En
ces temps de repos compté, les Idiots ont dépêché un de leurs meilleurs
reporters pour se rendre dans une contrée étrange et lointaine, là où se
déroulerait un festival de blousons noirs, de guitares saturées et de voix
endiablées.
Depuis quelques années, la Bretagne est
devenue une sorte de terre promise pour tous les festivaliers du monde. Pas un
jour de l’été, en effet, sans que l’on puisse trouver un champ, un bourg, un
port ou une plage qui accueillent une ribambelle de groupes. A tel point que
l’on peut s’interroger sur les arrière-pensées commerciales de cette frénésie
festivalière même s’il n’est pas inutile d’occuper les touristes entre deux
averses.
Bref, parmi les nombreux festivals qui
s’offrent à nous (de la superproduction des Vieilles charrues à la parade
celtique de Lorient en passant par le bout du monde de Crozon, la pop attitude
de la route du rock et bien d’autres encore), il en est un qui a retenu toute
notre attention : le Binic Folk Blues Festival qui s’est tenu les
2,3 et 4 août dans le port et sur la plage de la petite cité costarmoricaine.
Pourquoi celui-ci ? Tout simplement parce qu’il s’agit d’une programmation
pointue, et passionnée, qui jouit d’une étrangeté, presqu’une incongruité dans
notre monde : son caractère entièrement gratuit.
Plus
de 50 groupes venus principalement des Etats-Unis et d’Australie se partagent
une affiche dédiée au folk’n blues, et à toutes ses déclinaisons
possibles : rock garage, surf music, deep country, noisy band, etc. Trois
scènes très proches les unes des autres (la plage, le bourg et le port)
permettent de naviguer à vue au milieu des familles en goguette, des marins du
cru et, bien sûr, des rockers aux bras tatoués et à la casquette vissée sur la
tête – n’oublions pas les régionaux de l’étape, les « keupons »,
dont il semble que la Bretagne soit l’un des derniers viviers.
En
tous les cas, pas de frime ici ; c’est vrai que la bière coulant à flots
ne prédispose pas forcément à la pose langoureuse et aux mimiques
insignifiantes. Il faut plutôt compter sur l’esprit du rock’n roll : simple,
rude et élégant, comme le blues d’antan. Les groupes invités – même de stature
internationale – sont logés à la même enseigne : pas de backstage, de VIP
ou encore de demandes improbables. Et il n’est pas rare de croiser les
chanteurs et musiciens errant dans le bourg de Binic, une bière à la main,
toujours prêts à trinquer. Ce qui favorise également, cette fois-ci sur scène,
les rencontres multiples, sachant que la plupart des groupes jouent deux fois
(ou plus) pendant les trois jours que dure le festival.
Passons aux choses sérieuses : du
côté du pur blues, on mentionnera la guitare hypnotique de Mississipi Gabe
Carter venu des bayous profonds comme celle, plus tranchée et inattendue,
du strasbourgeois Thomas Schoeffler. Pour le rock sauvage, les
Australiens de Bitter Sweet Kicks mettent une belle pagaille tandis que
les Italiens de Movie Star Junkies nous la jouent à la Bad seeds, du
côté de Nick Cave. On ne peut pas citer tout le monde, mais les Français ont
également leurs vétérans (Head On) et leurs jeunes pousses (Libido Fuzz) pour
s’entretenir avec la musique du diable. Sans compter encore, la folk éthérée et
les songwriter allumés qui nous accueillent dès 17 heures, au retour de plage,
pour un apéritif bien mérité, sous le soleil ennuagé et coloré de Binic.
Pour notre part, et en toute
subjectivité, notre cœur a retenu deux groupes qui parviennent à insuffler un
nouveau souffle au rock avec les sempiternelles guitares/basses et les traditionnels caissons de batterie. On serait presque désolé qu’ils
viennent tous deux des Etats-Unis. Le premier est en passe de devenir une
référence incontournable de ce début de siècle, j’ai nommé les Thee Oh Sees,
qui réussissent à mélanger tous les genres pour en faire quelque chose de
brûlant, comme une alchimie réussie entre les mélodies pop, la rythmique
effrénée, l’énergie punk et le psychédélisme seventies. Ce qui peut se vérifier
sur album et se décupler en live ; impossible en tous les cas de ne pas lever
les bras et sauter dans tous les sens pendant l’heure et demi d’un set
incandescent.
Le second est un jeune groupe de
Californie, Shannon and the Clams, qui est en train de revisiter les sixties avec l’esprit du
temps : urgent, ambivalent et entraînant. Composé d’un jeune éphèbe et
d’une chanteuse aux rondeurs affirmées, auquel on ajoute un batteur rugueux, et
nous voici emportés dans une musique dansante et vénéneuse. Les mélodies sucrées
et accrocheuses se transforment soudainement en rage contenue et en éructations
enfiévrées ; comme si les Beach Boys croisaient la route des Sex Pistols.
On ne sait pas combien de temps peut
tenir un festival gratuit (et sans services d’ordre) dans une époque où la fête
tourne la plupart du temps au vinaigre – sans compter le risque de transformer
la chose en beuverie généralisée parce que nous sommes quand même en Bretagne
et qu’apparemment la fameuse fête de la morue (également à Binic) aurait connu
un sort similaire, selon les dires de vieux bougres avinés. Sacrés
Bretons !
Hey ! Bien sympathique votre chronique :-) . Cela dit, y'a une petite erreur de géographie : vous avez écrit dans le 2ème paragraphe "...sur la plage de la petite cité morbihannaise" . En fait, Binic est dans les Côtes d'Armor, ce qui doit donner : "la petite cité costarmoricaine".
RépondreSupprimerBonne continuation à vous !
Fred
Merci Fred, je me serais fait étriper par tous les amis du 22, anciennement côte du nord, et toc !
RépondreSupprimer