Aux vues des
commémorations de mai 68, on a bien envie de détourner la phrase de Hegel selon
laquelle « l’argent est la vie mouvante en soi de ce qui est mort »
pour l’appliquer aux sinistres sires qui en incarnent aujourd’hui l’histoire :
« La révolution de 68 est la vie mouvante en soi de ce qui est mort ».
Daniel Cohn-Bendit, Romain Goupil, Alain Geismar, Serge July, etc. sont comme
les spectres d’une époque qui n’en finit plus de hanter notre monde. Non
contents de s’être accaparés l’événement, ils continuent d’en louer les vertus
dans tous les espaces publicitaires de la démocratie marchande alors même
qu’ils en ont renié à peu près tous les fondamentaux.
Si l’on utilisait le langage de 68, nous aurions beau jeu de
parler d’une cohorte de grabataires qui a colonisé les médias mainstream pour se vendre toujours
davantage, littéralement se donner en spectacle, afin de jouir sans entraves d’eux-mêmes.
« Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi ! » disaient-ils
en 68 pour, cinquante années plus tard s’agenouiller, ramper, se vautrer dans le
vieux monde le plus rance, le capitalisme le plus cupide, le pouvoir le plus
pernicieux. Il faut voir le révolutionnaire Cohn-Bendit trimballer sa vieille
carcasse à la suite du jeune président, quémandant ici une parole bienveillante,
cherchant là un geste apaisant. Et son compère, Romain Goupil, de s’époumoner
sur tous les plateaux télévisés dans un sabir pseudo-libéral, la bave aux
lèvres, sur-jouant son rôle d’adulescent révolté, attardé. Au final, les deux vieux
mâles de la gauche bienpensante, tout gonflés de fatuité, se retrouvent une
fois encore sur le devant de la scène du théâtre des imbéciles. Toute honte
bue, ils ont même osé faire un film documentaire dans lequel ils se mettent précieusement
en scène auprès de leur nouveau Che d’opérette : Emmanuel Macron.
La boucle est bouclée : il ne restera rien de mai 68 !
Les millions d’ouvriers en grève, les premières révoltes étudiantes, la critique
radicale du capitalisme, la libération des mœurs, un certain goût de l’aventure,
etc. tout est emporté par un quarteron de vieux gauchistes, anciens trotskards,
pseudo-anars, néo-maos, qui ont troqué le petit livre rouge contre la bible du
capital, sans une once de remords. En cela, ils ont conservé le pire de l’héritage
soixante-huitard : « tout pour ma gueule, rien pour les autres ».
Ce qui est finalement la devise du « gauchisme culturel » qui sous
couvert d’émancipation individuelle continue de servir la soupe à toutes les
oligarchies politiques.
« Ceux qui font les révolutions à moitié ne font que se
creuser un tombeau » écrivaient-ils sur les murs en 1968. Il faut croire
alors que nous vivons au fond de cette tombe avec eux, ces cafards, ces
cloportes qui n’ont jamais aussi bien absorbé la lumière que depuis que
celle-ci est morne, blafarde, artificielle.
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