samedi 18 février 2017

Mauvaise nouvelle pour les idiots : l’idiocratie est une bonne nouvelle


La conversation est ouverte entre MauvaiseNouvelle et Idiocratie ! Une joute courtoise  ? Non un zinc bavard tout au plus.

MauvaiseNouvelle : Nous pourrions commencer par nous interroger sur les deux noms de nos sites et notre volonté d'avoir créé ces sites. Je perçois pour ma part, que ce soit dans le nom d'Idiocratie ou de Mauvaise Nouvelle la volonté de révéler toute l'ironie du temps. L'ironie du sort est pour moi le seul et unique moteur à toute narration. Tel est Dieu qui finit cadavre, et tel est cadavre qui devient nourriture. L'arroseur arrosé redevient arroseur. C'est en percevant l'ironie nichée dans notre monde que nous pouvons encore muter ce dernier en écrits, faire en sorte qu'il se livre. C'est aussi une façon pour nous d'y échapper, de ne pas être assimilé à la vulgarité qui nous inonde. Son pathétique mélodrame ne nous ferait réclamer qu’une consolation. Je revendique la tragédie. Je m'interroge cependant toujours sur ce qui nous pousse à vouloir exister dans cette gigantesque marge qu'est Internet, à épouser cette vanité. A écrire dans l'océan pour des surfers...


Pourquoi s'inscrire dans cette gratuité qui consiste à écrire à la face du monde? Moi, j'en ressens la nécessité tout comme le pathétique. Le fait de faire de l'ironie sur l'ironie nous permet cependant parfois d'échapper à notre propre mélodrame... Le ridicule nous sauve. Je perçois néanmoins une différence de ton induite par les deux titres : Idiocratie et Mauvaise Nouvelle. Je discerne d'avantage de légèreté dans Idiocratie et une certaine gravité dans mon titre. Quand on se veut l’apôtre de la mauvaise nouvelle, c'est certain que l'on doit pêcher par excès de sérieux. Je peux me le reprocher sans parvenir néanmoins à y échapper. Je suis l'écorché vif qui tâtonne dans le poisseux, l'ado mal dégorgé qui croit encore écrire pour la gloire de Dieu et le salut du monde... Et je regarde le mot Idiocratie tantôt avec envie, j'aimerais bien narguer le lecteur, et tantôt avec dédain. Je me rassure alors en me disant que ce mot d'Idiocratie ne peut abriter que des dandy réactionnaires qui jouissent paisiblement de la mauvaise marche monde, retiré dans leur leur marge à s'enfumer tout seul. Et je construis une icône du combat du Dandy contre le Saint. La vérité est outrancière et le Saint est un fou, et nous et nous et nous... Pourquoi se donne-t-on tant de mal ?

Idiocratie : Il est amusant de commencer par comparer les noms de nos deux blogs. Celui d'Idiocratie est né de la perspective d'une mauvaise nouvelle, dans la phase finale de la fin de campagne 2012, qui nous annonçait la confrontation de deux médiocrités politiques. De là est né d'abord le nom Idiocratie. Constat simpliste fait sur un coin de bar, vers deux heures du matin, un soir d'octobre 2011: "nous voilà en plein dans le règne des idiots, de l'idiotie, de l'idiotie satisfaite." Voilà quelle était notre épiphanie inversée, l'annonce de la désincarnation finale du corps politique, la mauvaise nouvelle accueillie par les rires et les sarcasmes de deux idiots qui n'ont rien trouvé de mieux que de décider d'en faire un blog et de le baptiser en hommage à une comédie américaine imaginant un monde futuriste livré à la célébration de la bêtise.

