lundi 23 juillet 2012

Seuls au monde (2)


          

           C’est en quelque sorte, et pour finir, la même fraîcheur qui est véhiculée par cet OVNI cinématographique que constitue The Quiet Earth, au casting néo-zélandais et relativement inconnu. Cette fois, à l’issue d’un événement dont on ne comprend que plus tard les tenants et les aboutissants et dont on ne révélera rien pour ceux qui souhaitent le regarder, le protagoniste principal se réveille un matin dans sa chambre d’hôtel complétement nu et complétement seul. Après avoir repris ses esprits et ses vêtements, notre héros explore l’hôtel où il se trouve, arpente les environs sans parvenir à trouver âme qui vive. Son errance dans un monde désert va dès lors se poursuivre durant des jours, puis des semaines sans que se révèle le moindre indice qui puisse l’éclairer sur la catastrophe qui l’a laissé véritablement seul au monde. Se résignant à son sort, Zac Hobson, le héros de The Quiet earth, interprété par Bruno Lawrence,  traverse une phase d’euphorie délirante et mégalomane, s’enivre dans des hôtels de luxe, joue les Gabriele D’annunzio du haut du balcon de sa suite, en robe de chambre, face à un parterre d’effigies en carton figurant une foule fanatique et dévalise les épiceries des environs. On retrouve ici la jouissance consumériste et le désespoir nihiliste qui s’emparait également du personnage interprété par Charlton Heston dans Omega Man. Zac Hobson, à la fois désespéré et de plus en plus détaché de son propre sort tente de combler par les caprices les plus saugrenus le vide qui s’est emparé de ce monde devenu un terrain trop vaste et trop solitaire.
            Il semble cependant que le genre post-apocalyptique ne tolère la solitude que dans un temps limité[1], et The Quiet earth ne fait pas exception à la règle. Au cours de ses errances sans but, Zac finit par rencontrer Joanne, une survivante comme lui, avec laquelle va s’ébaucher une relation amoureuse, puis Api, un Maori de prime abord assez inquiétant, qui tend une embuscade à notre héros et le force sous la menace d’une arme à le conduire auprès de Joanne dont il apprend l’existence grâce à un talkie-walkie grésillant au moment inopportun. Toute l’originalité de The Quiet earth se déploie à partir de cette rencontre. De la même manière que On the beach, ce à quoi l’on pouvait s’attendre ne se produit par forcément et, contre toute attente, la rencontre entre Zac, Api et Joanne, au milieu d’un parc ne donne pas lieu à une explosion de violence mais à une scène de fraternisation entre les trois rescapés. Le film donne dès lors lieu à une nouvelle variation sur le thème de la reconstruction des relations affectives dans un contexte post-apocalyptique et une situation de triangle amoureux que les personnages tentent d’affronter au mieux, de la même manière que dans The world, the flesh and the devil (1959) avec Harry Belafonte. Tout comme dans ce classique de la science-fiction des années 50, dont The Quiet earth constitue un remake assez psychédélique, le trio devra apprendre à vivre avec les nouvelles normes imposées par un changement de situation radicale.



            Au-delà des représentations à grand spectacle ou des scénarios post-apocalyptiques figurant un basculement dans la barbarie à grande échelle, ces quelques productions plus ou moins atypiques, délaissant l’évocation du cataclysme, laissent une plus large place à une représentation plus intimiste de la fin des temps. Dans les quelques films évoqués ici, les différents personnages ressentent avec plus d’intensité la fragilité de leur existence, alors que leur statut de survivants les condamne soudain à l’isolement réservé aux dieux, car seuls les bêtes et les dieux peuvent vivre en dehors de la cité des hommes.
  


Note : les photographies utilisées pour illustrer cet article proviennent toutes de l’excellent site http://www.abandoned-places.com/index.htm dont nous recommandons vivement la visite à nos lecteurs.


[1] Il faudrait cependant ici citer quelques fantastiques épisodes de la série Twilight Zone, notamment Solitude et Time enough at last qui figurent avec cruauté l’expérience d’une solitude complète dans un monde complétement abandonné. On pense aussi à la nouvelle The silent towns, dans les chroniques martiennes de Ray Bradbury. 

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