samedi 16 septembre 2017

Paris-plage : la réalité, c'est pour les nuls

Ah, Paris. Ville de l’amour, ville des lumières ! Traversée par la Seine, serpentant autour de ses rives. Sa Tour Eiffel, dressée fièrement sur la Rive Gauche. Sa Butte Montmartre, héritière d’une histoire si riche et foisonnante. Ses musées, sa vie fourmillante de jour comme de nuit. Sa… plage ? 



Menée depuis maintenant quinze ans par les successives mairies socialistes, à l’initiative du très festif Bertrand Delanoé, l’opération Paris-Plages consiste à transformer les voies sur berges, alors fermées pour l’été, et maintenant définitivement piétonnisées en plage, pour les parisiens qui n’auraient pas l’occasion de partir en vacances, ainsi que pour les touristes qui voudraient découvrir une facette moins urbaine de Paris. Louable intention, en apparence. Dans les faits, Paris-Plages est un énième avatar du festivisme si cher à Philippe Muray, où la ville glisse de lieu d’habitation à une « capitale musée » dédiée entièrement à un plaisir qui n’a plus rien d’hédoniste, car obligatoire et subventionné. La détente devient un mot d’ordre. Pendant l’été on est prié de se mettre en short et d’aller jouer à la pétanque sur les quais de Seine, s’il vous plait. Cependant, cette année, point de sable sur lequel marcher pieds nus pour se sentir vraiment comme à la plage, car la mairie de Paris n’a pas apprécié que son fournisseur de sable se fasse attraper en train de marchander avec Daesh. Mais rien n’arrête la mairie de Paris, pas même la réalité. 


Preuve en sont ces employés municipaux qui déambulent sur la voie Georges Pompidou, arborant un maillot dans le dos duquel est floqué leur rôle : plagiste. Qu’importe qu’il n’y ait pas de mer, qu’importe qu’il n’y ait pas de sable. Si l’on vous dit que cette étendue bétonnée, ornée de panneaux de signalisation et de feux rouges est une plage, c’est qu’il s’agit d’une plage. Après tout, à une époque où il suffit de se dire nuage pour être nuage, pourquoi pas. Anne Hidalgo dit « que les berges de Seine soient une plage », et ce le fut. Mais s’il n’y a pas de sable, que trouve-t-on à Paris-Plages ? Des transats, bien sûr, car l’avachissement est une condition sine qua non du moderne estival, mais aussi des boutiques de souvenirs « éthiques et responsable », dans lesquelles on peut acheter, pêle-mêle, des graines à semer, des jeux de quille respectueux de l’environnement, des sacs en chanvre biologique. Le tout à des tarifs qui bien entendu nécessitent de prendre un crédit pour quinze ans. Car le public visé par Paris-Plages n’est pas celui des jeunes déshérités dont les parents travaillent dur à la tâche et ne peuvent leur payer de vacances. À Paris-Plages, pas de prolétaires, et à 8€ la pinte de bière, on comprend que tout est surtout fait pour attirer le touriste et la classe moyenne aisée, qui peut se permettre d’acheter une « cagette apéro » à 22€ pour son « afterwork chill » sur fond de musique house. On trouve aussi des spectacles de rue, seuls vestiges d’une tradition populaire héritée des chansonniers, des musiciens qui jouent tous des musiques différentes à des distances bien trop petites pour que le tout ne ressemble pas à une cacophonie dans le pire des cas, ou comme une succession incohérente de bruits divers pour le badaud qui préfère la marche à l’arrêt. Beaucoup de papas en trottinettes, de petites filles en roller et de mamans à bicyclettes. Les jongleurs, punks à chiens et autres hippies ont quant à eux été repoussés plus loin, pour ne pas gâcher la fête. Il ne faut surtout pas gâcher la fête ! Seuls absents notoires, les Pierrots de la Nuit, ces mimes chargés de faire régner le silence et la discipline dans la nuit parisienne à grands renforts d’échasses et de charades. À Paris-Plages, la sécurité se fait d’une poigne de fer, et la police patrouille régulièrement. Au moins, les Berges de Seine ne deviendront jamais un territoire perdu de la République ! Pendant que les voitures ne peuvent plus rouler sur les voies sur berge, elles roulent maintenant sur les trottoirs. Les plages n’ont plus de sable et le monde n’est qu’une fiction que l’on se crée, bien à l’abri de la réalité, dans les couloirs d’une mairie.



Joseph Achoury Klejman


2 commentaires:

  1. Plage sans mer et sans sable, et pourquoi pas des enfants sans père tant qu'ils y sont?

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  2. Bien vu ! Ils n'auront pas nos âmes que nous n'avons pas.

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