samedi 29 août 2020

Music, Martinis & Misanthropy (fin)

 

Pour accompagner la France en vacance, les idiots vous proposent une petite série estivale qui célèbre les choses simples de la vie que nous aimons tant : l’apéritif, le farniente, l’amitié, la médisance des soirs d’été, la moiteur des peaux brûlées, la beauté des noyades salvatrices, l’étalement des corps obèses, etc. Sauf que c’est terminé ! Retour à la létalité.



 


« Apéro,

un soir comme un autre

dans la langueur de l’été.

 

Quand tout se termine,

devenir mort

un verre à la main. »

 

 


 

 

 

 

 

vendredi 21 août 2020

Music, Martinis & Misanthropy (5)

 Pour accompagner la France en vacance, les idiots vous proposent une petite série estivale qui célèbre les choses simples de la vie que nous aimons tant : l’apéritif, le farniente, l’amitié, la médisance des soirs d’été, la moiteur des peaux brûlées, la beauté des noyades salvatrices, l’étalement des corps obèses, etc.





- Alors les enfants ça va bien ?

Prune, rivée à son portable, les airpods vissés sur les oreilles, ignora totalement la question. Benjamin daigna émettre un borborygme inarticulé sans lever les yeux de sa Nintendo Switch. La voiture filait sur la route déserte. Le soleil baignait l’habitacle et la chaleur intense du dehors se faisait sentir malgré la climatisation.

- Vous n’avez pas trop chaud derrière ?
- Non, p’pa, ça va.

Toujours aucune réponse de Prune. Benjamin se chargeait des relations diplomatiques avec les parents.

- Vous avez suffisamment à boire ? Il faut penser à bien vous hydrater.
- Oui p’pa. Tout va bien.

Armand jeta un coup d’oeil dans le rétroviseur pour tenter d’établir un contact visuel avec ses enfants. Il ne parvint à entrapercevoir que la tête blonde de Benjamin, penché sur sa console.

- Tu joues à quoi Benji ?
- A Manhunt p’pa.
- Aaaaaah ! Oldies but goodies ! Je vois que tu te maintiens au niveau mon fils !
- Oui p’pa.

Un sourire satisfait rayonnait sur le visage aux traits harmonieux d’Armand, beau quadragénaire qu’une barbe de trois jours négligée avec soin rendait, selon les dires d’Apolline, son épouse, « plus sexy que David Beckham et Kit Arrington réunis ». Armand réajusta ses lunettes à fine monture et la position de ses mains sur le volant.

- Et Prune ? Elle dort ?
- Non, p’pa, elle est sur Snap et elle écoute de la musique.

Un filet d’imprécations haineuses et de riffs de guitare rageurs s’échappa de l’airpod brièvement décroché par Prune de son oreille.

- Pas sur Snap, flocon de neige, sur Chatroulette. Snap, c’est pour les boloss comme toi.
- Chuis pas un boloss !
- Prune, je t’ai déjà dit de surveiller ton langage !
- Oui maman, pardon.

Prune raccorda derechef son tympan au pandémonium musical vomi par l’airpod. Apolline se retourna et adressa un sourire radieux à sa fille aînée. Elle posa une main amoureuse sur la cuisse de son mari.

- Tu ne devrais pas t’arrêter un peu Armand ? Les enfants auraient besoin de se dégourdir les jambes.

- Oui ma chérie, tu as raison. Il faut être prudents, nous roulons depuis plus de deux heures. Une petite pause s’impose !

Armand pointa du doigt un panneau qui annonçait une aire de repos à quelques centaines de mètres et positionna le véhicule pour emprunter la voie d’accès.
L’aire d’autoroute était sommaire et comportait, pour tout équipement, trois tables en béton et un bloc sanitaire. Elle semblait déserte mais quand Armand gara le SUV sur l’emplacement le plus proche des tables, l’occupant de la fourgonnette garée à l’opposé du parking, en partie dissimulée par le bloc sanitaire, ne manqua pas de remarquer les nouveaux arrivants. Il saisit son sac à dos sur le siège passager, ouvrit et referma avec précaution la portière et se glissa sans bruit dans les bois qui entouraient la petite aire d’autoroute.

