Né
sous d’autres latitudes, et hormis ses accoutrements, il serait
identique. Face de haine renfrognée sur elle-même ; tourné
vers ses abîmes qu’il prend pour un mystère, remâchant ses
obsessions jusqu’à leur faire rendre gorge dans le ridicule,
qu’importe le culte auquel il a choisi de donner son obole, Juif,
Chrétien, Musulman sont les masques différents d’une attitude
semblable, et c’est un drôle de constat que de les voir s’insulter
les uns les autres, quand nus ils sont, en vérité, les frères d’un
ordre qui n’existait probablement pas lors de ces temps passés
qu’ils vénèrent et qu’ils observent sans les comprendre à la
lumière de leur fantasme.
Fruit
contemporain d’une époque qui hait l’altérité, il pousse le
subjectivisme à son dernier degré d’intensité, se convainquant
ainsi qu’il n’en est plus l’esclave lors qu’il n’a fait que
détruire tout ce qui aurait pu le contrecarrer. C’est pourquoi il
sort peu hors de ses rangs, et voit dans le monde une menace de ce
ciel vengeur qu’il désire seulement sien. L’idée fixe lui tient
lieu de pensée et c’est souvent les mêmes obsessions qu’il
crache perpétuellement. Le sexe prend bonne part parmi ses lubies,
et quoique le condamnant, il en parle sans cesse. De tempérament
principalement hystérique, il rappelle ces caricatures de vieilles
filles acariâtres qui, pucelles après l’âge, et bien qu’ayant
renoncé à la chair subissent toujours ses assauts. Éternel
adolescent, il ignore la mesure, la tempérance, et rêve d’éternité
lors qu’il s’ébat toujours à l’intérieur d’une puberté
douloureuse. Jumeau déshérité d’un temps qui ne se soucie que de
jouissance, il a pris pour lui la frustration, laquelle l’effrayait
sans doute moins que le désir putréfié dans l’extase qui règne
partout aujourd’hui. Cependant, il demeure étranger à tout refus
aristocratique, et ce n’est pas un choix personnel qui l’a
destiné à prendre place au côté des contempteurs de la décadence
mais plutôt cette économie diabolique qui fait écrire à Kafka :
« Dans la guerre qui t’oppose au monde seconde le monde ».
Allié secret de celui-ci, il œuvre pour sa victoire, car chacun des
anathèmes qu’il lance à son encontre rend le monde un peu plus
fort.
C’est
que son appétit de revanche demeure inextinguible, et que l’envie
le dévore. Aussi jamais il ne se l’avouera de peur d’y sombrer
tout entier peut-être, mais plus sûrement pour en jouir sans
remords et se repaître de ce qu’il condamne sans en subir les
tristes conséquences. Jouir autrement, à l’insu de tous et de
soi-même, c’est jouir quand même. Et il est certaines
frustrations qui surpassent en obscénité la pire des bacchanales ;
des jouissances supérieures, que la frustration rend plus lubriques
encore, et que sont bien incapables de nous prodiguer les meilleures
des caresses.
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