mercredi 21 janvier 2015

To be or not to be Charlie (1) - Notre néant n'est pas négociable

Les attentats du 7 janvier et les événements tragiques qui ont suivi nous font brutalement sortir du monde des prodromes à la Péguy pour rentrer de plain-pied dans une réalité que Français et Européens ont cru pouvoir ignorer, continuant à naviguer à courte vue à travers crise économique, révolutions arabes et remise en cause définitive du "Nouvel Ordre Mondial" de l'après-guerre froide. Le balancier de l'histoire semble balayer soudain à nouveau le vieux continent tandis que les prémices se changent en menaces. Depuis les attentats, la presse, les médias et internet déversent quotidiennement les interprétations ou les imprécations, qui se multiplient sur les réseaux sociaux. Conscients de la gravité du moment, les Idiots ont décidé d'ajouter leur grain d'idiotie, en publiant durant quelques jours une série de textes produits par les animateurs du site ou envoyés par des contributeurs que nous remercions de bien avoir voulu confier leurs textes à ce modeste blog. Ces articles expriment différents points de vue et des opinions ou des jugements contrastés. Et puisque ces derniers jours, "l'union sacrée républicaine" a vite cédé le pas au brouhaha de la civilisation de salon, dans laquelle les princes de la pensée laissent tomber du haut des sphères leurs analyses définitives, la seule ambition de ce dossier sera de rappeler que la liberté d'expression consiste avant tout à tolérer la contradiction, ce que le retour du religieux et la persistance de l'esprit de chapelle tendent à faire malheureusement oublier. Nous ouvrons donc le dossier avec l'avis d'un contributeur occasionnel d'Idiocratie, dont nous avons déjà publié plusieurs textes, et qui nous a cette fois envoyé cette analyse. 


Ne nous y trompons pas les islamistes veulent détruire l’Occident tel qu’il est et tel qu’il fut, c’est lui qu’ils veulent faire plier pour le soumettre à l’Alcoran et nous rendre esclaves de sa loi ; cependant, ils semblent avoir développé une stratégie plus intelligente que les précédentes, lesquelles se contentaient de répandre indifféremment la terreur, tandis que ces jours-ci, en frappant la France à sa tête, ils infusent dans la population une terreur plus efficace pour la raison qu’elle laisse ouverte une porte de sortie et que cette issue revêt la forme d’un pays islamo-compatible. Si les militants laïcs de Charlie Hebdo sont aujourd’hui les martyrs d’un combat qui les dépasse forcément, pour la simple raison qu’ils en incarnent une part symptomatique et morbide, les malheureux caricaturistes ayant contribué à affaiblir les défenses immunitaires d’une France pour laquelle ils sont finalement morts, c’est aussi parce qu’ils figurent l’incarnation réelle d’une civilisation et que paradoxalement lors qu’ils la rejettent, ils se sont sacrifiés pour elle. Que l’Islam radical les frappe eux, qu’il les exécute, lors que Charb continuait régulièrement de dénoncer, triste ironie, le « véritable danger » à savoir le catholicisme intégriste, voici de quoi nous dévoiler le logiciel susceptible de nous rendre intelligible à la fois la stratégie éducative mise en place par les terroristes et l’instant civilisationnel dans lequel, nous, français, nous nous trouvons.

 Cela a eu lieu, ceux qui tombèrent sous les balles le sept janvier dernier, sont des athées. Ils ne respectaient rien, à part un résidu de politiquement correct qui les empêcha certainement jusqu’au bout de comprendre le monde tel qu’il est aujourd’hui et tel qu’il les a broyé. Toutefois, ils furent frappés, et ces frappes se veulent un avertissement, un rappel à l’ordre s’adressant à qui voudra bien l’écouter et se conformer à cet esprit nouveau du terrorisme que le crime promulgue désormais comme un édit. On ne tue pas les chrétiens en France, quand on les décime, symboliquement au mieux, partout ailleurs dans le monde de l’Islam, mais ils ne sont pas assassinés à Paris en raison de leur religion par les ennemis de la France, jadis chrétienne. Ici, on tue les juifs, parce qu’ils sont, dans la tête de leurs bourreaux, les séides fidèles de l’Etat hébreu et donc les comptables de la politique israélienne ; les chrétiens manifestement, comme les ennemis déclarés du système, jusqu’aux athées silencieux, ne figurent pas une menace capable de susciter immédiatement la colère des envoyés d’Al Qaïda, de DAESH et autres franchises islamistes, lesquelles pourtant les exterminent sans la moindre pitié sur « leur » territoire. On ne tue pas non plus la population en masse comme lors des attentats américains ou ceux, plus anciens, du métro parisien en 95, cependant que la population sur les terres du Califat est soumise à la plus impitoyable des persécutions ; on abat un flic à terre tandis que monte la terrible supplique « c’est bon chef ! », mais on ne tue pas les « civils ». Surtout, on n’a pas suffisamment noté que le discours des islamistes à l’égard de la France a sensiblement changé, que notre pays n’est plus une terre de guerre, mais qu’elle est devenue, dans leur logorrhée, une terre déjà conquise qu’il appartient désormais aux musulmans d’éduquer. Aussi, durant leur road trip meurtrier les terroristes ont à peu près évité de tuer  quiconque ne pouvait pas immédiatement être assimilé à l’ennemi. Ils ont tué des policiers, des caricaturistes et des juifs, mais c’est tout, quelques dégâts collatéraux furent à regretter (on n’a les frappes chirurgicales qu’on peut ou que l’on veut), bref, seulement des « coupables ». 


