Autant prévenir le lecteur, comme il est d'usage : cet
article révélera des éléments clés de l'intrigue du dernier Star Wars.
Cependant, l'opus numéro 8 étant sorti le 13 décembre dernier – comme le temps
passe... - il y a désormais prescription. De toute façon, l'intrigue en
question étant plus minimaliste qu'une étagère Ikea, il n'y aura pas
grand-chose à révéler. Monter une étagère Ikea est une aventure plus
passionnante que le visionnage du dernier Star Wars.
C'est même plus passionnant de regarder la version turque de Star Wars
Le minimalisme n'est d'ailleurs pas forcément un défaut
dans le genre du film à grand spectacle. Le dernier Mad Max : Fury
road, sorti en 2015 avec Georges Miller aux commandes, était un cas d'école
en termes d'économie scénaristique, avec un synopsis pouvant tenir sur une
feuille de papier OCB, en laissant une marge de deux centimètres de chaque côté :
Mad Max mène un convoi d'un point A à un point B pendant la première moitié du
film et se castagne avec les guerriers de la route. Puis il fait demi-tour au
cours de la deuxième partie du film pour revenir du point B au point A en se
castagnant avec les guerriers de la route. Ce simplisme n'empêchait pas, loin
de là, Mad Max : Fury road d'être un petit bijou
d'efficacité et d'inventivité visuelle, laissant au passage une marque de pneu
fumante sur la tronche de James Cameron, autoproclamé pape de la 3D et des
effets spéciaux numériques avec l'indigeste Avatar. Star
Wars: les derniers Jedi accomplit le tour de force d'être à la fois
aussi simpliste que le dernier Mad Max et aussi prétentieux et
boursouflé qu'Avatar. Avec un budget de 200 millions de dollars, Les
derniers Jedi parvient à un tel degré d'ineptie qu'il parvient à faire
passer rétrospectivement l'opus précédent, Le Réveil de la force,
pour une réussite. Et pourtant, c'est un doux euphémisme d'affirmer que Le
Réveil de la force n'était pas un chef d'oeuvre.
En fait, tout le problème est là : la Force n'aurait jamais
du se réveiller au cinéma. Après la tentative malheureuse de Georges Lucas de
ressusciter la franchise de 1999 à 2005 avec La menace fantôme, L'attaque
des clones et La revanche des Siths, il aurait fallu
s'arrêter là, balancer les Jedi, les Sith, la Force et tout le tintouin dans le
grand coffre à jouets de la nostalgie, couler une dalle de béton sur le
couvercle, et larguer le tout au fond de l'abîme du temps qui passe mais ne se
rattrape pas. Mais la nostalgie est une pompe à fric beaucoup trop efficace
pour qu'Hollywood s'en soit tenu à cette sage solution, ce qu'ont bien compris
les studios Disney qui ont décidé de ressortir tout le fatras du coffre à
jouets. Au moins, avec ses crapoteux épisodes I, II et III, Georges Lucas avait
eu le mérite de tenter de réinventer maladroitement son univers avec des
personnages originaux, même si Anakin, le jeune Darth Vador, et Jar Jar Binks,
la nouvelle mascotte à faire rire, donnaient au spectateur des envies de
meurtre, allant grandissant au fil de la saga. Les studios Disney, en relançant
la franchise, se sont contenté d'appuyer sur le bouton « remake »,
sans même se donner la peine de changer la couleur de la marmite.
Résumons donc : l'épisode VII, Le Réveil de
la Force, sorti en 2015, mettait aux prises la Rébellion, qui s'appelle désormais
la « Résistance », avec l'Empire, qui s'appelle désormais le « Premier
Ordre ». Le Premier Ordre avait construit dans le dernier épisode
une nouvelle étoile de la mort, encore plus grosse que les deux précédentes. La
Résistance avait fait péter la nouvelle boule de pétanque spatiale et tout le
monde était content à la fin, surtout les studios puisque cette réécriture
scolaire du premier film sorti en 1977 a rapporté un milliard de dollars en
douze jours, soit l'équivalent du PIB de la Guinée-Bissau. La nostalgie, ça
rapporte, on vous dit. Dans l'épisode VIII, Les derniers Jedi, sorti en
décembre dernier, le Premier Ordre est arrivé à cours d'étoiles noires. Après
trois fiasco, la compta a fini par dire stop, on arrête les frais, vous vous y
prenez autrement les gars mais on a plus d'étoile de la mort en stock.
Cependant, l'effroyable gouffre financier représenté par la destruction
successives de trois super-bases de la taille d'une planète (épisode IV, épisode
VI et épisode VII) n'empêche pas les méchants du Premier Ordre (ex-Empire) de
mener la vie dure aux gentils de la Résistance qui se trouvent aux abois au début
de l'épisode VIII, sans que l'on comprenne vraiment pourquoi puisque tout le
monde était content à la fin de l'épisode VII. En fait on comprend très bien
pourquoi puisque Disney, après avoir chargé J.J. Abrams d'actualiser La guerre des Etoiles, a
demandé cette fois à Rian Johnson de refaire L'empire
contre-attaque, sorti en 1980. Il ne s'agirait pas non plus de trop se casser la tête.
