mardi 28 janvier 2014

Fini de rire



      160 000 manifestants selon les organisateurs et 17 000 selon la police. Avec la manifestation du « Jour de la colère » de dimanche, la guerre des chiffres suscite de nouvelles interrogations : y avaient-ils vraiment des organisateurs ? Et combien de pandores faisaient partie du cortège ?
            J’ai longuement hésité avant de me rendre sur place. Les conditions météo n’incitaient pas vraiment à battre le pavé ce jour-là, au milieu des cortèges de Civitas, des partisans de Dieudonné et des bonnets encore rouges de colère. Comme le fait remarquer un ami qui a décidé avec sagesse de rentrer chez lui : « Les révolutions ça se fait au printemps ou en été. L’hiver on fait juste des martyrs. » La colonne de Juillet qui se dresse derrière nous lui donne entièrement raison : « À la gloire des citoyens français qui s'armèrent et combattirent pour la défense des libertés publiques dans les mémorables journées des 27, 28, 29 juillet 1830. » C’est imparable. Néanmoins, avec un autre ami, décidé lui à rejoindre la manifestation, nous pressons le pas pour rattraper le cortège qui file devant nous sur le boulevard.
Je suis curieux de voir ce que donne ce rassemblement hétéroclite d’opposants anti-Hollande qui me semble pourtant se prévaloir de revendications un peu trop limitées à la seule détestation du gouvernement socialiste. La manifestation s’appelle « Jour de colère » non ? On devrait donc protester contre la politique européenne, le protectorat économique Allemand, le renoncement de la France à toutes ses prérogatives d’Etat souverain, les progrès du communautarisme, la marchandisation du corps humain ; et pourquoi pas même la destruction des campagnes et le triomphe de l’horreur industrielle ? Bon au moins, on dénoncera le lobbying associatif, le politiquement correct et la corruption des médias, ce qui est déjà une bonne chose. Mes positions désespérément  réactionnaires m’empêchant de courir assez vite, nous voilà à la peine pour rattraper le cortège. Je remarque quand même qu’avec notre petite-demie heure de retard sur l’horaire de départ de la manifestation, les participants doivent être peu nombreux, ou alors très motivés, pour nous avoir distancés aussi rapidement. Je m’attends presque à trouver une cinquantaine de manifestants tout au plus, entourés par un cordon de CRS rigolards. On n’est pas loin du compte en arrivant au cortège : la présence policière est impressionnante et la foule des manifestants est singulièrement étirée. Portés par la rancœur et la rage, les gens avancent vite mais, le soir venu, j’aurai la surprise de trouver le comptage policier plus réaliste que l’estimation des organisateurs. 160 000 ? Certains prennent clairement leurs rêves pour des réalités et l’on est certainement plus proche des 25 à 30 000, grand maximum. Le cortège est long mais aussi très clairsemé.
Ce qui ne relève pas du domaine du fantasme en revanche, c’est le dispositif policier. Les flics et les CRS sont littéralement partout, bloquant les rues transversales, montant la garde devant les magasins, voire les entrées d’immeuble. C’est presque inhabituel et cette présence policière ajoute à la tension. A peine arrivés à la hauteur de la queue de cortège, nous constatons à quel point l’ambiance est explosive. Un peu partout au milieu des rangs clairsemés des manifestants, de petits groupes de trois, quatre ou cinq personnes évoluent avec rapidité sur le théâtre des opérations, certains tenant déjà des bâtons improvisés à la main. La jeunesse des participants est notable ainsi que leur diversité, pour reprendre le mot à la mode. Elle est là la France « black-blanc-beur », dans la rue, en capuche, en doudoune et, malheureusement pour les bonnes âmes, elle n’est pas venue chanter du Yannick Noah ou crier gloire à Zidane. Les pétards explosent un peu partout, les (rares) journalistes se font traiter de collabos et les slogans sans équivoque fusent un peu partout : « Mort aux juifs et aux sionistes ! », ou la variante « Juifs hors de France ! », voisinent avec « Hollande Démission !» et « Valls facho ! ». Juché sur un placard électrique, un type enchaîne les quenelles face à la foule, visiblement très satisfait. Un peu plus loin des partisans de Dieudonné brandissent un ananas et se font huer par quelques crânes rasés qui passent avec un grand drapeau arborant une croix celtique. Il y a un ou deux « macaque ! » qui volent. L’unité ce n’est quand même pas pour demain et les masques tombent dans cette ambiance de guerre civile verbale. Il est difficile de ne pas voir l’antisémitisme virulent qui unit cette partie-là du cortège, il crève les yeux. D’un côté il y a ceux qui font des « juifs et des sionistes » les responsables de tous les malheurs de leur communauté opprimée, de l’autre ceux qui n’ont jamais perdu de vue une vieille tradition politique. Les mots d’ordre, de l’anti-hollandisme à l’antisionisme, sont suffisamment vagues ou fumeux pour donner à tout ce beau monde un semblant d’unité mais il y a de quoi s’y perdre entre dieudonnistes, soraliens, partisans de Civitas, bonnets rouges, patrons en colère et racailles sur le sentier de la guerre. Même un petit groupe d’anars tout de noir vêtus avec leur drapeau en berne – que font-ils là ? Ce sont des Black Blocs qui se sont égarés ou des antifas venus chercher la baston? – ont l’air d’avoir du mal à s’y retrouver. On dépasse les bannières du rassemblement du NON et j’ai une pensée pour Renaud Camus : se demande-t-il au fond ce qu’il est venu faire là lui aussi, avec son Grand Remplacement et sa misanthropie idéaliste, au beau milieu de cette cour des miracles ? Moi aussi je me le demande quand je vois encore des excités crier « mort à la finance et aux juifs ! » Seront-ils donc si sûrs d’avoir détruit la finance quand ils auront exterminé tous les juifs ? L’ami qui m’accompagne rappelle la sentence d’August Bebel : « L’antisémitisme, c’est le socialisme des imbéciles. »
Manuel Valls, je ne sais pas s’il connaît Bebel, a dû plus ou moins penser la même chose à propos du « Jour de colère » et se dire que quelques imbéciles lui fourniraient un bon prétexte pour démontrer plus que jamais la réalité de la menace fasciste en France et la nécessité du bouclage idéologique. Nous réussissons à prendre un peu d’avance sur le cortège pour déboucher sur la place Vauban et prendre conscience que tout est organisé pour former une parfaite souricière. Toutes les grandes avenues qui partent de la place sont barrées de camions de CRS et de barrières de police. En dépit de ce présage funeste, la fête continue. Une scène géante a été installée et la sono vomit pour l’instant du Shakira sur la place détrempée par la pluie. Le tube de la dernière coupe du monde de football, Waka Waka, résonne à pleins tubes alors que l’avant-garde des premiers manifestants débouche sur la place. La France Black-blanc-beur est cette fois bien sortie du bus de Knysna et elle défile avec l’extrême-droite radicale. Je me demande comment les fins analystes du Nouvel Observateur ou du Monde vont décortiquer ça.
Dans les quelques heures qui vont suivre, les orateurs se succéderont à la tribune pendant que les forces de l’ordre se prépareront à exécuter le « coup de filet antifasciste » qui plairait tant au ministère de l’intérieur et au gouvernement. Il y a une chose en tout cas qui ne changera jamais en France, c’est l’inaptitude complète des flics en civil à se grimer en manifestants. Un type de quarante ans qui se baguenaude en doudoune et jean délavé, bière à la main, tout en jetant un coup d’œil plus ou moins discret au bouclage du cordon de flics sur l’avenue de Breteuil, et en furetant à droite à gauche avec l’air faussement intéressé, aurait l’air moins repérable avec un sweatshirt « police nationale ». C’est l’autre constatation du jour d’ailleurs : cette manifestation est bourrée de flics en civil et d’agents provocateurs dont le rôle est de chercher la cogne pour faire dérailler l’ensemble. Ils n’auront pas beaucoup de peine à se donner de toute façon au vu de l’ambiance générale dans le cortège. Mais « le coup de filet antifasciste » n’aura finalement servi à attraper que quelques sardines : huit mises en examen sur plus de deux cent cinquante interpellations. Ce qu’il reste de cette journée, c’est un pauvre flic blessé gravement après s’être pris un pavé dans la mâchoire, quelques excités complètement intoxiqués par leur antisionisme obsessionnel, ou leur antisémitisme, appelons les choses par leur nom, une procession hétéroclite de « jeunes issus de la diversité » groupés derrière leur idole, une extrême-droite perdue, elle, dans sa diversité et un gouvernement trop heureux de pouvoir tirer les marrons du feu. Ce jour-là, la colère n’aura pas été très bonne conseillère.

