« … Je me mis en quête d’Esther et je m’accrochai à elle, littéralement et sans pudeur, je la pris par la taille et l’implorais de me parler, de me parler encore, de rester à mes côtés, de ne pas me laisser seul, elle se dégageait avec une impatience croissante pour aller vers ses amis mais je revenais à la charge, la prenais dans mes bras, elle me repoussait de nouveau et je voyais leurs visages se fermer autour de moi, sans doute me parlaient-ils également mais je ne comprenais rien, le vacarme des basses recouvrait tout. Je l’entendis enfin qui répétait : « please, Daniel, please … it’s a party ! » d’une voix pressante mais rien n’y fit, le sentiment d’abandon continuait à monter en moi, à me submerger, je posai à nouveau la tête sur son épaule, alors elle repoussa violemment de ses deux bras en criant : « Stop that ! », elle avait l’air vraiment furieuse maintenant, plusieurs personnes autour de nous s’étaient arrêtées de danser, je me retournai et je repartis dans ma chambre je me recroquevillais sur le sol, je pris ma tête dans mes mains et, pour première fois depuis au moins vingt ans, je me mis à pleurer. »
Michel Houellebecq, La possibilité d’une île
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire