vendredi 1 mai 2020

"Journal désinvolte" de Luc-Olivier d'Algange (II)





Générosité
Devant l'obstacle ou l'inimitié, le caractère faible se réfugie dans les généralités. L'idée lui vient de changer les lois, de théoriser de grands ensembles alors qu'il eût été préférable de répondre de façon directe et précise. Ce ne sont pas les lois et le droit qui font défaut mais, surtout, leur bon usage; ce ne sont pas les idéologies qui manquent mais le juste instinct, l'intuition, - la générosité, au sens étymologique, qui ne consentirait pas à la disparition de la civilisation qu'elle créa et dont elle sera, peut-être, recréée.


Vivre ensemble
On nous rebat les oreilles avec le «  vivre ensemble  »  qui, dans l'esprit de ses apologistes, consiste surtout à tolérer ceux qui ne nous tolèrent en rien. Mais, au fait, «  vivre ensemble  », - dans quoi ?
Jamais n'est évoqué le tiers-inclus de cette dualité «  eux et nous  » sur laquelle les discours, qu’ils fussent belliqueux ou moralisateurs, se multiplient… Or, le troisième terme n'est autre que la civilisation, ou, plus exactement, en l'occurrence, une civilisation, la nôtre, française et européenne, avec sa profondeur temporelle, ses œuvres, son exercice de libertés chèrement conquises et qui n'ont rien d'abstrait. Hors cet espace, qui est un espace-temps, historial, selon le mot de Heidegger, avec ses mythes et ses légendes, le «  vivre ensemble  » tant vanté ne sera jamais qu'un mourir ensemble pour, et par, les moins résolus et les plus oublieux. 



L'expérience antérieure
On entend souvent reprocher à l’œuvre de Balzac ses longues descriptions. Outre que chaque détail d'entre elles offre un indice digne du chevalier Dupin ou de Sherlock Holmes, et dont le sens se prolongera dans la suite du récit, cette longueur est bien relative, - et relative au regard. Ces cinq ou six pages, par exemple, passées à décrire la façade d'un immeuble, et qui représentent, disons, un quart d'heure de lecture, ne sembleront longues qu'à ceux qui sont habitués à «  cliquer  » ou à «  zapper  » et dont l'attention est incapable de se fixer, de contempler et d'interpréter. L'expérience antérieure manque. Celui qui ne peut consacrer son regard à s'attarder un quart d'heure sur une façade, un arbre, une pierre ou n'importe quoi d'infime ou d'immense dans le monde visible, sera incapable, plus encore, de donner ce temps à des pages qui n’entrent dans la considération du visible que pour mieux nous entretenir de l'invisible.



L'air de l'âme
«  La cause de Fiume n'est pas la cause du sol, écrivait D'Annunzio, c'est la cause de l'âme ». Sans doute faudrait-il inventer, et surtout pratiquer, une écologie ou une diététique de l'âme. Ceux-là même sourcilleux quant à la provenance et la composition de leur nourriture, inquiets, à juste titre, de la pollution des airs et des eaux, semblent, par contraste, singulièrement peu attentifs à l'air de l'âme, à tout ce qui la nourrit et l'environne, à commencer par leur langue natale, altérée, polluée, asséchée, défigurée, uniformisée, comme le sont aussi les paysages urbains.
L'âme est «  inspir  » et «  expir  ». Humaine, elle est ce dialogue amoureux avec l'Ame du monde que tout conjure aujourd'hui à obstruer, par le jargon, la technique, les écrans et la résurgence d'une bêtise puritaine et barbare.
Honorons, tant qu'il est encore temps, par quelques scintillements de plaisirs et de mots, la source de Mnémosyne, l'écume de la déesse Aphrodite et la nuit dionysienne ou orphique, - où veillent ce que les résignés n’attendent plus : un recours, une mémoire, une parole perdue. 




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