Article à retrouver sur Causeur.fr

vendredi 24 janvier 2014

Idiots en folies (9)



Pas  de peau à dévorer
Sur tes os épars,
Nos visages étonnés
Qui réclament la faim,
Nos corps brisés
Et les chairs en lambeaux,
Cannibales qui fouillent,
Feu dedans,
L’amour enfui,
La nuit devant.




SOS Racisme 2.0: quenelle, la recette finale

Ingrédients
250 ml d'eaux troubles
50 g de beurre bien rance ou de vaseline
2 à 3 cuillers de calembours bien salés
200 g de poudre aux yeux
3 œufs moisis qui sentent le soufre
250 à 300 g de chair de bête immonde aux relents nauséabonds

Ustensiles
1 batterie de casseroles
1 batterie d’associations indignées
1 râpe à CRIF
1 ministère amer
1 spatule en langue de bois
1 Conseil d’Etat ayant peu servi
1 pilon ou 1 mixer pour faire des amalgames
1 plan de com

Préparation
Etaler les ingrédients sur le plan de com. Mélanger le beurre rance ou la vaseline à la poudre aux yeux, aux oeufs et aux calembours (en utilisant le pilon à amalgame) et faite revenir le tout dans une casserole d’eaux troubles portées préalablement à ébullition pour former une bonne panade. Quand l’ensemble présente une consistance solide et suinte la haine, enfariner le tout et remettre sur le feu en laissant cuire 5 mn à feu doux. Remuer avec la spatule pour bien dessécher le débat. Quand vous êtes sûr d’avoir une belle panade, allumez le feu sous la batterie d’associations indignées et le ministère et ajoutez la chair de bête immonde. Laisser tiédir. L’ensemble doit dégager des relents nauséabonds, dans le cas contraire, il faut repasser la panade à feu vif. Râper généreusement une bonne tranche de CRIF afin de faire tourner la préparation au vinaigre.

Le façonnage en quenelle :
Bien enfariner le tout et façonner quelques gros boudins de 140 ou 175 avec les tranches de panade préalablement découpées. Enfiler les quenelles à tour de bras dans le ministère jusqu’à saisie complète du conseil d’Etat.


C’est prêt ! A table !

Quenelle de veau (marin)

jeudi 23 janvier 2014

SOS Racisme 2.0: Quenelle or not quenelle

         La quenelle est désormais sortie des assiettes pour devenir un symbole politique fort, plus phallique encore que le ministère du redressement productif. Nouvel étendard de l'antisémitisme triomphant ou fistfuck anti-tout, symbole d'ignominie réprimée par la loi ou geste de la subversion reconquise, c'est un choix de vie. 





Merci au Professeur du Dimanche et à Apache.

mercredi 22 janvier 2014

SOS Racisme 2.0: "Nazi, c'est celui qui dit qui y est"


         Suite de notre dossier avec un idiot parfaitement en colère qui prend la défense d'un nazi amateur de danse africaine. On n'y comprend plus rien.  

Ces dernières semaines, nos plus hauts responsables politiques sont descendus dans la cours de l’école pour faire la peau à ce « macaque »[1] de Dieudonné qui ose se moquer des plus hautes instances de l’Etat, et de certains groupes qui en inspireraient les destinées. Dans le rôle du flic à matraque, Manuel Valls nous la joue à la Sarkozy, gros bras et petite cervelle, et va en remontrer à ce petit guignol de M’Bala M’Bala[2]. Et cela tombe bien, justement, parce que ce petit guignol se trouve être l’ennemi public n°1, celui qui met en péril l’harmonie sociale, la dignité humaine, la gastronomie lyonnaise et les grands équilibres internationaux. En plus, c’est un nazi – tout le monde le répète, cela doit donc être vrai –, disons que c’est un nazi bronzé qui s’entoure de français « black blanc beurs » élevés à l’antiracisme d’Etat. Leur signe de ralliement est encore pire, c’est carrément le salut hitlérien à l’envers, « dans le c… du système » qu’ils disent, heureusement, Valls ne s’est pas laissé prendre à ce petit jeu et leur a déclaré la guerre totale, avec tous les moyens de l’Etat à sa disposition. De toute façon, le grand chef « Normal 1er », lui a laissé carte blanche parce qu’en ce moment il est plutôt occupé à essayer de coincer une petite starlette…



         Bref, la chasse à l’homme a pris forme quand les messieurs importants du CRIF ont alerté les plus hautes instances de l’Etat pour s’occuper du cas Dieudonné (et, accessoirement, celui de Soral). Même Zemmour  (demi-nazi il est vrai) s’est dit être choqué par ce « partenariat entre Valls et le CRIF ». Une fois inscrit sur l’agenda politique le nom de ce petit diable métisse, il a bien fallu vendre la répression qui allait s’abattre sur lui aux Français qui se prennent pour des citoyens libres et égaux. Le programme a été rondement mené, avec l’appui de quelques séides revanchards, pour faire d’un cas particulier une cause nationale. Encore un peu, et l’on était obligé de former un gouvernement de salut public, avec mesures d’exception et restriction des libertés publiques[3]

        Le premier coup porté a été de faire main basse sur le site commercial de Dieudonné afin de récupérer les noms, les adresses et les photos de toutes les personnes impliquées dans ce gigantesque complot brun-vert - Dieudonné est aussi un peu islamiste sur les bords, tant qu'à faire. Après, comme à l'accoutumé, certains se sont chargés de faire le sale boulot : dresser des listes, dénoncer des individus, faire pression sur les employeurs et organiser quelques expéditions punitives. Là, il rigolait déjà moins le petit fürher du théâtre de la main d'or. D'autant plus que direct, le second coup lui est tombé dessus, et que celui-ci en règle générale ne pose aucun problème de logistique tellement il est bien huilé : le lynchage médiatique. Ce fut grandiose : tous les médias, absolument tous les médias, ont relayé la bonne parole pour faire taire cette "crevure", en appeler à un sursaut républicain et à un nettoyage des "cerveaux malades". 