Mais si la création du blog Idiocratie correspondait a un besoin d'exutoire, nous ne pouvions nous restreindre à limiter son existence à l'enflement et au désenflement du soufflé électoral. Au fil du temps et des articles dont, comme dans Mauvaise Nouvelle, nous avons décidé de ne pas limiter les thématiques, c'est une autre identité d'idiot(s) qui s'est progressivement affirmée. L’idiot revendique donc de manière délibérée son particularisme étriqué et son droit à tourner en dérision l’interdiction qui lui est signifiée d’être idiot et à refuser l’injonction qui lui est faite de sacrifier son particularisme à la Grandeur de l’Universel. Au Juste descendu de son Olympe pour lui reprocher son simplisme et son entêtement, l’idiot répond simplement : « moi aussi j’irai un jour vivre en Théorie, parce qu’en Théorie tout se passe bien. » Profitant de la position du fou qui est celle du blogueur en termes d'échec, nous avons décidé néanmoins de garder en tête la sage maxime de Chesterton « La légende est en général l’œuvre de la majorité des habitants d’un village, qui sont sains d’esprit. Le livre d’histoire est en général écrit par le seul homme du village qui soit fou. » Ce qui nous amenait tout à la fois à considérer que la position du fou est bien pratique pour tracer des diagonales au travers de la linéarité désespérante de la majorité et échapper, comme tu le dis, à sa vulgarité désespérante, mais à nous souvenir également que de la légende ou de l'histoire nous n'avions pas décidé après tout quelle était la plus vraie. Nous devions donc nous contenter de jouer le rôle des idiots à la naïveté clairvoyante ou à la lucidité idiote, comme le Prince Mychkine de Dostoïevski (dont le réalisateur russe Yuri Bykov vient de donner une illustration surprenante il y a peu avec le film L'Idiot !  - "Dyrak !" dans le titre original qui signifie plutôt "connard !" en russe) et nous rappeler dans le même temps que les idiots ne reste que des idiots dont internet charrie le torrent, comme le monde jette les imbéciles les uns contre les autres comme le dit Bernanos. Constat qui a imposé une sorte de règle non-dite et implicite: au pays du web 2.0 extraverti au possible, les Idiots ne signent jamais leurs articles, règle suivie avec malice par quelques invités, ce qui a poussé quelques lecteurs fidèles à s'agacer: "on ne sait jamais qui écrit quoi chez vous". Et c'est tant mieux...Que l'icône métamorphe de l'idiot prennent ainsi tour à tour les traits du dandy réactionnaire, du conspirateur pour rire ou du polémiste à la petite semaine puisque plus on est d'idiots et plus on rit !

MauvaiseNouvelle : Plus on est d’idiots et plus on rit, et plus on est d’apôtres de la mauvaise nouvelle, moins on se sent le bienvenue dans sa famille, son pays. Contrairement aux idiots, ceux que nous convions sur MN sont appelés à signer de leurs noms et même à assumer leur tronche. Des pseudos viennent bien souvent à la rescousse de cette mise à nu demandée. Nos invités interviewés sont incorporés à ce bataillon, assimilés à des contributeurs et donc à ces apôtres de la mauvaise nouvelle. Il y a comme une volonté de les salir, comme nous avons eu celle d’incarner des sortes de suicidés éternels comme dirait Hermann Hesse. Nous voulons qu’un maximum soient vu comme des oiseaux de mauvais augure de la part des leurs. Pour dire la vérité, je suis obsédé par ces fresques appelées « danse des morts » que l’on trouve dans certaines églises, comme à la chaise dieu. Il s’agissait d’intercaler tous les archétypes de la société avec des squelettes. Le principe était, en période de passage de la grande faucheuse, de la mort noire, de montrer avec ironie l’égalitarisme dans lequel nous plaçait la mort. L’annonce de la mauvaise nouvelle, ce n’est rien d’autre que cette danse des morts, rien d’autre que placer le squelette de chacun dans le miroir dans lequel il se mire et se recoiffe. Et c’est malgré tout une danse, car il ne faudrait pas tomber dans le pathétique tout de même ! J’avoue même jouir d’annoncer la mauvaise nouvelle, j’avoue cultiver ce malin plaisir à gâcher la fête, dans cette société arrivée en fin de soirée, comme l’hurluberlu qui a le vin triste et fait chier tout le monde avant l’aube. C’est l’after-triste que l’on réserve pour tous. Mais ce choix d’être le trouble fête des « satisfaits du temps présent » implique automatiquement un sacrifice : nous et ce qui osent nous côtoyer, s’approcher de nous. Les idiots ?... Nous sommes contagieux, Mauvaise Nouvelle ne demande qu’à se propager comme la rumeur. Notre mur de contributeurs est un mur de chasse, quasiment un cimetière, une collection de squelettes que nous intercalons avec nos lecteurs. Et dire que repus de cet esthétisme romantique, nous osons affirmer que l’annonce de la mauvaise nouvelle est utile au salut du monde… Nous sommes donc certains de nous tromper alors que les idiots peuvent peut être encore avoir raison.




(à suivre...)

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