- Allez les enfants ! On sort les affaires pour le pique-nique !

Le petit Benjamin bondit hors de l’habitacle, Prune émergea en soupirant et traîna les pieds jusqu’à un banc de béton, s’affalant de manière tragique sur la table de camping. Armand la rejoignit bientôt et disposa quelques victuailles à côté de sa fille. Benjamin le suivait en gambadant, une gourde d’eau à la main.

- PRUNE ELLE FAIT RIEN !
- Prune tu peux nous aider un peu s’il-te-plaît ?

La jeune fille poussa à nouveau un soupir à fendre l’âme et se releva avec peine. Apolline, qui arrivait avec deux paquets de Doritos et un tupperware rempli de guacamole, tapota l’épaule de sa fille en signe d’encouragement.

- Allez Prune, un peu de bonne volonté s’il-te-plaît.

Armand jeta un regard éperdu d’amour et d’admiration à sa femme, lumineuse dans sa petite robe d’été rouge vif. Le compliment qu’il voulut lui adresser mourut sur ses lèvres quand il aperçut la figure hirsute qui venait d’émerger des bois et se tenait juste derrière Benjamin et Prune, près de la table de camping.

- Alors les bourges, on est en vacances ?

L’homme était crasseux. Il avait un visage torve mangé par une longue barbe noire qui rehaussait le cruel éclat des prunelles sombres enfoncées dans les replis sales d’un visage prématurément ridé. Il tenait à la main ce qui ressemblait à un pistolet automatique noir qu’il braquait d’un bras tremblant sur les différents membres de la famille. Son regard glissa avec gourmandise sur la silhouette gracieuse d’Apolline et le crop top rose fluo au décolleté aguicheur de Prune. Une flamme s’alluma dans son regard.

- On va bien s’amuser ensemble vous allez voir...Toi la pute ! Viens par là ! Et toi le gendre idéal tu te mets à genoux les mains sur la tête !

Armand s’exécuta sans émettre la moindre protestation tandis qu’Apolline se dirigeait calmement vers l’homme. Arrivée face à lui elle se tourna vers Armand avec un sourire plus radieux encore que de coutume.

- Quelle chance nous avons mon chéri ! Ce monsieur conviendra à merveille pour la fête !

A genoux, Armand affichait lui aussi un sourire extatique.

- Il est parfait ma chéri ! C’est un véritable don du ciel ! Dieu est avec nous ! Les enfants s’il-vous-plaît ?

Sans plus de formalité, Prune souleva sa brassière, offrant sa poitrine au regard effaré de l’homme. Interloqué, il n’eut pas le temps de réaliser que le jouet d’enfant que Benjamin venait de sortir de la poche de son petit blouson n’était pas un jouet. La décharge du taser le jeta à terre, le dos arqué et les bras repliés griffant l’air comme un t-rex en pleine crise d’épilepsie. Armand se releva tranquillement et rejoignit sa femme et ses enfants qui entouraient l’homme à terre, râlant, bavant et fouettant le sol de ses talons. Les effluves nauséabonds qui parvinrent à leurs narines avertirent la famille que la décharge électrique, en plus de la paralysie, avait entraîné un autre type de réaction physiologique, moins douloureux mais plus humiliant. Prune remit son top en place en plissant les narines de dégoût. « Beeeeehh », fit Benjamin en rangeant son taser dans sa poche. Armand ébouriffa les cheveux blonds de Benjamin et passa un bras protecteur autour des épaules de sa fille.

- Bravo les enfants. Benjamin, tu te sers à merveille de ton cadeau d’anniversaire. Et toi Prune, tu as su tout de suite tirer profit de la situation et utiliser les faiblesses de l’adversaire. Votre mère et moi nous sommes fiers de vous.

Benjamin avait les yeux brillants et Prune rougit.

- Je me suis rappelée de Dragon Ball papa. Quand Bulma montre ses seins à Tortue Géniale pour le faire saigner du nez sur le loup-garou invisible.
- Et moi je regarde toujours la scène dans Manhunt avec le taser ! C’est pour ça que j’en voulais un !

Armand promenait sur les membres de sa famille un regard de pur amour.