Si seulement un déséquilibré avait pu prendre au pied de la lettre ces appels au meurtre, l’affaire aurait été vite réglée. Deux balles, et on n’en parle plus. Mais bon, cela ne se fait plus trop, paraît-il[4]. Certains ont quand même fait preuve d’un courage inouï et d’une inventivité géniale : Christophe Barbier en appelant à la censure d’internet puisque les Chinois y arrivent bien ![5] Pour notre part, on demanderait bien la réouverture des maisons de correction mentales, des hôpitaux de redressement idéologique ou encore des camps de réinformation politique[6]. Ils ont raison les défenseurs de la liberté d’expression et des droits de l’homme, il faut que cela cesse : non seulement on ne peut pas tout dire, surtout en public, mais plus grave encore, on ne peut pas tout penser. Pour cela, les séances d’autocritique devraient également être réinstaurées : le Nouvel Obs pourrait par exemple s’en charger, en tant que garant de l’intégrité morale et chasseur invétérés d’esprits déviants.



         Enfin, revenons-en à notre cas Dieudonné. Au départ, il s’est bien défendu, avec ces vidéos libres – voilà où mène la liberté, tout droit vers le nazisme ! Du coup, il a fallu passer à la vitesse supérieure : criminalisation de la quenelle (deux lycéens arrêtés pour « apologie de crime contre l’humanité »), solidarité de tous les élus de la République (au nom de la « patrie en danger »), dénonciation du business de la « shoah » et, cerise sur le gâteau : censure de tous les « meetings politiques » de l’humoriste. Un dernier accroc que cette décision du tribunal administratif qui ne pouvait pas, objectivement, retenir les troubles à l’ordre public puisque depuis que le spectacle tourne, il n’y en avait tout simplement jamais eu. Là, notre « maître » à tous, Valls, a fait très fort ; il a diligenté le Conseil d’Etat en composition restreinte pour casser la première décision, et tordre tous les principes républicains pour parvenir à interdire préventivement un spectacle, avant même de savoir ce qu’il contenait. En l’occurrence, le soupçon suffit. Belle jurisprudence que de condamner la liberté d’expression au motif des potentialités qu’elle renferme : user librement de sa parole. Apparemment, la décision serait déjà commentée dans de nombreux Etats autoritaires qui se réconcilieraient, pour le coup, avec les principes du régime démocratique. C’est vrai qu’au départ on ne leur avait pas dit que la démocratie pouvait se moduler en fonction de la dignité humaine, dont la définition peut être très évasive. Quant à Poutine, on dit qu’il aurait envoyé un ananas en guise de félicitations…




         Avec toute cette mauvaise histoire de diables en culottes courtes, on a quand même fini par flanquer une bonne rouste à ce rasta pangermaniste. Le problème, c’est maintenant qu’il est au sol, on ne sait plus trop quoi faire. On va quand même pas l’envoyer six pieds sous terre, cela va se voir. Et comme il est tenace, il va nous revenir avec un spectacle sur la danse africaine et les légendes bantous. Heureusement, on sait bien maintenant que tout cela c’est du nazisme déguisé, si, si, la danse africaine aussi. Et puis avec la jurisprudence du Conseil d’Etat, la vigilance des chiens de garde du système et la puissance de l’appareil étatique, ils peuvent toujours approcher les ennemis de la démocratie. C’est vrai que la soupe est bonne à la cantine, et l’on voit d’un mauvais œil les enfants de pauvres en réclamer leurs parts. C’est eux ou nous. Leçon bien comprise ?





[1] Nous ne faisons que reprendre ici une des très nombreuses insultes racistes émises à l’encontre de Dieudonné et diffusées sur divers supports (sites, blog, tweets, etc.) sans que personne ne s’en émeuve. Il y a quelques semaines encore, tout le monde tombait à bras raccourcis sur la « une » de Minute qui avait eu le très mauvais goût de faire un jeu de mots à propos de Christiane Taubira. Pourtant, les insultes contre Dieudonné sont sans commune mesure : « macaque nauséabond gourou », « Chimpanzés et Bonobos, Dieudonné et la zoologie », « Dieudonné, le macaque de Le Pen », « sale nègre », etc. Que font les associations antiracistes ? 

[2] Nous sommes également surpris que Bedos (le fils de) ait le droit d’user de l’humour raciste (en copiant de façon très maladroite Dieudonné) dans une « grande » émission de télé sans que personne ne trouve rien à y redire. Apparemment, répéter « M’Bala » plusieurs fois en prenant l’accent « nègre » c’est drôle, tout comme de jouer une « caillera » de banlieue en le faisant passer pour un abruti face au jeune blanc des beaux quartiers qu’il se représentait lui-même. Et tout le monde de s’esclaffer devant autant de bêtises…

[3] Le président de la LICRA, Alain Jakubowicz, a d’ailleurs précisé que même les sketchs « tendancieux » de Desproges auraient dû être interdits s’ils avaient été prononcés dans le contexte actuel.

[4] Ce n’est pas faute d’avoir de grands journalistes comme Philipe Tesson, « libéral » et de « droite », pour en faire le vœu pieu : « Pas de pitié pour Dieudonné : sa mort par exécution par un peloton de soldats me réjouirait profondément. Qu’on le supprime, c’est tout ». Faut-il rappeler que dans l’actuel droit pénal, l’appel au meurtre ne rentre pas dans le cadre de la liberté d’expression ? 

[5] Dans l’émission « Les grandes gueules » de RMC, Barbier l’a ouverte, la sienne, pour dire : « ça se régule aussi internet, entre nous, les Chinois ils y arrivent bien ! ». Notons qu’il est coutumier du fait, et verrait d’un bon œil la mise en place d’une « police du net ». A préciser, sans doute, dans le code déontologique des Journalistes…


[6] Notons que nous y sommes déjà puisqu’une convention a été signée entre le parquet de Paris et le Mémorial de la Shoah pour mettre en place des « stages pédagogiques » pour « tout auteur d’une infraction antisémite d’âgé d’au moins treize ans » (entendre ici ceux qui font le geste de la quenelle). On attend la mise en place de stages pédagogiques pour ceux qui persistent à faire référence positivement au goulag, à nier les massacres kurdes, à relativiser la traite négrière, à se moquer du génocide des Indiens, etc. 

lundi 20 janvier 2014

SOS Racisme 2.0: Le golem


            Idiocratie continue son petit tour d'horizon des opinions sur la question dieudonnesque et les multiples et fertiles conséquences du règne de SOS Racisme en plongeant aujourd'hui dans les arcanes mystérieuses de la Kabbale. 

