jeudi 20 août 2015

Emmanuel Ratier est décédé

La nouvelle de la mort d’Emmanuel Ratier a commencé à circuler hier. Décédé à l’âge de 57 ans après avoir été victime d’un arrêt cardiaque, Emmanuel Ratier était le directeur de la librairie Facta, située au 9 rue de Clichy, au catalogue ô combien politiquement incorrect et animateur sur Radio Courtoisie. Mais Emmanuel Ratier était avant tout le fondateur et unique rédacteur de la lettre d’information bimensuelle Faits & Documents, qui reste un phénomène hautement original, voire unique, dans la presse française contemporaine.
Né le 29 septembre 1957 à Avignon, Emmanuel Ratier s’engage très tôt politiquement, et très à droite de l’échiquier politique, en adhérant au Parti des Forces Nouvelles, l’un des nombreux groupuscules issus de la mouvance d’extrême-droite des années 1970 qui va contribuer à la naissance du Front National en 1972. Parallèlement à sa carrière politique, qui le voit devenir suppléant du candidat UDF André Danet aux élections législatives de 1981, il se destine au journalisme en intégrant le Centre de Formation des Journalistes de Paris et l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, avant de faire ses premières armes au Spectacle du Monde, au Figaro Magazine, National Hebdo, Valeurs Actuelles ou Minute.
Le parcours aurait pu rester assez banal, de l’ordre de ce qui fait le miel des différents universitaires spécialistes des « mouvances radicales » ou celui des dossiers « néo-fachos » du Nouvel Obs, s’il n’y avait eu Faits et Documents, la lettre d’information bimensuelle de douze pages qu’Emmanuel Ratier lance en 1996 et qui fait rapidement figure d’OVNI dans la presse française, tout autant que de source d’information indispensable pour les (très) nombreux journalistes, parlementaires et politiques qui n’en manquèrent rapidement pas un numéro. Il faut dire que la feuille d’Emmanuel Ratier se révèle être une mine d’informations, truffée de petits détails et de renseignements valant leur pesant d’or sur la vie politique française, le tout rédigé dans un style invariablement neutre et purement informationnel : la Lettre d’informations d’Emmanuel Ratier n’avait pas pour but d’être un tract ou un journal d’humeur mais bien un organe d’information politique sérieux, à tel point d’ailleurs que la Lettre s’échangeait discrètement aussi bien dans les cabinets ministériels ou les officines parlementaires que les salles de rédaction. Tous les deux mois, la Lettre proposait le portrait « décapant » d’une personnalité, la « reproduction d’un texte confidentiel », des enquêtes détaillées et une foule de renseignements sur  « l’Élysée, le Parlement, le gouvernement, les partis, les hommes politiques. Et aussi les nominations, le parlement européen, les votes significatifs », sans oublier « la vie interne des journaux, des télévisions, des journalistes et les manipulations de l’information. » La fiabilité des sources de Ratier étonnait ses lecteurs autant qu’elle liait les mains à ses détracteurs : « En treize ans, aucun procès », pouvait se féliciter le patron de Faits et Documents.
On a mis en avant les réseaux qu’Emmanuel Ratier possédait lui-même au sein du monde politique, voire maçonnique, pour expliquer la qualité et le caractère exhaustif des informations délivrées tous les deux mois par Faits et Documents. Emmanuel Ratier possédait certainement une excellente connaissance des milieux politiques, ce qui est peu étonnant pour un homme ayant entamé une carrière de journaliste et de militant au début des années 1970, mais c’est surtout la capacité incroyable à décortiquer la presse et à collecter les faits et gestes – les Faits et Documents – des différents acteurs de la vie politique, civile et associative qui fut remarquable. A une époque où la capacité d’oubli est proportionnelle à la quantité d’information disponible quotidiennement – c’est-à dire énorme -, Emmanuel Ratier notait, relevait, indexait avec une rigueur presque anachronique. Ce patient travail d’archiviste, plus encore que de journaliste, faisait toute l’originalité et la valeur de Faits et Documents. Avec la mort d’Emmanuel Ratier, les services de communication et d’information des ministères et des différents partis politiques, les attachés parlementaires et les différents professionnels de l’information ont perdu, c’est certain, un précieux auxiliaire.



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