dimanche 23 mars 2014

Les élections c'était mieux avant.

      A l'occasion du premier tour des élections municipales, faisons un tour d’horizon de ces candidats courageux, ou tout simplement inconscients, qui osent se présenter dans une circonscription où ils n’ont aucune chance de gagner. Condamnés à l’échec, ces chevaliers de la cause perdue ont souvent un profil très atypique, par rapport aux ténors du  parti qui ne sont pas là seulement pour faire de la figuration. Eux, les outsiders, les candidats de l’impossible, sont là parce qu’il fallait bien mettre quelqu’un. A Paris, dans la foule des candidatures aux vingt mairies d’arrondissement, un nom se détache, par la grâce de ses consonances à la fois élégamment désuètes et exotiques : celui d’Atanase Périfan, qui se présente sous la bannière de l’UMP dans le XXe arrondissement, joyau populo-branché du Paris bobo, autant dire dans une circonscription dont il pourrait se faire éjecter dès le premier tour.



            Même si cela peut sembler à peine croyable, il y a des électeurs de droite dans l’est parisien et même dans le XXe arrondissement. Ils se cachent évidemment, ne serait-ce que pour éviter d’être lynchés à coups de coloquintes par des antifas un peu échauffés à la sortie d’un brunch solidaire, mais ils sont bien là et souffrent sans doute, parce qu’ils donnent leur voix au parti des nantis, de ne pas pouvoir passer pour des gens cool et pas prise de tête. Heureusement, NKM est arrivée afin de dépoussiérer un peu la figure tristement austère du type de droite chiant. Avec ses petites vestes de cuir, son style urbain, ses petits tops et son élégance pré-raphaélite quand elle partage une cigarette avec des clochards et l’air concernée, NKM est en train de prouver que l’UMP peut être jeune, fashion et même un peu hipster. D’ailleurs en ce moment quoi de plus hipster que de soutenir l’UMP ? Et l’arme secrète pour réconcilier la réaction, les avocats fiscalistes et les étudiants en cinéma altermondialistes dans le XXe arrondissement se nomme Atanase Périfan.
            Ces six syllabes font résonner les accords charmants d’une bohème passée et c’est comme un parfum de Belle Epoque qui flotte soudain dans l’est parisien. Atanase Perifan. Ce nom splendide qui semble ressusciter la gloire du Paris 1900 pourrait devenir le symbole d’une réconciliation nationale. D’origine macédonienne, Atanase Périfan fut le créateur de la fête des voisins et également un opposant farouche au mariage pour tous, tandis que son patronyme ressuscite la gloire immortelle du grand patriarche Saint Athanase d’Alexandrie, ou d’Athanase, patriarche d’Antioche. Autant de références, à priori contradictoires, qui pourraient rassembler les ennemis d’hier et effacer des clivages dépassés sur la base d’un programme à la fois humaniste et localiste, alliant tradition et modernité,  ressuscitant la grandeur passée du vieux Paris tout en favorisant l’expression de toutes les cultures et de la diversité.

       Que de mesures on pourrait imaginer dans ce beau programme ! On cultiverait du Quinoa et du mil dans des jardins à la Le Nôtre installés dans le parc de Belleville, on vendrait des carrés Hermès sur les marchés alternatifs et on remplacerait les Vélib’ par d’authentiques vélocipèdes. Il conviendrait par ailleurs de faire respecter dans les rues du XXe arrondissement certains codes vestimentaires qui rendraient justice au bon goût tout en instaurant une nouvelle forme de dandysme créatif. On imposerait aux passants, ainsi qu’à tous les représentants de la gente canine, le port du haut de forme et de la redingote tandis que l’on inviterait les chats (on n’impose rien aux chats qui sont intraitables sur la question de leur indépendance) à se remettre à porter des culottes bouffantes, le chapeau à plume et l’épée au côté. Les hommes de tous âges auraient l’obligation de porter la moustache en hommage à Georges Clémenceau et Mustapha Kemal, ainsi que le monocle, à la mémoire d’Eric Von Stroheim. On suggérerait pour les nourrissons et jusqu’à l’adolescence le port de la fausse moustache. Les femmes s’habilleraient comme elles le veulent (car elles tolèrent elles aussi difficilement la contrainte) néanmoins on préciserait bien que le port du legging de couleur vive, zébré, panthère ou à imprimé camouflage, est strictement prohibé sur l’ensemble du territoire du royaume d’Atanasie (car dès la victoire aux élections municipales on transformerait l’arrondissement en un royaume autogéré). La célèbre Brigade du Goût, qui a déjà amplement démontré ses mérites, se chargerait de faire respecter au quotidien ce nouvel arbitrage des élégances.



       En ce qui concerne l’environnement et la circulation, sujet d’actualité ces derniers jours, nous en reviendrions tout simplement à la calèche et à son charme inimitable. Et puisque la mode était dernièrement à la circulation alternée, on pourrait imaginer de laisser trotter dans les rues les chevaux des calèches à pompons rouge les jours pairs, bleus les jours impairs et blanc le dimanche, ce qui serait du plus bel effet.  Quant au périphérique si proche et si polluant, Nathalie Kociuzco-Morizet ayant suggéré il y a quelques temps de le couvrir, on pourrait même imaginer pouvoir le coiffer d’une voûte de verre et de métal d’allure victorienne sous laquelle, en lieu et place des véhicules, on ferait circuler des éléphants portant brocard et grelots dorés, qui transporteraient les voyageurs d’une porte à l’autre. On appellerait ce nouveau périphérique à Olifants le Périphan et l’inventeur de ce système révolutionnaire et complètement écologique serait à jamais loué.
Il faudrait aussi absolument envisager une solution définitive pour la réintégration des jeunes en perdition, malmenés par la société. Pour éviter que la drogue ne les amène pour toujours à gâcher leur potentiel créatif et pour garantir le retour de la sécurité et de la propreté dans nos rues, on pourrait imaginer de confier aux délinquants juvéniles et aux enfants turbulents de petites carrioles tirées par des poneys qui arpenteraient les rues et serviraient à collecter les déchets laissés sur la voie publique par les indélicats (boutons de manchette usagés, monocles cassés, fausses moustaches décollées, chapeau haut de forme perdus, restes de qinoa, carrés Hermès solidaires et miettes de macarons). Ils les entasseraient dans de jolis sacs en flanelle que l’on irait, le soir venu, jeter aux pauvres de l’arrondissement voisin. En ce qui concerne les pauvres d’ailleurs, il est temps, de remplacer les uniformes criards du Samu Social par une parure un peu plus élégante. Il conviendra donc d’imposer aux travailleuses et travailleurs sociaux la petite veste de cuir et le style faussement négligé pour donner naissance à un Samu Mondain qui allierait conscientisation politique et raffinement vestimentaire.




C’est un beau projet que pourrait symboliser Atanase Périfan dans un arrondissement hautement symbolique. A bien y regarder, il n’y a pas tant de différences entre NKM et Anne Hidalgo. Elles se disent toutes les deux en faveur d’un Paris festif et écolo et pour le reste, ce ne sont au fond que des broutilles idéologiques qui les séparent. Sous le haut patronage du maire Périfan (rien que cela c’est déjà magnifique !), le XXe arrondissement pourrait devenir le laboratoire d’une nouvelle politique de la ville qui rassemblerait jeunes créatifs et catho tradi, koolos et réacs, alter et ultra, bohèmes et aristos. Les bobos sont morts, vive les aristo-bohèmes ! Avec les aribos, le changement c’est maintenant et ensemble tout devient possible parce que c’est bo la vie pour les grands et les petits !




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