           Puisque la mode est au complot sioniste, redonnons au genre ses lettres de noblesse et rendons également justice à l’un de ses principaux artisans en lui donnant un alter ego cinématographique (et littéraire) à sa mesure. Dans le Golem (1920), le Grand Rabbin de Prague donne vie à une terrible créature, un gardien d’argile implacable, animé par la magie de la Kabbale, qui doit servir à défendre la communauté juive de Prague contre ses ennemis. Dans la mythologie du judaïsme, le Golem, être de pierre ou de glaise, est une créature sortie à peine ébauchée de la matière brute, qui n’est mue ni par la raison, ni par la passion, mais par une force dont le contrôle échappe tout autant à lui-même qu’à ses créateurs. Dans le film de Paul Wegener et Carl Boese, le Golem, après de multiples péripéties, sème l’effroi et la terreur dans les rues de Prague sans que rien ne semble pouvoir l’arrêter, jusqu'à ce qu'une fillette innocente lui tende la pomme de la réconciliation.




         L'itinéraire de Dieudonné, depuis les années SOS Racisme jusqu'à aujourd'hui, fait un peu penser à la légende du Golem. L'humoriste a en quelque sorte lui aussi été forgé, non par le Grand Rabbin de Prague, mais par le contexte très particulier des années SOS Racisme, depuis la fameuse marche des beurs, épisode relaté récemment par l’hagiographie de Nabil Ben Yadir, bide retentissant et film poussif  qui noie le spectateur dans les flots épais d’une moraline indigeste. L’œuvre est pourtant assez fidèle à l'épopée de SOS Racisme, hold up médiatique habilement orchestré par Jacques Attali et Julien Dray. En 1993, le sociologue Paul Yonnet, dans un ouvrage qui avait suscité lors de sa sortie des protestations indignées, émettait l’idée que SOS Racisme avait été la contrepartie d’une double décomposition, culturelle et idéologique, celle du marxisme prolétarien et celle du catholicisme s’effaçant devant le triomphe du différentialisme  et d’un nouvel universalisme tiers-mondiste, nouveau mythe et modèle social. 

« Ce mythe social, écrit-il dans Voyage au centre du malaise français, s’est offert aux Français sous les traits de l’organisation SOS Racisme, qui l’a développé dans les formes d’une idéologie de substitution à l’idéologie marxiste et aux idéologies dérivées d’elle ; en tant que mythe, on peut dire qu’il a exercé le pouvoir politique sous la forme d’un antiracisme d’Etat. Naturellement, pour généreux et positif qu’on puisse le considérer de prime abord, il a suscité, continue et continuera de susciter de puissantes résistances, d’autant que la situation créée dans les zones urbaines et périurbaines à fortes proportions d’immigrés offre un spectacle ne correspondant pas exactement à celui annoncé d’un enrichissement par la différence. Xénophobie et racisme sont définis sur ce champ de forces, par le caractère plus ou moins résolu de l’opposition à l’axe central du mythe, par la nature et les formes dans lesquelles cette opposition s’exprime. Devant le refus ou l’incapacité des partis politiques – du parti communiste au parti gaulliste – et des religions de prendre cette opposition en charge, celle-ci s’est trouvée confinée dans la droite radicale, lieu d’accueil qui aurait été jugé naturel s’il s’était agi de faire écho à des conceptions de la société du type traditionaliste ou néo-fasciste, mais qui ne l’est plus si l’on considère les liens historiques étroits de tous les autres courants politiques et de l’Eglise de France avec la nation. D’où un ruineux amalgame entre opposition au mythe antiraciste et droite radicale, qui n’a pas peu contribué à obscurcir les débats sur la réalité de l’antiracisme et du racisme, et sur la signification des comportements politiques enregistrés. » (Paul Yonnet, Voyage au centre du malaise français, Gallimard, coll. Le Débat, 1993). 

         SOS Racisme n’est pas tant l’histoire d’une manipulation électorale que d’une rencontre entre les composantes idéologiques nouvelles de la gauche – marginalisant un marxisme ringardisé – et un Parti Socialiste qui pouvait faire d’une pierre deux coups en disqualifiant l’allié communiste et en suscitant l’union de sa base électorale par opposition à la nouvelle « bête immonde » dont elle assurait médiatiquement la naissance et qu’elle laissait entre les pattes d’une droite conservatrice empêtrée dans sa mauvaise conscience. On pouvait espérer aussi, par le biais de SOS Racisme, gagner la faveur des quartiers puisque le socialisme fabiusien n’avait décidément plus le monopole du cœur dans les milieux ouvriers. Dans le contexte d’une décomposition graduelle du modèle social et assimilationniste français, SOS Racisme, et avec lui une kyrielle d’associations appuyant leur discours sur le droit à la différence et le communautarisme – le CRIF, le CRAN, le MRAP, le ZBOUB et la choucroute, comme dirait Mozinor – ont largement profité du contexte des années 90 pour envahir l’espace public. Il est difficile de restituer exactement l’atmosphère étouffante de ces années post-guerre froide durant lesquelles une société sommée de ne parler plus que le langage du multiculti, de la solidarité et du « respect », valeur cardinale entre toutes, s'est progressivement enlisée dans le marécage du politiquement correct.




         Dieudonné a cependant réussi là où SOS Racisme et des années de discours officiel « solidaire  et intégrateur » ont échoué. La France « black-blanc-beur », il semble en avoir accouché plus durablement que l’équipe de France en 1998, en favorisant l’alliance des fils d’immigrés frustrés et des petits blancs humiliés sur le dos de « l’ennemi sioniste », et la Marseillaise résonne plus volontiers aux abords du théâtre de la main d’or ou des palais de justice aujourd’hui que dans les stades de foot. Un peu comme l’arrivée inopinée de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour des élections de 2002, l’« affaire » Dieudonné agit comme un révélateur et laisse entrevoir les coulisses d’une société du spectacle qui s’emballe et les ratés d’un discours qui tourne à vide. Quand le président du CRIF défend l’idée qu’il faudrait aujourd’hui censurer Desproges quand il parle des juifs, il s’identifie à un communautarisme qui ne fait que donner plus de force encore au discours de Dieudonné. Quand Nicolas Bedos, dans un sketch (comme d’habitude ?) lamentable, portant barbe à la Dieudonné et moustache à la Hitler, ironise lourdement sur le patronyme M’Bala, M’Bala, ou imite un ziva fan de dieudo agressif en ne nous épargnant rien des clichés wesh, il laisse tomber le masque de l’humoriste « impertinent » pour redevenir le petit blanc flippé des beaux quartiers qu’il n’a jamais cessé d’être en dépit de son « insolence » soigneusement et politiquement calibrée. Aujourd’hui parvenu au sommet de sa carrière, il n'aura pas déçu et parvient enfin à être encore moins drôle que son père. 

