samedi 25 janvier 2020

L'idiotie, antidote à la bêtise contemporaine?



Un ami idiotès nous a transmis ce texte étonnant, daté de 2010, qui fait directement écho à l’Antimanifeste des idiots ; il s’agit d’un sujet du bac de français qui portait sur Un cœur de simple de Flaubert. Etant donné sa nature, le document n’est pas signé mais nous pouvons compter avec bonheur cet enseignant anonyme dans la grande confrérie des idiots. Assurément, il œuvre à égarer quelques âmes de l’immense troupeau des moutons bêlants. Ci-dessous, nous reproduisons in extenso son excellent sujet de bac écrit.


« Bête ou idiot ?

         Le mot idiot vient du grec idiotès qui signifie « simple particulier » (par opposition à un homme public ou à un spécialiste), d’où le sens dérivé que conserve l’usage actuel du mot : « ignorant », « sans éducation ». Dans son essai intitulé Le Réel, traité de l’idiotie, le philosophe Clément Rosset réactive le sens premier de l’étymologie (en réduisant l’idiot au simple, au sens de l’unicité) pour éclairer notre rapport à la réalité. Le réel constituerait selon lui par nature une idiotie car il est unique, sans double (c’est une tentation inhérente à l’esprit humain que de vouloir le doubler, par exemple, au moyen de l’œuvre d’art).

         Quelle nuance entre la bêtise et l’idiotie ? La bêtise constituerait donc en une insensibilité à la différence (notre parcours de lecture a suffisamment montré combien la pensée commune abusait de la tautologie : A=A, « Les affaires sont les affaires »…), tandis que l’idiotie exprimerait la singularité, autrement dit la différence comme principe d’identité. L’idiot serait en définitive l’autre qui se revendique comme tel : radicalement autre.

Une lignée de génies idiots ou d’idiots géniaux ?

         Une rapide recherche sur les écoles, courants et mouvements ayant marqué la littérature et l’art contemporain pourrait (si la bêtise ne consistait pas, justement, à conclure…[1]) conduire à la déduction suivante : l’art décisif du siècle dernier et l’idiotie ne font qu’un, « moderne » et « idiot » sont synonymes.

         Du cercle des Zutistes qui, à la fin du XIXè siècle, rassemblait des poètes aussi prestigieux que Verlaine, Rimbaud ou Charles Cros pour s’élever contre les excès de la poésie parnassienne, en la parodiant librement, aux artistes Fluxus qui, depuis les années 1960, affichent la même pratique joyeusement iconoclaste, en passant par Tristan Tzara parvenant à fédérer les futurs surréalistes autour des formules provocatrices de Dada (« Regardez-moi bien ! Je suis idiot (…) comme vous tous ! »[2]), tous ces courants ont en commun un certain usage du rire. En effet, par sa posture d’idiot, l’artiste fait acte de critique sociale et le rire devient un ingrédient premier de l’art. Dans les années 1930, le dignitaire nazi Alfred Rosenberg ne s’y est d’ailleurs pas trompé puisqu’il eut à cœur de faire passer pour « dégénérés » les artistes (comme Kokoschka par exemple) qui usaient de la dérision et de la caricature contre la propagande du Reich.

Portrait de l’artiste en idiot

         Le burlesque devient ainsi le registre privilégié de l’époque moderne, comme en témoigne l’œuvre de l’artiste Joachim Mogarra. A première vue, il semble proposer un art idiot[3] : on l’imagine dans une commune du nord de la France, comme un gamin mettant tous ses proches à contribution, pour les faire jouer avec quelques casseroles, dans le western ou le road-movie qu’il se raconte ; mais en arrière-plan, c’est finalement toute une mythologie (celle de la conquête de l’Ouest et du cinéma hollywoodien) qui se trouve rejouée et déjouée par l’artiste, comme s’il préférait la posture antihéroïque des humbles aux images glorieuses qui peuplent nos mémoires de spectateur. La faiblesse assumée devient ainsi une arme permettant de vaincre une faiblesse subie, imposée.

         L’idiotie s’oppose donc à la prétention, à un certain usage intimidant de la culture, avec cette idée que la bêtise des humbles a bien des avantages sur la sotte rigidité des intellectuels prétentieux. L’idiot contemporain est celui qui oppose une certaine folie personnelle à la bêtise communautaire, convaincu qu’on ne peut vaincre la bêtise que par l’idiotie, le moyen le plus efficace de la subvertir, parce qu’elle réagit en miroir à la bêtise bourgeoise.

Un modèle christique ?

         En définitive, cette manière d’opposer la cohérence de l’innocence à l’incohérence sociale a presque quelque chose avoir avec le modèle christique des simples d’esprit. Mais en s’arrogeant ainsi un discours de vérité, l’idiot contemporain ne court-il pas le même risque d’un moralisme « autosatisfait » que notre bourgeois du XIXè siècle ? Eternelle aporie qui serait désespérante si l’on ne pouvait s’en réjouir avec l’idiot d’Ermanno Cavazzoni : « Raffaello Pelagatti ». Ce personnage est emblématique de l’effondrement idéologique de notre époque et forme avec son alter ego Pelacani une version actuelle de Bouvard et Pécuchet : l’un pense que Jésus-Christ est un extra-terrestre, l’autre que Marx et Engels n’ont jamais existé, renvoyant ainsi dos à dos les deux utopies majeures de l’humanité…[4] »
        





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[1] « L’idiotie consiste à vouloir conclure », Flaubert, Corresp., Lettre à Louis Bourthet, 4 septembre 1850.
[2] « Sept manifestes Dada », Œuvres complètes, t. 1, Flammarion, 1974.
[3] Au sens dégagé par J.-Y. Jouannais dans son livre L’idiotie, art, vie, politique, méthode, Beaux-arts magazine/livre, 2003.
[4] Ermanno Cavazzoni, Les idiots (petites vies), Attila, 2009 ; parodiant les vies de saints du Moyen Age, l’auteur propose 31 portraits d’idiots contemporains.

mercredi 1 janvier 2020

Les tops les plus incroyables du monde que vous avez jamais vus qu'on a adoré à la rédaction




Moi je… ai aimé tout ce qu’on a posté sur nos murs FB, en liberté, sauf les tétons. 

Moi je… ai aimé quand moi je mettais une super photo de moi sur mon mur FB. 

Moi je… ai espéré que l’année qui vient soit aussi super que celles qui sont passées, avec tous les amis que j’ai, dans la convivialité et la confiture. Kiffe 2020 !

Moi je… ai une pensée pour les pauvres que je vois tous les jours dans la rue, pour pas devenir comme eux. Une pensée, c’est déjà du réconfort. émoticônes cœurs, big love… 

Moi je… aimé rire des posts super que tous les copains et copines ont laissé sur leurs murs, qui m’ont vraiment fait du bien. Positive attitude. 

Moi je… ai pas aimé les gens qui ont la haine et qui sont méchants avec moi et avec les autres. Tolérance et respect pour 2020.

Moi je… ai pas aimé les attentats, les grèves et quand l’ordi est en panne. Parce qu’on peut pas s’exprimer, et ça c’est pas la démocrassie.  

Moi je… ai pas aimé le réchauffement climatique, parce qu’on va tous mourir et ça c’est pas possible. Parce qu’on mérite vraiment pas ça. Ouais, la conscience, c’est ça. Comme Gandhi !

Moi je… ai aimé moi cette année. 

Moi je… Moi je… Moi je… Moi je… Moi je… Moi je… Moi je… Moi je… Moi je… Moi je… Moi je… Moi je…