- Grâce à vous les enfants, notre fête de fin de vacances sera une réussite complète ! Vous êtes les meilleurs enfants que des parents puissent rêver d’avoir ! Vous avez mérité une petite récompense pendant que maman va se charger du monsieur.

Encore paralysé et à demi-étouffé, Thierry Dumollard, dit « Le tueur de l’autoroute des vacances », qui tenait depuis cinq ans police et gendarmerie en échec, vit du coin de l’oeil la douce et blonde Apolline sortir du coffre une hache d’incendie dont le manche peint en rouge était élégamment assorti à sa robe d’été. Armand souleva avec peine une lourde glacière qu’il déposa sur le bitume du parking.

- Il reste encore un peu de ta correspondante allemande, Prune. Mais, avant ça : surprise et régal pour tout le monde pour le pique-nique !

Armand leva le couvercle de la glacière, remplie de restes humains de toutes sortes. Il en émergeait une main bleuie et la tête coupée d’une jeune fille dont le visage encore déformé par la terreur était en partie couvert de petits cônes glacés à l’emballage bleu.

- OUUAAAAIS DES CORNETTOS ! s’exclamèrent en choeur Prune et Benjamin.
- A la vanille ! Mes préférés ! rugit Benjamin en piochant un cornet à demi collé par la glace à la chevelure blonde de Renate, l’ex-correspondante allemande de Prune.

Armand et Apolline échangèrent un regard charmé et complice. Puis Apolline mit définitivement fin à la carrière de Thierry Dumollard d’un puissant coup de hache qui fracassa sa boîte crânienne. 





 

dimanche 16 août 2020

Music, Martinis & Misanthropy (4)

 
Pour accompagner la France en vacance, les idiots vous proposent une petite série estivale qui célèbre les choses simples de la vie que nous aimons tant : l’apéritif, le farniente, l’amitié, la médisance des soirs d’été, la moiteur des peaux brûlées, la beauté des noyades salvatrices, l’étalement des corps obèses, etc.


« Avant de me déshabiller je rendis encore une fois hommage à Oôn et à toutes les prostituées thaïes. Ce n’était pas un métier facile qu’elles faisaient, ces filles; il ne devait pas être si fréquent de tomber sur un brave garçon, doté d’un physique acceptable, et qui ne demandait honnêtement qu’à jouir de concert. Sans même parler des Japonais - je frissonnai à cette idée, et empoignai mon Guide du Routard. Babette et Léa pensais-je, n’auraient pas été capables d’être des prostituées thaïes; elles n’en étaient pas dignes. Valérie peut-être, il y avait quelque chose chez cette fille, à la fois un peu mère de famille et un peu salope, les deux potentiellement d’ailleurs, jusqu’à présent c’était surtout une gentille fille, amicale et sérieuse. Intelligente aussi. Décidément j’aimais bien Valérie. » Michel Houellebecq









samedi 15 août 2020

Music, Martinis & Misanthropy (3)

 

Pour accompagner la France en vacance, les idiots vous proposent une petite série estivale qui célèbre les choses simples de la vie que nous aimons tant : l’apéritif, le farniente, l’amitié, la médisance des soirs d’été, la moiteur des peaux brûlées, la beauté des noyades salvatrices, l’étalement des corps obèses, etc.

 

 

 

« Je préfère me sentir brûlé par une douleur diabolique plutôt que de vivre dans cette ambiance de saine température. Alors s’enflamme en moi un désir sauvage d’émotions intenses, de sensations, une rage contre cette vie plate, flétrie, normale et stérilisée et une envie de fracasser quelque chose, je ne sais pas, un magasin ou une cathédrale, ou moi-même ; de commettre des folies téméraires… C’est, en fait, ce que j’ai toujours le plus détesté, abhorré, maudit : cette satisfaction, cette santé pacifique, ce gras optimisme du bourgeois, cette discipline de l’homme médiocre, normal, vulgaire. » Hermann Hesse




Cliquez sur la photo ci-dessous ou ICI pour commander le numéro Moins Deux !


https://www.helloasso.com/associations/idiocratie/paiements/idiocratie-numero-moins-deux