se mettre à la place de Ka-Tzetnik pour sonder les abîmes d’une âme déchirée par l’histoire. Disons que ce n’est pas toujours convaincant mais jamais ennuyeux. 

 

 

Bref, Les poupées est un ouvrage à conseiller, fortement, par son originalité, son style et sa thématique. On aurait presqu’aimé qu’il porte tout entier sur l’histoire de la nazisploitation tant ce phénomène paraît extravagant à seulement une trentaine d’années de la découverte des chambres à gaz. Il peut être interprété comme l’un des monstrueux enfants de Hollywood Babylone si bien décrit par Kenneth Anger – dont le Scorpio Rising figurait sur la liste établie par  Susan Sontag pour dénoncer le « fascinant fascisme ». La boucle est bouclée. Croix gammée. 

 


 

 


 

 

 



[1] Pour les plus connus, on peut citer les titres suivants qui, à eux seuls, résument parfaitement le contenu des films : SS Experiment Camp (1976), Last Orgy of the Third Reich (1977) ou Salon Kitty (1976).