La
conversation est ouverte entre MauvaiseNouvelle et Idiocratie !
Une joute courtoise ? Non un zinc bavard tout au plus.
MauvaiseNouvelle : Nous
pourrions commencer par nous interroger sur les deux noms de nos
sites et notre volonté d'avoir créé ces sites. Je perçois pour ma
part, que ce soit dans le nom d'Idiocratie
ou de Mauvaise Nouvelle
la volonté de révéler toute l'ironie du temps. L'ironie du sort
est pour moi le seul et unique moteur à toute narration. Tel est
Dieu qui finit cadavre, et tel est cadavre qui devient nourriture.
L'arroseur arrosé redevient arroseur. C'est en percevant l'ironie
nichée dans notre monde que nous pouvons encore muter ce dernier en
écrits, faire en sorte qu'il se livre. C'est aussi une façon pour
nous d'y échapper, de ne pas être assimilé à la vulgarité qui
nous inonde. Son pathétique mélodrame ne nous ferait réclamer
qu’une consolation. Je revendique la tragédie. Je m'interroge
cependant toujours sur ce qui nous pousse à vouloir exister dans
cette gigantesque marge qu'est Internet, à épouser cette vanité. A
écrire dans l'océan pour des surfers...
Pourquoi
s'inscrire dans cette gratuité qui consiste à écrire à la face du
monde? Moi, j'en ressens la nécessité tout comme le pathétique. Le
fait de faire de l'ironie sur l'ironie nous permet cependant parfois
d'échapper à notre propre mélodrame... Le ridicule nous sauve. Je
perçois néanmoins une différence de ton induite par les deux
titres : Idiocratie
et Mauvaise Nouvelle.
Je discerne d'avantage de légèreté dans Idiocratie
et une certaine gravité dans mon titre. Quand on se veut l’apôtre
de la mauvaise nouvelle, c'est certain que l'on doit pêcher par
excès de sérieux. Je peux me le reprocher sans parvenir néanmoins
à y échapper. Je suis l'écorché vif qui tâtonne dans le
poisseux, l'ado mal dégorgé qui croit encore écrire pour la gloire
de Dieu et le salut du monde... Et je regarde le mot Idiocratie
tantôt avec envie, j'aimerais bien narguer le lecteur, et tantôt
avec dédain. Je me rassure alors en me disant que ce mot
d'Idiocratie ne peut abriter que des dandy réactionnaires qui
jouissent paisiblement de la mauvaise marche monde, retiré dans leur
leur marge à s'enfumer tout seul. Et je construis une icône du
combat du Dandy contre le Saint. La vérité est outrancière et le
Saint est un fou, et nous et nous et nous... Pourquoi se donne-t-on
tant de mal ?
Idiocratie :
Il est amusant de commencer par comparer les noms de nos deux blogs.
Celui d'Idiocratie est né de la perspective d'une mauvaise nouvelle,
dans la phase finale de la fin de campagne 2012, qui nous annonçait
la confrontation de deux médiocrités politiques. De là est né
d'abord le nom Idiocratie. Constat simpliste fait sur un coin de bar,
vers deux heures du matin, un soir d'octobre 2011: "nous
voilà en plein dans le règne des idiots, de l'idiotie, de l'idiotie
satisfaite." Voilà quelle
était notre épiphanie inversée, l'annonce de la désincarnation
finale du corps politique, la mauvaise nouvelle accueillie par les
rires et les sarcasmes de deux idiots qui n'ont rien trouvé de mieux
que de décider d'en faire un blog et de le baptiser en hommage à
une comédie américaine imaginant un monde futuriste livré à la
célébration de la bêtise.