Que peut-on, et que doit-on en déduire ?  D’abord que les chrétiens, à l’instar des dissidents en tous genres voire des athées silencieux, ne sont pas, ou plus, une alternative civilisationnelle pour les terroristes, qu’à bien des égards, pour eux, ils sont sortis de l’histoire française, ensuite qu’il ne faut pas martyriser la population, ce qui implicitement équivaut à reconnaître que les islamistes ne veulent pas se mettre les Français à dos, mais avant tout que cette guerre qu’on nous livre est d’abord l’affrontement de deux civilisations, et un affrontement pire en cela que les deux blocs ne se rencontrent pas face-à-face, ce qui aurait au moins l’insigne avantage de délimiter le champ de bataille. Non, à la faveur du politiquement correct, de l’immigration de masse et du multiculturalisme idéologique, ces deux blocs évitent le duel mais se superposent en tentant de s’écraser l’un l’autre… L’Occident chrétien, héritier d’Athènes et de Rome dont la France laïque est une des ultimes métamorphoses, supportant la pression d’un Islam polymorphe, mélange de modération relative et de terreur revendiquée, qui entend bien s’imposer sous une forme ou une autre…
La perspective civilisationnelle engage une communauté de destin, la conviction profonde qu’il est une solidarité à travers l’histoire entre les divergences politiques ou spirituelles selon lesquelles une civilisation s’incarne, voire dégénère si l’on regarde cela sous l’oculaire de Spengler. On peut rejeter cette perspective, il n’empêche que c’est celle des terroristes qui nous haïssent comme athées et comme juifs, comme pédés et comme croisés. Jusqu’à présent, le terrorisme frappait aveuglément quiconque était assimilé à la civilisation honnie. Si Al-Qaida cible Charlie Hebdo et nous contraint de déclarer « je suis Charlie », c’est parce que l’organisation de feu Ben Laden mise sur le fait que nous ne sommes déjà plus français ni que nous appartenions encore à la civilisation européenne et occidentale. En frappant le peuple, il frappait la France, en frappant Charlie et les juifs, il interdit les caricatures et les amalgames, dans tous les sens du termes, et pousse les juifs à quitter la France. Dorénavant, malgré les pétitions d’intention et les péans chantés au droit de blasphème, nos caricaturistes vont y réfléchir à deux fois avant de se payer la tête du faux prophète, et bientôt la France sera judenfrei… et toujours un peu plus islamo-compatible. L’éducation commence, et l’élite de France qui s’élève contre les amalgames ne s’aperçoit pas qu’en croyant refuser la stigmatisation elle sombre doucement dans la création d’un modus vivendi avec ceux qui veulent se confondre en nous pour nous remplacer.
Aussi, il nous faut sincèrement plaindre ceux qui ne se sentent pas solidaires, non pas qu’il s’agisse de se situer sur la même ligne que celle de Charb et les autres, loin de là, mais il ne faut pas ignorer non plus que le combat que nous pouvons livrer contre Charlie Hebdo se situe dans la même aire civilisationnelle, qu’ils sont de notre monde et que nous appartenons au leur, tandis que leurs assassins sont des étrangers radicaux qui veulent détruire notre civilisation pour y régner et que leur civilisation ne dépend pas de notre néant dans la mesure où elle dépend du néant propre à la civilisation musulmane, lequel est né avec la religion islamique alors que notre civilisation ne connaissait pas celle du prophète dont la lame tranchait déjà la gorge des poètes qui le moquaient… Il faut plaindre encore les demi habiles, les « qui prennent du recul », de n’éprouver aucune solidarité avec Charlie Hebdo parce que dans leur « recul » nous découvrons une prise de distance qui n’est rien d’autre qu’une prise de distance avec notre civilisation, que ceux-là nous disent en réalité qu’ils ne sont plus que des idées pures, des désincarnées et que pour le coup, les voici déjà mort ou soumis…


Pour cela les musulmans fanatisés ne s’attaqueront pas à eux, ils ne détruiront pas les églises tout de suite ni ne maudiront les païens et les critiques de la société du spectacle, ils ne persécuteront pas les dissidents de gauche comme de droite, mais plutôt les homosexuels qu’ils pendront et ils lyncheront les féministes. La cible de Kouachi et consorts, ce n’est pas la France, non, c’est la décadence, c’est la société dénuée de spiritualité, c’est le monde vide du néant globalisé. Seulement voilà, ce monde globalisé, néantisé et vide, une fois qu’ils l’auront détruit, que feront-ils ? Eh bien alors, ils feront tout ce qu’ils n’ont pas pu faire avant, ils détruiront les églises, tuerons les païens, les autogérés, les alternatifs en tous genres, et le petits reste de Français qui a cru bon de finasser au slogan très spectaculaire lui aussi de « jenesuispascharlie », et ceux-là qui refusaient de combattre au nom de « leur néant », parce que c’est le nôtre et qu’ils n’appartient qu’à nous de le condamner ou pas, devront se soumettre ou disparaître…