On reprend donc presque exactement le même scénario qu'il y a 38 ans.
Résumons-donc encore plus rapidement : comme dans le
film de 1982, la Résistance est en pleine débandade face à un Empire (ou un
Premier Ordre, enfin on s'en fout complètement en fait) à nouveau conquérant.
Les gentils, traqués, fuient à travers l'espace et se réfugient dans une base
perdue sur une sorte de planète de glace où ils mèneront une bataille désespérée
pendant que le nouvel espoir des Jedi, la jeune Rey, parachève son enseignement
auprès d'un vieux maître quelque part sur la galaxie.
Dans L'empire contre-attaque, le jeune Luke
Skywalker recevait l'enseignement du vénérable Yoda arrivé à la fin de sa
longue vie et c'était émouvant. Dans Les derniers jedi, Rey vient
prendre conseil auprès du vieux Luke Skywalker réfugié sur une île irlandaise
dans un village de bonnes sœurs naines extraterrestres qui lui préparent des
omelettes au guano. Luke traverse une mauvaise passe et ne sait pas s'il doit
prendre la jeune Rey sous son aile (non je ne basculerai pas du côté obscur, je
ne céderai pas à la facilité...). Bougon, et déprimé par ses échecs successifs,
il décide dans un premier temps de laisser la jeune Rey sur le côté (ah merde ça
y est j'ai basculé). Mais la production ne l'entend pas de cette oreille et
convoque à nouveau Yoda qui débarque sur l'île et parvient à convaincre Luke
que ce repompage éhonté doit rapporter trop de fric pour que le vieux Jedi
puisse se soustraire à ses obligations. Luke prend donc la jeune Rey en main
pour se frotter à nouveau au côté obscur. Pendant, ce temps, dans l'espace, la
flotte rebelle (pardon...« la Résistance ») fuit pendant 130 minutes
au ralenti dans l'espace, poursuivi par les forces de l'Emp...du Premier Ordre,
dans une traque interstellaire aussi palpitante qu'une course-poursuite en déambulateur
dans un épisode de Derrick.
Pour bien rentabiliser le budget, la production
a d'ailleurs étiré le film de manière interminable en repassant plusieurs fois
de suite le même plan dans deux scènes de poursuite haletante afin que l'on
comprenne bien que le suspens est à son comble. On aura donc le plaisir de voir
une navette d'évacuation détruite par ses poursuivants, sous les regards
horrifiés des fuyards, collés au hublot des autres vaisseaux, non pas une, ni
deux, ni trois mais bien quatre fois, avec une inventivité et un sens de la
mise en scène qui ferait passer Bioman ou Olive et Tom pour
du cinéma d'avant-garde. Ce n'est pas plus ridicule cependant que de voir la
princesse Leia, propulsée dans le vide interstellaire par un tir de torpilles
ennemi, faire du Gimkhana entre les débris en peignoir Kenzo pour regagner
tranquillement la sécurité de son navire grâce à la Force. Si le fait de voir
l'actrice Carrie Fischer se ridiculiser une bonne fois avant de mourir ne
suffisait pas, on se demandera également avec tristesse comment Laura Dern, égérie
lynchienne qui mérite tellement mieux que de gaspiller ainsi son talent
d'actrice, a pu atterrir dans une bouse pareille pour y figurer un personnage
d'amiral insipide dont le seul trait notable est d'avoir les cheveux teints en
violet.
Non ! Pas Laura Dern ! Pas elle !
