Le
règne du principe de précaution n'a que trop duré, il est temps qu'au Panthéon
de nos pathologies occidentales, notre divinité tutélaire, reine incontestée de
l'Olympe progressiste reprenne sa place : l'émotion. Pendant deux mois de
confinement, indigénistes et communautaristes de toute obédience ont rongé leur
frein, condamné au silence et à l'enfermement. La mort de Georges Floyd aux
Etats-Unis leur a donné l’occasion d'opérer un come back qui ressemble à
un coup de force. Georges Floyd est devenu l'icône du combat antiraciste
mondial. Son assassin, Derek Chauvin, avec son patronyme qui fleure bon la
Louisiane et l'hétéropatriarcat blanc et patriotard, est devenu le symbole de
la discrimination et de la haine. Approchez-vous, citoyens et citoyennes du monde,
les guichets de l’engagement pour tous et de la conscientisation globale
viennent de rouvrir ! Le monde enfin reconnecté peut célébrer à nouveau le
culte du Bien et conjurer tous les cauchemars épidémiques en organisant la
grande messe de la bonne conscience !
Les
réseaux sociaux, déjà omniprésents pendant l'épidémie de coronavirus, se
sont remis à fabriquer du rêve pour tous les justice warriors qui,
derrière leur clavier, n'attendaient qu'un signe pour réendosser leur défroque
de croisés numériques. Ils se sont précipités sur l'affaire Adamé Traoré pour
clamer qu'en France aussi nous avons une police fasciste et raciste qui fait
constamment peser sur la tête de tous ceux qui n'ont pas la chance d'être nés
blancs la menace d'une exécution sommaire lors d'une arrestation. Car il est
bien entendu que nos banlieues ne le cèdent en rien au ghetto américain et que la
police française n'a rien à envier à son esclavagiste cousine
d’outre-Atlantique (gérée par les différentes municipalités américaines de façon
parfaitement indépendante et composée à 30% de policiers noirs, on peut le
rappeler au passage). Et, en France aussi, nous avons nos ghettos qui
proviennent d’un esclavagisme encore plus terrible : le colonialisme.
C’est toute l’histoire française qui est au banc des accusés ! Et les
flics d’aujourd’hui ne sont rien d’autres que des néo-colonialistes partis à la
reconquête des territoires perdus de la République.
Puisqu'Omar
Sy,Virginie Despentes ou Ladjy Li (très médiatique soutien de la famille Traoré
dont les caricaturaux Misérables ont remporté l'an dernier le César du
Meilleur film et qui a lui même été condamné pour enlèvement avec violence et
séquestration) nous expliquent que la France et les Etats-Unis c'est pareil, on
peut s'amuser à comparer le traitement politique de l'affaire Floyd et de
l'affaire Traoré-le-retour dans la patrie de l'Oncle Sam et celle de Voltaire.
Aux Etats-Unis, Derek Chauvin a été inculpé de meurtre et il a beaucoup plus de
chance de rester en tôle au cours des vingt prochaines années qu’Omar Sy de
devenir gouverneur de Californie. La ville de Minneapolis a décidé de son côté
de tout simplement faire table rase et de démanteler ses services de police. Au
niveau fédéral, Donald Trump a manifesté publiquement son soutien aux services
de police aux Etats-Unis, a mobilisé la Garde Nationale pour faire face aux
émeutes qui se sont accompagnées d'une flambée de violence interethnique et de
la destruction de six synagogues. Il a fait arrêter les principaux meneurs et a
décrété le retour à l'ordre comme tout président est censé le faire quand le
combat antiraciste prend des allures de guerre civile. Trump n'est pas
intervenu dans la gestion de l'affaire par l'Etat du Minnesota, la ville de
Minneapolis et le pouvoir judiciaire. En dépit de ses élucubrations sur Twitter
dont les médias français sont si avides, il est resté constitutionnellement
dans son rôle.
En
France, les gendarmes qui ont arrêté Adama Traoré ont fait l'objet d'une
enquête de l'IGPN il y a quatre ans, accompagné de trois expertises médicales
pour faire la lumière sur le décès intervenu largement après l'arrestation.
Mais l'affaire Traoré occupant soudain à nouveau tout l'espace médiatique, le
président Emmanuel Macron s'est empressé de battre sa coulpe d’infâme président
raciste d’un pays raciste et a demandé immédiatement à la Garde des Sceaux
Nicole Belloubet de recevoir la famille Traoré. Le ministre de l'Intérieur,
Christophe Castaner, sans doute l'un des plus beaux cadeaux que la Macronie
reconnaissante ait fait à la République, a quant à lui déclaré qu'à partir de
maintenant, les policiers français seraient condamnés au moindre soupçon de
racisme. Quand on on combat la bête immonde, il n'y a pas plus de place pour la
séparation des pouvoirs que pour la présomption d'innocence.