         Dieudonné, Malcom X version 2.0 et France moisie, c’est un peu Christiane Taubira qui aurait pété les plombs et invectiverait Meyer Habib de son pupitre de l’assemblée nationale en brandissant l’esclavage contre le sionisme, dans la grande surenchère victimaire. L’humoriste cinglé a soudain rendu fous ceux qui posaient en arbitres de la légitimité morale et dénonçaient à la moindre alerte tout manquement au nouvel ordre pensant. Il a tourné en ridicule les experts et les justes auto-proclamés en les forçant à partager sa camisole de force. Un raté dans la chaîne de montage et c’est Dieudonné qui est sorti de la machine à produire de la bonne conscience pour gâcher la fête et semer la zizanie au sein de l’union sacrée associative et du parti du bonheur. Comment lutter contre un type qui fait basculer en quelques jours tout le gouvernement dans sa folie furieuse, qui pousse toute la classe politico-médiatique à produire des explications byzantines pour démontrer que  « Dans ton cul » veut dire « Heil Hitler » et qui réussit à envoyer Meyer Habib à la tribune de l'assemblée pour réclamer l’interdiction d’un salut qui convoque en un seul geste la gastronomie lyonnaise, le IIIe Reich, la danse orientale et le Dr Folamour ? On ne lutte pas contre la folie du carnaval qui balance les rois cul-par-dessus tête, couronne les bouffons et les monstres et condamne les Meyer Habib, les Nicolas Bedos à tourner éternellement sur eux-mêmes dans l’immensité du vide qu’ils ont produit. 



         ...Pendant ce temps, au moment où les spectacles de l’infâme Dieudonné sont interdits les uns après les autres, Elie Semoun ne montera pas sur scène lui non plus : il n’a pas vendu assez de billets...

dimanche 19 janvier 2014

SOS Racisme 2.0


 La politique française a atteint un tel degré de parodie que les idiots ne savent plus où donner de la tête. L'affaire Dieudonné a dépassé toutes les attentes, et c'est avec joie que l'on propose à nos lecteurs un dossier rassemblant des points de vue que nous espérons aussi complémentaires que contradictoires. Un premier idiot s'inquiétera de savoir de quoi DieudonnéSoral est-il le nom tandis qu'un second tentera de remonter les pendules de l'horloge antiraciste. Enfin, un troisième trouvera dans cette nouvelle chasse aux sorcières matière à son masochisme impénitent. Ainsi, la boucle se fermera sur ce qui apparaîtra sûrement dans quelques années comme le symbole tragi-comique de la faillite généralisée du camp du Bien.

       Certains, semble-t-il, s’étonnent du succès foudroyant de Dieudonné et de son compère Alain Soral. Le propre de l’étonnement est de ne pas comprendre, or, ici nul sentiment de cet ordre puisque non seulement le succès de Dieudonné, et celui de son acolyte boxeur/sociologue/écrivain/modèle/président d’association, était écrit dès que les toutes premières lignes de code d’Internet ont commencé d’animer la toile, mais surtout parce qu’il s’origine au sein même des doctrines post-modernes érigées depuis maintenant plus de quarante années et que Dieudo et Soral ont retournées, non pour les anéantir, mais pour les rendre à leurs conséquences et les élever d’un cran en leur ajoutant le parfum de soufre dont rêvaient leurs concepteurs.

         Ils le disent eux-mêmes Dieudonné et ER c’est SOS Racisme en vrai avec pour preuve l’affiche de la campagne de la liste antisioniste où cohabitaient le blanc Soral, le black Dieudo, le beur inénarrable Yahia Gouasmi et l’ancien communiste converti au judaïsme dont j’ai oublié aujourd’hui le nom. Il s’avérerait donc finalement complétement vain de chercher les raisons du succès de Dieudonné et de son overdose de quenelle dans une rupture avec les idéaux soixante-huitards, on serait mieux inspirés, au contraire, de considérer son ascension comme la radicalisation de ces idéaux qui, loin de se retourner contre eux-mêmes, symbolisent leur avènement tel qu’il était prévu à la base si les promoteurs du vivre ensemble avait eu le souci de cohérence et n’avaient pas confondu pensée et slogan !



         Quoique de la pensée de Dieudonné nous ne puissions rien tirer d’autre qu’une suite de slogans, reconnaissons-lui au moins d’avoir saisi l’époque à son profit. Fruit du métissage, né en 1966, et humoriste, à bien des égards Dieudonné représente le fantasme d’une idéologie amorcée dès après soixante-huit, qui mit à bas les référents de l’ancien monde, ou du moins ce qui en survivait encore parmi les décombres. Il est noir mais la moitié de son arbre généalogique remonte aux tréfonds de la Bretagne, il rencontre le succès avec son pote juif à l’orée des années 90, quand le judaïsme se prévalait encore, avec l’Islam, de l’étonnant privilège de plaire à tous ; religion dont on parlait avec aménité quand le catholicisme comptait parmi ses rangs tout ce que l’horreur rassemble dans la catégorie du politique – fanatiques et collabos, idiots et bourgeois, attardés et consanguins etc. etc. L’Islam, c’était la religion des poètes et des savants opposée au Moyen Âge de l’inquisition et le judaïsme égalait dans l’imaginaire de socialiste caviardeux un mixte de Woody Allen et d’Albert Einstein. La première décade du vingt-et-unième siècle ferait long feu de ces clichés en ramenant les deux frères ennemis du Proche-Orient à leur rang de barbares arriérés se disputant un bout de terre. Toujours est-il que Dieudo est l’enfant de cette idée là, celle qui synthétise le métissage et la tolérance et qui a défini le camp du bien pour longtemps. Dut-il le dire et le répéter sans cesse, y compris quand il encense l’Islam sur une chaîne de la télévision iranienne et appelle les chrétiens à rejoindre la camp du Prophète le fait-il encore au nom de l’amitié entre les peuples, au nom du métissage, quand bien même celui-ci devrait passer par une uniformisation spirituelle?

Là encore Dieudo demeure le fils d’une époque dont il continue de scander les mots d’ordre. Le judaïsme honni parce que particulier et inaccessible à l’universel sur le mode de la bouillie droit-de-l’hommiste s’impose en contre-pôle d’un Islam des déshérités, religion des damnés de la terre qu’honorent les très athées révolutionnaires depuis près de trente ans et qui a pris la relève de l’internationale prolétarienne. Le catholicisme « religion de domination » qui, plus de mille années durant, régla de sa ferveur politique l’Occident, et par là le monde moderne, s’avérant incapable, bien qu’universel dans sa nature mais trop hiérarchique et pour ainsi dire trop aristocratique dans sa structure, de figurer une nouvelle doxa bien pensante. Hormis la christianopopulisme d’un Chavez, la spiritualité de nouveau à la mode chez l’élitaire contemporain depuis la faillite du marxisme orthodoxe, se devait de trouver dans l’Islam de quoi satisfaire le supplément d’âme requis par la pose mielleuse de ceux qui naviguent dans le camp du bien !