La seule réussite
visuelle du film est la planète sur laquelle se réfugient les derniers résistants,
couverte d'une couche de glace dissimulant un sable rouge sang qui surgit en
stries et en balafres sanglantes à la faveur des tirs et des combats comme si
la planète elle-même saignait pendant la bataille finale. Ah oui et puis il y a
aussi des clébards de cristal qui sont assez mignons, il faut tout de même le
noter. Mis à part cela, sérieusement, on prend réellement conscience que l'on
se soucie comme d'une guigne de l'univers Star Wars et du sort
de ses protagonistes quand, au bout d'une heure de film, on se prend à se
demander : « Mais c'est qui, au fait, ce Ben Solo dont tout le monde
parle depuis tout à l'heure ? C'est un chanteur ? C'est le frère de
Bruno ? » Mais non bien sûr ! C'est le fils de Han Solo, expédié
d'un coup de sabre laser par son fiston dans l'épisode précédent pour ne pas
faire trop d'ombre au nouveau casting de branquignoles. C'est Ben Solo qui est
censé prendre la relève du défunt Dark Vador et devenir le nouveau méchant de
la franchise sous le nom de guerre de Kylo Ren. Le problème est que Ben
Solo/Kylo Ren est un pauvre type, une sorte d'ado attardé hystérique qui tape
une crise de nerfs pathétique en bousillant de rage son casque de méchant parce
que son tuteur, le grand méchant Snoke l'a traité de pauvre naze et l'a renvoyé
dans sa chambre en le privant de dessert. Le Grand Snoke quant à lui, est censé
être le nouveau cerveau maléfique du film et tenir le rôle occupé par le
terrible Empereur dans les vieux Star Wars. Sans doute
conscient d'avoir une tête de chewing-gum mâché, Snoke tente de compenser cette
disgrâce en s'affublant d'une sorte de robe de chambre d'apparat plus
extravagante qu'un peignoir de mafieux sicilien en vadrouille dans un salon de
coiffure-massage thaï à Bangkok. Même Tony Montana n'oserait pas porter ça. Le
nom même choisi par la production pour baptiser cette nouvelle figure suprême
du Mal en dit long sur l'intense réflexion produite chez Disney pour l'écriture
du film. On imagine sans peine la scène :
- Bon les gars, on a impérativement besoin d'un nom qui claque pour le nouveau chef de l'Emp...du Premier Ordre et le nouveau big boss du nouveau Dark Vador. Vous proposez quoi ?
- (Un stagiaire se précipite) Ah patron j'ai une super idée, pourquoi on l'appelerait pas 'Snake' ? Ca fait vicieux, méchant, venimeux, mauvais quoi !
- (Rian Johnson, renfrogné) Bon écoute t'es gentil petit mais on n'est plus dans les années 80. 'Snake' c'était bon pour Van Damme et Steven Seagal mais là on est vraiment passé à autre chose. Fais-moi plaisir, reprends-toi un rail et trouve quelque chose de mieux.
- (Après une puissante inspiration qui fait disparaître un demi-gramme de colombienne dans la narine gauche) Aaaah elle déchire cette cok...OH ! Ca y est ! Je l'ai patron ! On a qu'à l'appeler SNOKE ! Snoke c'est bien non ?
- (Rian Johnson, exultant) Ah beeen voilà ! Ca c'est du nouveau ! C'est dérangeant, novateur, subversif, disruptif ! Bravo petit ! Allez repasse-moi la coke et mets-nous donc un peu de musique, faut encore trouver le nom du chasseur de primes. Et tu m'appelles Luc Besson au téléphone, j'ai besoin d'un conseil ou deux pour la baston de la fin avec les ninjas, j'ai pas d'idée pour la couleur des armures.
Tony Montana désapprouve.
Hormis le fait de faire des
misères à la Résistance, l'occupation favorite de Snoke semble être d'humilier
constamment son apprenti, le jeune et bouillant Kylo Ren et de le pourrir en
public devant les filles. C'est vrai qu'il n'est pas vraiment street cred le
nouveau Dark Vador avec sa lippe tremblante, sa touffe de cheveux gras, ses
mines d'ado pleurnichard et son visage ingrat ripoliné au Biactol. A force de
se faire essuyer les pieds dessus par son maître, le jeune Kylo Ren, ulcéré,
fait usage d'une ruse débile pour couper Snoke et son peignoir en deux et
affronte avec la jeune Rey les gardes de l'ex-maléfique empereur et maître du
mal. Cela donne une sorte de combat poussif à mi-chemin entre l'escrime de
théâtre et le kung-fu, avec des ninjas rouge en armure dans un décor high-tech
tellement kitsch que même John Boorman n'aurait pas osé du temps où Zardoz fixait
encore les canons esthétique du film de science-fiction.
Zardoz. C'était en 1974 avec Sean Connery
Là dessus, après avoir péniblement tué deux ninjas intérimaires,
Kylo Ren, devenu calife à la place du calife, abandonne le salon de
coiffure-massage impérial et la Rey au milieu et part sur la planète de glace
au tomato-ketchup en finir avec la résistance et les clébards de cristal.
Heureusement, l'habile Luke Skywalker, toujours reclus sur son île irlandaise
au fin fond de la galaxie, réussit grâce à la Force à projeter son hologramme
comme Jean-Luc Mélenchon, pour affronter Kylo Ren en duel et permettre à la
Résistance – ou ce qu'il en reste – de s'enfuir vers le prochain épisode.
Dépité mais nouveau chef du Premier Ordre, Kylo Ren a cette réplique
définitive : « Les Jedi sont morts, les Sith sont morts, il est temps
de passer à autre chose ! » Dans un monde idéal, c'est exactement ce
qu'auraient du se dire les producteurs hollywoodiens au sujet de Star
Wars.
Fuck yeah Leader Snoke !
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