3 commentaires:

  1. Très bon texte mais qui me laisse un petit goût amer. Car, ce que vous demandez, c'est à tous ceux qui, au sein de la société française, étaient honnis par Charb, Wolinski, Cabu et les autres; qui, lorsqu'ils dénonçaient les discours creux et suicidaires des bien-pensants de gauche se faisaient clouer au pilori par Charlie Hebdo; ceux que la vulgarité et la bassesse de cette équipe n'amusaient que fort peu car le rire ignoble n'est jamais très sain; vous leur demandez donc d'aller se battre pour que ces gens-là ne soient pas morts deux fois. Alors, non ! Je veux bien accepter le combat contre les islamistes mais pas au nom de Charlie mais au nom d'une idée qui s'appelle la France et qui a, non pas à peine plus deux siècles d'histoire, mais bien plus de quinze siècles d'histoire et qui avait bâti une grande et belle civilisation. Je veux bien qu'il faille se battre mais pas pour notre propre néant mais pour le retour à la vie de ce qui est (était) cette civilisation.
    La mort des dessinateurs de Charlie est ignoble. Mais la réaction de nos élites l'est tout autant : "pas d'amalgame", emploi du mot "apartheid", victimisation des musulmans de France, les petits camarades de Charb tels ceux du Canard enchaîné ou JM Ribes qui ne connaissent qu'un ennemi, le "catho" et refusent de voir la réalité en face. Se battre pour que des cons pareils puissent continuer leurs petites affaires ? Refaire le coup qui a été fait aux résistants français et aux Français libres en 1945 ? Voilà d'où me vient ce goût amer. Vous avez raison sur le fond mais il y en a marre des cons et d'avoir été lâchement assassinés ne les disculpent pas de leur connerie.
    Thierry Bruno.

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  2. Non, ce que je demande d'abord c'est de reconnaître une identité, et si la reconnaissance de cette identité passe par la revendication de ce qui l'a anéanti, dans la mesure où cet anéantissement nous en sommes responsables, qu'il est nôtre au sens large du terme et qu'il est en conséquence aussi une part de notre identité, c'est déjà un début... Je ne dis pas que que les mecs de Charlie Hebdo ne sont pas des ennemis, je dis qu'ils sont des ennemis dans ma civilisation, dans mon monde, qu'ils sont mes frères félons, mes fils prodigues, et que j'ai, moi, le droit de m'opposer à eux, tandis que ceux qui les ont assassinés ne sont ni mes frères, ni mes enfants, que leur monde ne me regarde pas et qu'en conséquence je ne tolère que moyennement qu'ils viennent s'occuper du mien... d'ailleurs si ceux-là me disent que l'"Occident" tue leurs frères dans leur monde, j'entendrai certes l'argument, quoique je ne manquerai guère de m'étonner qu'ils soient tant, leurs frères, à se précipiter ici dans le monde des assassins de leurs frères, et que mes frères chrétiens soient tant à fuir leur monde !!!!

    Rémi Lélian

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    1. Merci de votre réponse et de votre précision. Et j'entends très bien votre argument qui est remarquable dans son exposé et tout à fait recevable. Mais mon amertume demeure car je ne suis pas sûr que les gens de Charlie Hebdo fussent à ce point de notre monde ; ils me semblaient plutôt en être les fossoyeurs ou les scieurs de la branche sur laquelle nous, tous en France, sommes assis. Et je ne suis pas convaincu que le fond de commerce de Charlie et autres "Canard" n'est pas de nier, non pas les identités, mais l'identité française car cela est ringard à leurs yeux.
      Je suis d'accord avec vous qu'il faille se regrouper et combattre l'ennemi extérieur. Mais l' "adversaire" intérieur - je ne considère pas ces gens comme des ennemis tout de même - ne cherche pas ce regroupement et si cette fois, il a payé très cher son aveuglement dans le jugement - non pas dans les caricatures de Mahomet mais de croire que cela n'allait pas concerner tous les musulmans -, la prochaine fois, il restera aux abris et laissera le combat à d'autres. Il a d'ailleurs commencé à le faire dès le lendemain des attentats : "pas d'amalgame" qu'est-ce sinon un défilement ? Et la volonté de mettre toutes les religions dans le même panier procède du même état d'esprit.
      Finalement, je suis pour les opérations de police contre les islamistes - car c'est tout ce que ça mérite sur notre territoire ; les grands airs martiaux de Hollande et Valls sont ridicules et déplacés- et botter les fesses des idiots inutiles tels JM Ribes ou la rédaction du Volatile.
      Thierry Bruno

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