lundi 2 juillet 2012

Alain de Benoist, intellectuel radical (1)


            



            En parlant du dernier ouvrage d’Alain de Benoist, Mémoire vive, avec des amis proches, j’ai pu avoir un aperçu de sa réception quelque peu ambivalente. Le premier, proche des idées du Front national, se montrait déçu voire particulièrement irrité de son évolution intellectuelle, laquelle lui semblait renier son positionnement ancien et très à droite de l’échiquier politique. Le second, inscrit dans la mouvance du Front de gauche, réagissait par une condamnation sans appel de celui qu’il considérait comme le mentor intellectuel de l’extrême droite. Ces deux jugements contradictoires révèlent la difficulté d’un itinéraire qui, parti des franges radicales de la droite, s’est très largement ouvert à la pensée critique de gauche. Aussi répondais-je à mes amis que le reniement aussi bien que la condamnation ne rendaient pas justice à un labeur de plus de quatre décennies qui repose, justement, sur une grande honnêteté intellectuelle – que l’on soit d’accord ou non avec ses développements successifs.

         Il me semble que Mémoire vive arrive à point nommé pour tenter d’établir le bilan d’un épisode non négligeable de l’histoire intellectuelle française. L’ouvrage qui se présente sous la forme d’un entretien (avec François Bousquet) débute par un premier chapitre clairement autobiographique. Si les lecteurs réguliers d’Alain de Benoist y trouveront des éléments plus ou moins intéressants sur sa famille et son enfance, les autres jugeront cette introduction plutôt rébarbative. On retiendra que cet enfant solitaire et discret, issu d’une famille de la moyenne bourgeoisie, a été très tôt atteint d’un désir insatiable de connaissance qui s’apparentait parfois à une boulimie intellectuelle : cinéma, littérature, musique, etc. Passé ce chapitre, commence la véritable autobiographie d’Alain de Benoist tant sa destinée épouse le domaine des idées ; autrement dit, son chemin de vie est d’abord et avant tout un chemin de pensée que l’on peut diviser en trois périodes successives.

Le temps de l’action


         Les entretiens qui ont accompagné la sortie de l’ouvrage ont parfois laissé l’impression que de Benoist relativisait beaucoup son engagement de jeunesse au sein de la droite radicale française ; engagement qu’il limite à 5 années (de 16 à 23 ans), ce qui nous paraît assez discutable dans le sens où les débuts du GRECE s’inscrivent très clairement dans le sillage de la droite radicale.

Heureusement, Mémoire vive n’opère pas une relecture de ce passé quelque peu encombrant et situe sans ambiguïté son auteur dans la galaxie de l’extrême droite. Il serait d’ailleurs difficile de le nier tant les auteurs revendiqués (Maurice Barrès, Alexis Carrel, etc.), les personnalités rencontrées (Pierre Sidos, Dominique Venner, Jean Mabire, etc.) que les groupes investis (Fédération des étudiants nationalistes et Europe-Action) appartiennent au segment le plus radical de la droite. Dès lors, on peut difficilement partager le sentiment de Michel Bousquet lorsqu’il s’interroge sur le concours de circonstances qui a fait d’Alain de Benoist quelqu’un de droite, soit « la rencontre d’un vieil homme [Henry Coston] qui cherchait un peu d’aide et d’un jeune homme qui cherchait à écrire » (p. 62). Quand on connaît le passé antisémite du vieil homme, acharné à bien des égards, on aurait aimé en savoir un peu plus sur cette rencontre et surtout sur l’influence qu’elle a pu avoir sur un jeune homme de 16 ans.

En tout état de cause, de Benoist ne fait pas mystère de son passé de militant nationaliste révolutionnaire qui, dans le contexte des années 1960, lorgne du côté de l’OAS et de l’activisme armé. Il en retient la vigueur de l’idéal et la rigueur de la discipline tout en regrettant les idées « assez courtes », dont le racisme qui fut la « grande erreur d’Europe-Action » (p. 78). Avec celui qui apparaît comme l’un de ses plus proches compagnons d’armes, François d’Orcival (futur directeur de Valeurs actuelles !), il coordonne plusieurs feuilles de liaison, rédige ses premiers articles et entame une série de voyages en France et à l’étranger qui en font, déjà, un intellectuel organique. Les rencontres, dont celle déterminante de Louis Rougier, finissent de le persuader de la nécessité du combat intellectuel. En 1966, il tourne définitivement le dos à l’action politique et à l’extrême droite dont les contours idéologiques lui semblent bien friables au regard du monde qui vient. Commence alors, à l’âge de 23 ans, une nouvelle vie qui, tout en plongeant ses racines dans l’ancienne, tente de frayer de nouveaux chemins.  


 (à suivre)


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