Mais
si la création du blog Idiocratie
correspondait a un besoin d'exutoire, nous ne pouvions nous
restreindre à limiter son existence à l'enflement et au
désenflement du soufflé électoral. Au fil du temps et des articles
dont, comme dans Mauvaise
Nouvelle, nous avons décidé de ne
pas limiter les thématiques, c'est une autre identité d'idiot(s)
qui s'est progressivement affirmée. L’idiot revendique donc
de manière délibérée son particularisme étriqué et son droit à
tourner en dérision l’interdiction qui lui est signifiée d’être
idiot et à refuser l’injonction qui lui est faite de sacrifier son
particularisme à la Grandeur de l’Universel. Au Juste descendu de
son Olympe pour lui reprocher son simplisme et son entêtement,
l’idiot répond simplement : « moi
aussi j’irai un jour vivre en Théorie, parce qu’en Théorie tout
se passe bien. » Profitant de
la position du fou qui est celle du blogueur en termes d'échec, nous
avons décidé néanmoins de garder en tête la sage maxime de
Chesterton « La légende est en
général l’œuvre de la majorité des habitants d’un village,
qui sont sains d’esprit. Le livre d’histoire est en général
écrit par le seul homme du village qui soit fou. »
Ce qui nous amenait tout à la fois à considérer que la position du
fou est bien pratique pour tracer des diagonales au travers de la
linéarité désespérante de la majorité et échapper, comme tu le
dis, à sa vulgarité désespérante, mais à nous souvenir également
que de la légende ou de l'histoire nous n'avions pas décidé après
tout quelle était la plus vraie. Nous devions donc nous contenter de
jouer le rôle des idiots à la naïveté clairvoyante ou à la
lucidité idiote, comme le Prince Mychkine de Dostoïevski (dont le
réalisateur russe Yuri Bykov vient de donner une illustration
surprenante il y a peu avec le film L'Idiot ! - "Dyrak !"
dans le titre original qui signifie plutôt "connard !" en
russe) et nous rappeler dans le même temps que les idiots ne reste
que des idiots dont internet charrie le torrent, comme le monde jette
les imbéciles les uns contre les autres comme le dit Bernanos.
Constat qui a imposé une sorte de règle non-dite et implicite: au
pays du web 2.0 extraverti au possible, les Idiots ne signent jamais
leurs articles, règle suivie avec malice par quelques invités, ce
qui a poussé quelques lecteurs fidèles à s'agacer: "on ne
sait jamais qui écrit quoi chez vous". Et c'est tant
mieux...Que l'icône métamorphe de l'idiot prennent ainsi tour à
tour les traits du dandy réactionnaire, du conspirateur pour rire ou
du polémiste à la petite semaine puisque plus on est d'idiots et
plus on rit !
MauvaiseNouvelle : Plus on est
d’idiots et plus on rit, et plus on est d’apôtres de la mauvaise
nouvelle, moins on se sent le bienvenue dans sa famille, son pays.
Contrairement aux idiots, ceux que nous convions sur MN sont appelés
à signer de leurs noms et même à assumer leur tronche. Des pseudos
viennent bien souvent à la rescousse de cette mise à nu demandée.
Nos invités interviewés sont incorporés à ce bataillon, assimilés
à des contributeurs et donc à ces apôtres de la mauvaise nouvelle.
Il y a comme une volonté de les salir, comme nous avons eu celle
d’incarner des sortes de suicidés éternels comme dirait Hermann
Hesse. Nous voulons qu’un maximum soient vu comme des oiseaux de
mauvais augure de la part des leurs. Pour dire la vérité, je suis
obsédé par ces fresques appelées « danse des morts »
que l’on trouve dans certaines églises, comme à la chaise dieu.
Il s’agissait d’intercaler tous les archétypes de la société
avec des squelettes. Le principe était, en période de passage de la
grande faucheuse, de la mort noire, de montrer avec ironie
l’égalitarisme dans lequel nous plaçait la mort. L’annonce de
la mauvaise nouvelle, ce n’est rien d’autre que cette danse des
morts, rien d’autre que placer le squelette de chacun dans le
miroir dans lequel il se mire et se recoiffe. Et c’est malgré tout
une danse, car il ne faudrait pas tomber dans le pathétique tout de
même ! J’avoue même jouir d’annoncer la mauvaise nouvelle,
j’avoue cultiver ce malin plaisir à gâcher la fête, dans cette
société arrivée en fin de soirée, comme l’hurluberlu qui a le
vin triste et fait chier tout le monde avant l’aube. C’est
l’after-triste que l’on réserve pour tous. Mais ce choix d’être
le trouble fête des « satisfaits du temps présent »
implique automatiquement un sacrifice : nous et ce qui osent
nous côtoyer, s’approcher de nous. Les idiots ?... Nous
sommes contagieux, Mauvaise Nouvelle
ne demande qu’à se propager comme la rumeur. Notre mur de
contributeurs est un mur de chasse, quasiment un cimetière, une
collection de squelettes que nous intercalons avec nos lecteurs. Et
dire que repus de cet esthétisme romantique, nous osons affirmer que
l’annonce de la mauvaise nouvelle est utile au salut du monde…
Nous sommes donc certains de nous tromper alors que les idiots
peuvent peut être encore avoir raison.
(à suivre...)
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