Ah,
Paris. Ville de l’amour, ville des lumières ! Traversée par la Seine,
serpentant autour de ses rives. Sa Tour Eiffel, dressée fièrement sur la Rive
Gauche. Sa Butte Montmartre, héritière d’une histoire si riche et foisonnante.
Ses musées, sa vie fourmillante de jour comme de nuit. Sa… plage ?
Menée
depuis maintenant quinze ans par les successives mairies socialistes, à
l’initiative du très festif Bertrand Delanoé, l’opération Paris-Plages consiste
à transformer les voies sur berges, alors fermées pour l’été, et maintenant
définitivement piétonnisées en plage, pour les parisiens qui n’auraient pas
l’occasion de partir en vacances, ainsi que pour les touristes qui voudraient
découvrir une facette moins urbaine de Paris. Louable intention, en apparence.
Dans les faits, Paris-Plages est un énième avatar du festivisme si cher à
Philippe Muray, où la ville glisse de lieu d’habitation à une « capitale
musée » dédiée entièrement à un plaisir qui n’a plus rien d’hédoniste, car
obligatoire et subventionné. La détente devient un mot d’ordre. Pendant l’été
on est prié de se mettre en short et d’aller jouer à la pétanque sur les quais
de Seine, s’il vous plait. Cependant, cette année, point de sable sur lequel
marcher pieds nus pour se sentir vraiment comme à la plage, car la mairie de
Paris n’a pas apprécié que son fournisseur de sable se fasse attraper en train
de marchander avec Daesh. Mais rien n’arrête la mairie de Paris, pas même la
réalité.
Preuve en sont ces employés municipaux qui déambulent sur la voie
Georges Pompidou, arborant un maillot dans le dos duquel est floqué leur
rôle : plagiste. Qu’importe qu’il n’y ait pas de mer, qu’importe qu’il n’y
ait pas de sable. Si l’on vous dit que cette étendue bétonnée, ornée de
panneaux de signalisation et de feux rouges est une plage, c’est qu’il s’agit
d’une plage. Après tout, à une époque où il suffit de se dire nuage pour être
nuage, pourquoi pas. Anne Hidalgo dit « que les berges de Seine soient une
plage », et ce le fut. Mais s’il n’y a pas de sable, que trouve-t-on à
Paris-Plages ? Des transats, bien sûr, car l’avachissement est une
condition sine qua non du moderne estival, mais aussi des boutiques de
souvenirs « éthiques et responsable », dans lesquelles on peut
acheter, pêle-mêle, des graines à semer, des jeux de quille respectueux de
l’environnement, des sacs en chanvre biologique. Le tout à des tarifs qui bien
entendu nécessitent de prendre un crédit pour quinze ans. Car le public visé
par Paris-Plages n’est pas celui des jeunes déshérités dont les parents travaillent
dur à la tâche et ne peuvent leur payer de vacances. À Paris-Plages, pas de
prolétaires, et à 8€ la pinte de bière, on comprend que tout est surtout fait
pour attirer le touriste et la classe moyenne aisée, qui peut se permettre
d’acheter une « cagette apéro » à 22€ pour son « afterwork
chill » sur fond de musique house. On trouve aussi des spectacles de rue,
seuls vestiges d’une tradition populaire héritée des chansonniers, des
musiciens qui jouent tous des musiques différentes à des distances bien trop
petites pour que le tout ne ressemble pas à une cacophonie dans le pire des
cas, ou comme une succession incohérente de bruits divers pour le badaud qui
préfère la marche à l’arrêt. Beaucoup de papas en trottinettes, de petites
filles en roller et de mamans à bicyclettes. Les jongleurs, punks à chiens et
autres hippies ont quant à eux été repoussés plus loin, pour ne pas gâcher la
fête. Il ne faut surtout pas gâcher la fête ! Seuls absents notoires, les
Pierrots de la Nuit, ces mimes chargés de faire régner le silence et la
discipline dans la nuit parisienne à grands renforts d’échasses et de charades.
À Paris-Plages, la sécurité se fait d’une poigne de fer, et la police
patrouille régulièrement. Au moins, les Berges de Seine ne deviendront jamais
un territoire perdu de la République ! Pendant que les voitures ne peuvent
plus rouler sur les voies sur berge, elles roulent maintenant sur les
trottoirs. Les plages n’ont plus de sable et le monde n’est qu’une fiction que
l’on se crée, bien à l’abri de la réalité, dans les couloirs d’une mairie.
Joseph Achoury Klejman
Plage sans mer et sans sable, et pourquoi pas des enfants sans père tant qu'ils y sont?
RépondreSupprimerBien vu ! Ils n'auront pas nos âmes que nous n'avons pas.
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