Dernière
mesure annoncée : l'interdiction de la pratique de l'étranglement pour
maîtriser un prévenu récalcitrant et adepte des salles de musculation. Pour
prévenir les tragédies futures, les policiers seront désormais invités à
utiliser un taser, pistolet électrique qui présente, c’est évident, beaucoup
moins de risques. Gageons qu'au premier arrêt cardiaque consécutif à
l'utilisation d'un taser, les services du Ministère de l'Interieur
préconiseront le remplacement du taser par le 44 Magnum, qui présente moins de
risque de provoquer des accidents cardiaques que la prise de cou et le pistolet
électrique. Christophe Castaner propose même de mettre un genou en terre pour
manifester sa solidarité à l’égard de ses frères américains opprimés par un
pouvoir fasciste. Tendre Castaner ! Les Gilets Jaunes ne l’avaient pas
connu si sensible.
Oubliés
les temps si durs de l’état d’urgence sanitaire ! Le cœur chaviré par
l’amour et le genou assoupli par la compassion, le jadis inflexible premier
flic de France promet que les manifestants qui enfreignent l’interdiction de
regroupement de plus de dix personnes ne seront pas punis, voire, peut-être,
encouragés, car le ministre, pour justifier cette soudaine mansuétude a eu ce
mot génial : « Dans certaines circonstances, l’émotion doit prendre
le pas sur la Loi. » On est ébloui
par une telle sagesse. Nous nous étions trompés pendant tant de siècles en
croyant que la loi devait justement à servir de garde-fou à l’émotion,
en fait c’était tout le contraire ! Finalement, avec ce genre de
raisonnement, Christophe Castaner pourrait même en venir à admettre qu’il n’y a
pas de raison de s’opposer à un lynchage ou un bon pogrom puisqu’après tout la
loi doit savoir s’effacer devant l’émotion. C’est vrai que la loi, c’est
ennuyeux, c'est contraignant. Plus qu’à se débarrasser au plus vite de ses
ennuyeux quolifichets civilisationnels et à les remplacer par Twitter et la loi
du Talion. Le smartphone dans une main et le fusil à pompe dans l’autre, on
pourra enfin vraiment se lâcher ! Ô émotion, déesse vénérée, que ton règne
n’ait pas de fin !
La
pitoyable pantomime à laquelle se sont livrés les Macron, Castaner et Belloubet
témoigne qu'une étape importante a été franchie sur le chemin de
l'effondrement. La présidence Hollande nous avait déjà amplement abreuvés de
démagogie larmoyante, d’ailleurs l’une des vedettes de l’ancienne majorité n’a
pu résister à la tentation de s’inviter dans le nouveau raoult du pathos
mondialiste. Christiane Taubira, ex-garde des Sceaux, a déclaré sa flamme à
Assa Traoré, sœur d’Adama. « Vous êtes notre chance, vous êtes une chance
pour la France, nous avons de la chance de vous avoir », a lancé l’Aymé
Césaire guyanaise à l’Angela Davis du Val d’Oise. N’en pouvant plus, la
ministre-poétesse s’est même fendue d’un petit poème à l’attention de la mère
d’Assa et Adama Traoré : « Si je pouvais capturer un bataillon de
vers à soie, je le ferais juste pour recoudre un petit bout de son cœur
brisé. » C’était certainement nécessaire pour rappeler à quel point la
France avait eu de la chance d’avoir Christiane Taubira comme ministre.
Mais
à chaque fois que l’on pense toucher le fond, quelqu’un arrive toujours avec
une pelle. Le socialisme agonisant était descendu bien bas mais la Macronie va
beaucoup plus loin. En 24 heures, face à quelques dizaines de milliers d'idiots
utiles emmenés par une poignée d’illuminés fantasmant leur grand soir à l’heure
américaine, le gouvernement comme son président jupitérien ont démontré leur
absence complète de colonne vertébrale, ne se contentant pas seulement de se
vautrer dans la démagogie la plus crasse mais balayant d’un revers de main les
principes même de l’Etat de droit. Alors que le pays commence à peine à payer
l’addition très salée du confinement, les Macron, Castaner et consorts
piétinent leurs flics et proposent une nouvelle partie de roulette russe au
pays. A l’opposé de cette irresponsable politique de la génuflexion, Donald
Trump aura au moins compris qu’il est de bon aloi de réserver le délire de la
com’ à Twitter et de conserver pour l’action politique un semblant de raison.
C’est toute la différence entre un pouvoir qui se joue de l’émotion et des
dirigeants qui s’y soumettent à la première occasion.
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