         Le rapport qu’entretient Dieudonné avec l’Islam est le même rapport dans ses fondements que celui qu’il entretient avec SOS Racisme. L’un dans l’admiration, l’autre dans la déception. Dieudonné chante un péan à la religion de Mahomet parce qu’elle est la réalisation (du point de vue de la praxis) de l’idéal transnational et métissant, tandis qu’il agonit l’association de Julien Dray pour ce qu’elle trahit dans les faits ses promesses de métissage généralisé que l’évolution libérale, par la paupérisation des populations, a condamné. De ce point de vue l’Islam ne tombe pas ici par hasard et les suffrages qu’il recueille non seulement chez les fils d’immigrés mais chez les Français de souche, il ne les doit pas à la seule puissance de sa foi mais plutôt à la cohérence de son dogme et son adéquation avec l’acmé contemporaine, ou du moins reconnue telle, du « tous égaux-tous semblables-tous pareils etc. etc. » Que l’Islam figure la foi des damnés de la terre compte moins à vrai dire que son potentiel assimilateur et démocratique dans le sens plébéien du terme. L’Islam ignoré, nous l’avons dit, le christianisme eut été incapable de remplir ce rôle galvanisant, sa dimension intrinsèquement hiérarchique, et ce malgré Vatican II et les pauvres parmi ses fidèles, le tient éloigné de la bouillie du vivre-ensemble. Que Soral traite Benoît XVI de traître s’explique simplement en cela qu’il n’a pas compris l’opposition ontologique du catholicisme envers son idéal gnostique.

         C’est à ce titre d’ailleurs que longtemps l’Islam demeura littéralement incritiquable en France – dans le salmigondis que charriait dans ses rets le nouvel idéal contemporain, dont SOS Racisme fut la tête de pont et que Soral et Dieudonné désirent achever aujourd’hui, il incarnait la religion du soleil présageant d’un ailleurs meilleur et plus sage en comparaison duquel les ténèbres catholiques faisaient pâle figure. Pas besoin de chercher à l’infini ni de filer la métaphore ou de recourir à des associations lointaines, l’Islam se pose avec Egalité et Réconciliation comme le manganello au côté du jeune chemise noire italien des années 20. Le judaïsme d’ailleurs eut aussi son heure de gloire et on le vanta parce que lui au moins ne cherchait pas à convertir qui que ce soit ; hanté par l’image d’un catholicisme régnant sur son trône d’intolérance, vindicatif et coercitif, la distance d’une religion anti-prosélyte semblait la panacée des séides du vivre-ensemble, las, c’était une chose que de ne pas s’imposer à l’autre encore demeurait l’ordre de pouvoir se mélanger et ce qui singularisait les Juifs en améliorant leur score dans la division du bien les accusa finalement de racisme pour les renvoyer dans le camp du mal d’où ils n’étaient finalement sortis que par erreur. Je digresse volontairement sur le judaïsme puisque ce n’est pas sans raison qu’il est la bête noire de Soral et compagnie et qu’il sert d’axe grâce auquel se retourne l’idéal de SOS Racisme. La haine du juif est nombreuse, comme Satan s’appelle légion, mais ici elle traverse le prisme de la tolérance, à l’identique de la fascination pour l’Islam. Ce n’est pas que l’on ne tolère pas les juifs mais c’est leur intolérance qui insupporte, leur race ne dérange pas en soi mais qu’ils la conservent paraît un blasphème, bref un juif qui ne s’oublie pas et persiste dans sa judéité, avec ce qu’elle implique de rapport concret et compliqué au Monde, vaut qu’on le désigne comme l’ennemi. En d’autres termes, le juif n’est pas de ce monde ci et si l’on n’a pas compris cela, rien ne sert d’écrire ou de parler sur le phénomène Soral et de disserter sur son inexorable succès. Or, la force de Soral et Dieudonné ne relève pas de la résistance, non, elle relève de sa puissance de conduction capable d’accroître le courant qu’elle transporte…




La France est un pays blanc, chrétien, plus précisément catholique, ceux qui disent le contraire se mentent à eux-mêmes, et le savent probablement, mais le dire aujourd’hui c’est blasphémer la doxa… La grande force d’Egalité et Réconciliation, ça n’est pas de débusquer ceux qui s’opposent à son mouvement mais de les contraindre à la radicalité et à l’illégalité du point de vue de la loi morale mondaine[1]. En définitive, ce que Soral réfute c’est l’affirmation d’une France non pas telle qu’elle est mais telle qu’elle devrait être – c’est à dire blanche dans sa majorité, de souche spirituelle chrétienne, anti démocratique ou alors démocratique au sens où Athènes l’était et surtout occidentaliste quoique différemment de la manière dont le sont les zélateurs d’un empire américain dévolu à la pax americana, plutôt occidentaliste parce que quoique nous fassions, même si nous n’ignorons pas que chaque généalogie est à la fois particulière et multiple, nous sommes les enfants de nos pères et que c’est à nous que revient de porter leur fardeau aussi injuste et infâme soit-il.  Il existe une solidarité entre les membres d’une nation ou d’un peuple que rien ne peut défaire et qui confère à toute destinée commune une nature tragique. Pour autant, dire cela, c’est pécher contre l’esprit du temps, et c’est barrer le monde en deux catégories : nous et les autres. Ce que Soral, bien qu’il se réclame d’un autre temps, refuse de faire pour la raison évidente qu’il est tout entier de ce temps et que sa pensée réussit le tour de force de se présenter comme traditionnelle tandis qu’elle n’est qu’une pensée de marché qui prend çà et là ce qui lui convient en se moquant des paradoxes pour parvenir à convaincre le plus grand nombre qu’on peut dire blanc et montrer la couleur « noir » ou, dans ce cas précis, revendiquer l’intégration à la France pour les jeunes issus de l’immigration en leur demandant de s’islamiser totalement ou en partie.



