mardi 17 juillet 2012

Parades amoureuses

 
         La première réalisation d’Alessandro Comodin, L’été de Giacomo (sur les écrans depuis une quinzaine de jours), est un film documentaire consacré à un sourd, récemment opéré, qui retrouve le bruit de vivre. Cela n’est qu’un prétexte à une longue déambulation entre deux adolescents qui se donnent au soleil écrasant de l’été, le plus souvent près d’un bout de plage perdu au fond d’un bois touffu. Le bruit des insectes, des pas qui craquèlent dans le chemin boisé, des peaux qui s’effleurent, cela pourrait faire jaillir une poésie brute comme une musique concrète. Pourtant, le film est plus âpre, comme un documentaire, comme la réalité : les moustiques grésillent de toutes parts, une branche morte sort de l’eau, le sable est vaseux, etc.

          Ce cadre est tout simplement réel, sans mise en abîme formelle, et accueille le véritable sujet du film : les vacances de deux adolescents qui partagent des moments, ni beaux ni laids, à travers lesquels montent doucement, presque subrepticement, la petite vague désirante, que l'on n'ose pas appeler amour. Une étrange mélancolie étreint le spectateur qui se rappelle de ces moments fugaces où l'on ne sait trop que faire de cette pulsion embarrassante. Le garçon est volontiers cru dans son expression, et masque son désir dans une bravade qui tourne souvent à la brusquerie. La fille est beaucoup plus silencieuse, à la fois distante et proche, et goûte ce plaisir nouveau au fil des situations. Elle est instinctive quand, lui, se réfugie dans les mots. 
 
Ce petit jeu du chat et de la souris, tout empreint de maladresses, se poursuit dans diverses saynètes : au bord de l’eau, autour d’une batterie, au milieu d’un bal populaire ou dans une fête foraine. Il n’y a pas d’amour entre ces jeunes gens, mais la chair qui palpite, les mots qui trébuchent, les regards qui se croisent. Le romantisme n’appartient pas au monde de l’adolescence, sauf dans les mauvaises représentations. Le désir est brut, jusqu’à ce moment où il est prêt à s’exprimer, parce que la situation l’impose. La jeune fille sort de l’eau avec du sable dans les yeux, le jeune garçon la regarde tendrement : tout en elle attend le baiser quand lui ne sait trop comment s’y prendre (scène ci-dessous). Quelques phrases, et il est déjà trop tard. Le désir s’est enfui, et le destin poursuit sa marche, et la mélancolie vient.





Mais ce moment, ils l’ont partagé, comme un secret. Personne ne sait d’où il vient, ni comment le reproduire. L’amour était là, dans son matériau brut. Et lorsqu’ils reviennent de leur échappée, ils goûtent l’ivresse de la nature en mouvement. Ils sont heureux, ils ont été amoureux sans même le savoir.

Étrangement, et très justement, le dernier quart d’heure du film montre l’amour que le jeune garçon partage avec une autre jeune fille, un peu sourde comme lui. Le sentiment est comme sorti de sa taverne – après l’initiation ? – et il tisse sa toile entre les deux cœurs. La jeune fille raconte comment, le désir montant, elle a entraîné ce jeune homme dans l’union des corps. Et le regrette presque, malgré son inéluctabilité. L’innocence s’est enfuie pour laisser la place à la mélancolie du souvenir. Après, ce n’est plus jamais pareil. Bataille ne disait-il pas que l’union est comme une déchirure, une blessure qui ne se referme jamais. 








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