dimanche 13 mai 2018

Les cloportes de mai 1968



 Aux vues des commémorations de mai 68, on a bien envie de détourner la phrase de Hegel selon laquelle « l’argent est la vie mouvante en soi de ce qui est mort » pour l’appliquer aux sinistres sires qui en incarnent aujourd’hui l’histoire : « La révolution de 68 est la vie mouvante en soi de ce qui est mort ». Daniel Cohn-Bendit, Romain Goupil, Alain Geismar, Serge July, etc. sont comme les spectres d’une époque qui n’en finit plus de hanter notre monde. Non contents de s’être accaparés l’événement, ils continuent d’en louer les vertus dans tous les espaces publicitaires de la démocratie marchande alors même qu’ils en ont renié à peu près tous les fondamentaux.

         Si l’on utilisait le langage de 68, nous aurions beau jeu de parler d’une cohorte de grabataires qui a colonisé les médias mainstream pour se vendre toujours davantage, littéralement se donner en spectacle, afin de jouir sans entraves d’eux-mêmes. « Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi ! » disaient-ils en 68 pour, cinquante années plus tard s’agenouiller, ramper, se vautrer dans le vieux monde le plus rance, le capitalisme le plus cupide, le pouvoir le plus pernicieux. Il faut voir le révolutionnaire Cohn-Bendit trimballer sa vieille carcasse à la suite du jeune président, quémandant ici une parole bienveillante, cherchant là un geste apaisant. Et son compère, Romain Goupil, de s’époumoner sur tous les plateaux télévisés dans un sabir pseudo-libéral, la bave aux lèvres, sur-jouant son rôle d’adulescent révolté, attardé. Au final, les deux vieux mâles de la gauche bienpensante, tout gonflés de fatuité, se retrouvent une fois encore sur le devant de la scène du théâtre des imbéciles. Toute honte bue, ils ont même osé faire un film documentaire dans lequel ils se mettent précieusement en scène auprès de leur nouveau Che d’opérette : Emmanuel Macron. 

  
         La boucle est bouclée : il ne restera rien de mai 68 ! Les millions d’ouvriers en grève, les premières révoltes étudiantes, la critique radicale du capitalisme, la libération des mœurs, un certain goût de l’aventure, etc. tout est emporté par un quarteron de vieux gauchistes, anciens trotskards, pseudo-anars, néo-maos, qui ont troqué le petit livre rouge contre la bible du capital, sans une once de remords. En cela, ils ont conservé le pire de l’héritage soixante-huitard : « tout pour ma gueule, rien pour les autres ». Ce qui est finalement la devise du « gauchisme culturel » qui sous couvert d’émancipation individuelle continue de servir la soupe à toutes les oligarchies politiques.

         « Ceux qui font les révolutions à moitié ne font que se creuser un tombeau » écrivaient-ils sur les murs en 1968. Il faut croire alors que nous vivons au fond de cette tombe avec eux, ces cafards, ces cloportes qui n’ont jamais aussi bien absorbé la lumière que depuis que celle-ci est morne, blafarde, artificielle.









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