Pour autant, un des insignes mérites de Dieudonnésoral : les voici tapant à droite et à gauche, la droite n’est pas le seul de leurs adversaires à se voir pousser dans les cordes du politiquement incorrect puisque c’est sur ce terrain que les deux compères œuvrent en définitive : la réduction de l’ennemi à se départir du camp du bien. Voici la droite sommée d’accepter l’islamisation des français d’origines immigrés, d’une part comme un fait de société irréversible (ce qui peut valoir en effet) mais surtout comme un des vecteurs essentiels à la construction d’une France nouvelle débarrassée de la finance-juive-apatride-sioniste-au-service-du-diable-et-de-son-projet-de-domination-mondiale-à-l’infini-et-au-delà, retrouvant à travers le prisme de Mahomet les valeurs de la France d’antan. A gauche, on conchie ceux qui refusent de faire place nette à l’Islam, se méfient du voile et arguent qu’après tout il n’est peut-être pas forcément compatible avec la laïcité républicaine dont certains intellectuels senestres se font les hérauts. Dans les deux cas on stigmatise, chez ER, l’intolérance des dominants et la débilité des idéalistes ! Une fois encore pourquoi pas sauf qu’on en revient au même : l’Islam est ici pour durer, faire souche et s’y transformer. Et l’Islam d’ailleurs prend moins valeur ici de religion et de culture, c’est-à-dire d’ensemble de valeurs reconnues et cohérentes les unes avec les autres, que de synthèse du vivre-ensemble, d’où l’édifiant discours de Dieudonné à la télévision iranienne expliquant que les chrétiens ont vocations à s’accomplir dans la foi musulmane. Nous passerons sur les raisons bassement politiques qui poussent le comique à déclarer une telle ineptie théologique ainsi que sur le gémellité troublante entre cet argument et celui des ennemis de Dieudonné, les chrétiens sionistes qui considèrent les juifs comme des chrétiens manqués et leur promettent de restaurer leur judaïsme dans le christianisme, en soulignant toutefois la ressemblance des raisonnements malgré les distinctions spécifiquement idéologiques. C’est en effet cette ressemblance qui nous intéresse et illustre selon nous l’adéquation totale de Dieudonné et Soral avec la doxa de l’époque…

D’un côté SOS Racisme prônant une France métissée où chacun se mélangerait dans une bouillie universaliste providentielle, elle seule capable d’amorcer le monde de demain, et de l’autre, ER, opposant à SOS racisme une France multiculturelle où Islam et Christianisme sur le mode de la tradition révoqueraient d’un coup de baguette magique le règne des communautarismes sectaires sous les auspices d’une République triomphante. Métissage et multiculturalisme, rappelons-le, sont deux idéologies dont le nom diffère mais qui se ressemblent en tous points ; elles présupposent une civilisation exténuée à laquelle il est possible de rendre sa prime jeunesse à condition de mélanger à son hémoglobine rance un sang neuf, de préférence exogène. Outre qu’il s’agisse d’idéologies de peuples séniles voire moribonds (qu’ils le soient ou non d’ailleurs ce qui n’empêche le présupposé d’être tel !), ce sont aussi des idéologies infantiles puisqu’elles refusent l’inéluctabilité de la mort. Peu importe alors le carburant nécessaire capable de vivifier la « France moisie » de SOS Racisme et la « France enjuivée » de Soral – dans un cas on désirera Mohammed pour sa généalogie et dans l’autre pour sa foi. Peu importe aussi la réalité de Mohammed et ses aspirations véritables, là n’est pas la question, c’est son sang ou le prophète de sa religion qui intéressent les frères ennemis. Dès lors le fantasme de l’Islam des lumières rejoint le fantasme Soralien d’un Islam viril. L’idéologie s’arrête là faute de pouvoir aller plus loin.



         En matière de politique le résultat n’est guère plus probant : si l’on se bat c’est pour vaincre, la tolérance tacite entre différents adversaires affrontant un même ennemi cesse aussitôt l’ennemi vaincu. La question est donc la suivante : une fois les méchants américains tombés, que fera la France d’une population islamisée en partie et dont la vocation est l’islamisation du monde, toujours selon le raisonnement soralien qui fait de l’Islam fondamental (et je ne dis pas « fondamentaliste » à dessein) le facteur de résurgence de la France nouvelle ? Les occidentalistes, moins naïfs semble-t-il, combattent pour une américanisation du monde ; ça n’est pas forcément la panacée mais au moins ça ressemble à du réel ! Laissons cependant à Soral et consorts leurs vœux pieux… puisque les prôneurs d’alliance en politique, autre que des alliances intéressées et de circonstances sont des idiots, nul ne soutient personne sans y trouver son intérêt et ceux qui s’entraident un instant, peu avant de triompher grâce à leur lutte commune, réfléchissent déjà à la manière dont ils asserviront celui qui auparavant luttait à leur côté et dont ils déclaraient, mais c’était auparavant, qu’ils mourraint avec lui si la guerre tournait à la défaite. Une France « égale et réconciliée » n’existe pas et n’existera jamais tant qu’il ne sera pas dit qui des réconciliés dominera enfin…

La politique soralienne est caduque sur le terrain des faits faute de prendre en considération l’existence d’un après la victoire qui s’avérerait au moins aussi problématique que la condition actuelle qu’elle condamne. Mais il n’est guère pertinent de questionner une idéologie du point de vue de la politique – Le camp du bien avant que d’appartenir à une caste politique, voire même à un idéal, relève d’abord de la géographie psychologique et cette géographie Soral, Dieudonné, Harlem Désir et Daniel Cohn-Bendit la dessinent de concert…





[1] L’interdiction de Dieudonné de jouer ses spectacles, interdiction que chacun s’accorde à dire liberticide en est la preuve flagrante.

samedi 18 janvier 2014

François au pays des merveilles



         Dans sa conférence de presse, François Hollande a rappelé à plusieurs reprises sur un ton menaçant qu’il « ne laisserait pas faire » les sceptiques qui osent critiquer le projet européen, et qui envisagent même la sortie de l’euro. Que faut-il entendre par ces mots qui relèvent davantage de la police de la pensée que du débat démocratique ? Une nouvelle mise en garde contre les dissidents de tous bords ? Et quelques phrases plus loin, le président de préciser la stratégie adoptée pour les futures élections européennes : criminaliser les opposants en les faisant passer, au mieux, pour d’infâmes réactionnaires et, au pire, pour d’affreux fascistes. Son diagnostic est sans ambiguïtés : non, il n’existe pas en Europe de vague populiste, mais seulement un « vieux courant raciste et extrémiste » dont il faut empêcher l’expression. Les eurosceptiques sont donc en voie d’être rayés de la carte de la bien-pensance selon la technique désormais bien huilée du lynchage médiatique.

         Outre cette petite saillie sur les répressions à venir, la conférence de presse de notre cher président a reçu, une nouvelle fois, l’absolution de tous les médias. Quel courage, en effet, que de renoncer à ses convictions (censées être socialistes) et à une bonne partie du programme pour lequel il a été élu par le peuple français (si cela a encore un sens) pour s’adonner, le doigt sur la couture du pantalon, aux remèdes envisagés par la troïka européenne et défendus par tous les économistes patentés du système ! Est-il seulement besoin de préciser que ces recettes néo-libérales sont non seulement celles qui ont précipité le monde dans la crise, mais aussi celles qui ont plongé les Etats européens dans des déficits absolument impossibles à rembourser ? La seule vertu de ces politiques d’austérité étant de maintenir à flot le marché (auprès de qui les Etats s’approvisionnent), ce qui a effectivement provoqué des résultats « miraculeux » au vu des profits que se partagent aujourd’hui les grands instituts financiers. Les peuples essorés, pressurés et vidés apprécieront…



         Ce nouveau programme présidentiel est d’autant plus génial qu’il revient à défaire, à peu de choses près, tout ce qui a été entrepris depuis 18 mois ! Observons, au passage, la simplicité confondante d’une science économique qui se résout dans l’alternative imparable : soit la relance par l’offre, soit la relance par la demande. Les deux options étant censées ramener la sacro-sainte croissance. Là encore, il suffit de rappeler le diagnostic émis par le club de Rome (en 1972 !) et justement intitulé « Les limites de la croissance ». Ce rapport n’a d’ailleurs jamais fait l’objet de vraies contradictions tant son constat était limpide : si une majorité de pays adoptent les standards de la vie occidentale, il faudrait cinq ou six planètes pour assurer l’approvisionnement en ressources naturelles, sans compter les dégâts écologiques qui en découleraient. En même temps, me direz-vous, le rapport datait de 1972 et les Cassandre auraient encore péché par excès de pessimisme. Sauf que le dit rapport portait sur les soixante années à venir et que sa réactualisation en 2012 n’a pas modifié une seule ligne de son constat implacable. Il conclut de la façon suivante :  « Tout se déroule comme prévu pour que survienne le désastre ».

         Alors, on peut toujours jongler avec des chiffres totalement délirants : 30 milliards offerts aux entreprises sur le dos des allocations familiales (acquis obtenu par le Conseil national de la résistance), 50 milliards (!) de réduction des budgets de l’Etat (on croit rêver, surtout de la part d’un parti qui a toujours pris soin de soigner sa clientèle électorale), quelques milliards récupérés du côté de la réduction du nombre de régions (alors même que la réforme des conseillers territoriaux est à peine engagée) et quelques autres du côté des crédits compétitivité-entreprises qui viennent d’être votés. Enfin, c’est le grand jeu des milliards qui va se faire d’un coup de baguette magique dans l’euphorie générale de la liberté d’entreprendre enfin retrouvée. Le Nobel de l'économie, Paul Krugman, ne s'y est pas trompé et a déclaré : "Oui, des conservateurs sans coeurs et butés ont mené la politique, mais ce sont des politiciens de la gauche modérée, mous et brouillons qui les ont encouragés et leur ont facilité la tâche". 



         En tous les cas, la majorité des médias ont applaudi des deux mains ce programme incroyable fait de reniements, d’approximations et de génuflexions devant la marche insensée du monde. En avant ! Que la machine tourne à plein régime, après nous le déluge. Sans compter que la romance présidentielle a fait un bel écran de fumée derrière lequel se sont engouffrés tous les journalistes à la petite semaine, contribuant ainsi à recouvrir le cadavre de la gauche d'un linceul de paillettes festives...

          On regarde ce spectacle grandiose avec une petite larme à l’œil car l’on sait que ce type de politique relève beaucoup plus du monde imaginaire de Tolkien (sauce Madoff) que de la réalité grise et âpre de la mondialisation « heureuse ».  




samedi 11 janvier 2014

Le Loser de Wall Street


           Il est vain de dire qu’en France on attendait le nouveau Scorsese avec un œil bienveillant tant, dès qu’il s’agit de critiquer l’empire capitaliste, aussi dénommé USA, la critique habituelle dans nos contrées à l’égard du cinéma « pop corn » n’a plus cours. Pour autant le nouveau film du réalisateur de Mean Street surprend. Loin du manichéisme cher au très surestimé Oliver Stone, c’est une comédie burlesque que Scorsese nous offre et non la version en col blanc des Affranchis ; une comédie où le héros, incarné par un Di Caprio survolté et génial, fait moins envie qu’il n’est ridicule et dont les péripéties semblent vouées, à mesure que Jordan Belfort, le « loup de Wall Street », s’élève, à le rendre plus pathétique qu’il ne l’est au début du film, dans son costume de futur nouveau riche, bavant devant un vieux beau cocaïné apôtre de la masturbation compulsive.




Jordan Belfort, vrai Satan au petit pied, manque d’envergure ; chacune de ses tentatives pathétiques pour se métamorphoser en Lucifer tentateur se solde par un échec ou une humiliation en direct. Ejaculateur précoce, démon de la finance, dont le seul talent est celui d’un bonimenteur de foire qui n’a pu prendre la dimension d’un diable qu’à la faveur d’une époque, beauf éructant dans son costume cher et laid rappelant quand il monte sur l’estrade, devant son gang de branques partagés entre les cas sociaux et les loosers incestueux métamorphosés en fausse statue de marbre – mais de vrai stuc, ces prêcheurs américains moitié rock star de supermarché moitié gourou sectaire. Voici le portrait peint de ce loup de Wall Street, rôdant d’arnaques en partouzes pour ploucs, évoquant plutôt Patrick Sébastien que l’orgie luciférienne de Eyes Wide Shut, où le lamentable le dispute dans les traits au ridicule sans jamais parvenir à cette dimension tragique que le spectateur attend mais que Scorsese lui refuse…



            Il semble d’ailleurs  que le personnage de Belfort, s’échinant à la traîtrise comme à la chevalerie, à l’overdose et aux violences conjugales sans parvenir jamais à nous convaincre qu’il est autre chose qu’un sinistre bouffon, réclame tout du long des trois heures de bobines sa part de grandiose, son droit au tragique, et le cinéphile, lui-même nostalgique des grandes leçons d’abîmes du cinéaste, espère d’une crainte toute cathartique que la farce soudain cède sa place aux ténèbres de la chute. Rien pourtant ne vient, et malgré les rebondissements déclenchés Deus ex machina par des personnages dingues – Jonah Hill parfait en Joe Pesci pour de faux –, Jordan Belfort ainsi que ses camarades resteront puceaux du gouffre comme on l’est de la guerre. Toute la narration se résout dans la médiocrité comme si Scorsese insistait, en s’auto parodiant lui-même, sur la nature profondément nulle de notre époque et son impossibilité majeure à s’élever au-delà de la farce.
                  Aucune fascination débile pour les grands seigneurs, méchants hommes brûlés dans un excès de stupre, Icares tombés du haut du ciel de la finance après s’être frottés de trop près aux sunlights de Manhattan. Scorsese réalise ici le film d’après la cuite et c’est dégrisé et encore pâteux qu’il regarde la débauche du jour passé, découvrant risible cette geste que Oliver Stone trouvait grandiose la veille, convaincu d’avoir mélangé dans ses personnages Napoléon avec Al Capone. Ces loups de Wall Street sont galeux, rachitiques, au vu de leurs aspirations, autant qu’ils se portent bien chaussés dans leurs mocassins blancs, pitoyables, vénaux et sans ampleur : des renards qu’on aurait préféré Bête du Gévaudan pour nous excuser de nous être fait escroquer par une telle engeance… On rit beaucoup durant les 180 minutes de ce film, de Jordan Belfort et de sa clique, certes, mais aussi de chacun de nous, d’un rire jaune qui  moque notre naïveté d’avoir pu croire que les grands dans leur médiocrité sont différents des petits…