A l'occasion du premier tour des élections municipales, faisons un tour d’horizon de ces
candidats courageux, ou tout simplement inconscients, qui osent se présenter dans
une circonscription où ils n’ont aucune chance de gagner. Condamnés à l’échec,
ces chevaliers de la cause perdue ont souvent un profil très atypique, par
rapport aux ténors du parti qui ne sont
pas là seulement pour faire de la figuration. Eux, les outsiders, les candidats
de l’impossible, sont là parce qu’il fallait bien mettre quelqu’un. A Paris,
dans la foule des candidatures aux vingt mairies d’arrondissement, un nom se
détache, par la grâce de ses consonances à la fois élégamment désuètes et
exotiques : celui d’Atanase Périfan, qui se présente sous la bannière de
l’UMP dans le XXe arrondissement, joyau populo-branché du Paris bobo, autant
dire dans une circonscription dont il pourrait se faire éjecter dès le premier
tour.
Même si cela peut sembler à peine croyable,
il y a des électeurs de droite dans l’est parisien et même dans le XXe
arrondissement. Ils se cachent évidemment, ne serait-ce que pour éviter d’être
lynchés à coups de coloquintes par des antifas un peu échauffés à la sortie
d’un brunch solidaire, mais ils sont bien là et souffrent sans doute, parce
qu’ils donnent leur voix au parti des nantis, de ne pas pouvoir passer pour des
gens cool et pas prise de tête. Heureusement, NKM est arrivée afin de
dépoussiérer un peu la figure tristement austère du type de droite chiant. Avec
ses petites vestes de cuir, son style urbain, ses petits tops et son élégance
pré-raphaélite quand elle partage une cigarette avec des clochards et l’air
concernée, NKM est en train de prouver que l’UMP peut être jeune, fashion et
même un peu hipster. D’ailleurs en ce moment quoi de plus hipster que de soutenir
l’UMP ? Et l’arme secrète pour réconcilier la réaction, les avocats
fiscalistes et les étudiants en cinéma altermondialistes dans le XXe
arrondissement se nomme Atanase Périfan.
Ces six syllabes font résonner les
accords charmants d’une bohème passée et c’est comme un parfum de Belle Epoque
qui flotte soudain dans l’est parisien. Atanase Perifan. Ce nom splendide qui
semble ressusciter la gloire du Paris 1900 pourrait devenir le symbole d’une
réconciliation nationale. D’origine macédonienne, Atanase Périfan fut le
créateur de la fête des voisins et également un opposant farouche au mariage
pour tous, tandis que son patronyme ressuscite la gloire immortelle du grand
patriarche Saint Athanase d’Alexandrie, ou d’Athanase, patriarche d’Antioche.
Autant de références, à priori contradictoires, qui pourraient rassembler les
ennemis d’hier et effacer des clivages dépassés sur la base d’un programme à la
fois humaniste et localiste, alliant tradition et modernité, ressuscitant la grandeur passée du vieux Paris
tout en favorisant l’expression de toutes les cultures et de la diversité.
Que de
mesures on pourrait imaginer dans ce beau programme ! On cultiverait du Quinoa
et du mil dans des jardins à la Le Nôtre installés dans le parc de Belleville,
on vendrait des carrés Hermès sur les marchés alternatifs et on remplacerait
les Vélib’ par d’authentiques vélocipèdes. Il conviendrait par ailleurs de faire
respecter dans les rues du XXe arrondissement certains codes vestimentaires qui
rendraient justice au bon goût tout en instaurant une nouvelle forme de
dandysme créatif. On imposerait aux passants, ainsi qu’à tous les représentants
de la gente canine, le port du haut de forme et de la redingote tandis que l’on
inviterait les chats (on n’impose rien aux chats qui sont intraitables sur la
question de leur indépendance) à se remettre à porter des culottes bouffantes,
le chapeau à plume et l’épée au côté. Les hommes de tous âges auraient
l’obligation de porter la moustache en hommage à Georges Clémenceau et Mustapha
Kemal, ainsi que le monocle, à la mémoire d’Eric Von Stroheim. On suggérerait
pour les nourrissons et jusqu’à l’adolescence le port de la fausse moustache.
Les femmes s’habilleraient comme elles le veulent (car elles tolèrent elles
aussi difficilement la contrainte) néanmoins on préciserait bien que le port du
legging de couleur vive, zébré, panthère ou à imprimé camouflage, est
strictement prohibé sur l’ensemble du territoire du royaume d’Atanasie (car dès
la victoire aux élections municipales on transformerait l’arrondissement en un
royaume autogéré). La célèbre Brigade du Goût, qui a déjà amplement démontré
ses mérites, se chargerait de faire respecter au quotidien ce nouvel arbitrage
des élégances.
En ce qui
concerne l’environnement et la circulation, sujet d’actualité ces derniers
jours, nous en reviendrions tout simplement à la calèche et à son charme
inimitable. Et puisque la mode était dernièrement à la circulation alternée, on
pourrait imaginer de laisser trotter dans les rues les chevaux des calèches à
pompons rouge les jours pairs, bleus les jours impairs et blanc le dimanche, ce
qui serait du plus bel effet. Quant au
périphérique si proche et si polluant, Nathalie Kociuzco-Morizet ayant suggéré
il y a quelques temps de le couvrir, on pourrait même imaginer pouvoir le
coiffer d’une voûte de verre et de métal d’allure victorienne sous laquelle, en
lieu et place des véhicules, on ferait circuler des éléphants portant brocard
et grelots dorés, qui transporteraient les voyageurs d’une porte à l’autre. On
appellerait ce nouveau périphérique à Olifants le Périphan et l’inventeur de ce
système révolutionnaire et complètement écologique serait à jamais loué.
Il faudrait
aussi absolument envisager une solution définitive pour la réintégration des
jeunes en perdition, malmenés par la société. Pour éviter que la drogue ne les
amène pour toujours à gâcher leur potentiel créatif et pour garantir le retour
de la sécurité et de la propreté dans nos rues, on pourrait imaginer de confier
aux délinquants juvéniles et aux enfants turbulents de petites carrioles tirées
par des poneys qui arpenteraient les rues et serviraient à collecter les
déchets laissés sur la voie publique par les indélicats (boutons de manchette
usagés, monocles cassés, fausses moustaches décollées, chapeau haut de forme
perdus, restes de qinoa, carrés Hermès solidaires et miettes de macarons). Ils
les entasseraient dans de jolis sacs en flanelle que l’on irait, le soir venu,
jeter aux pauvres de l’arrondissement voisin. En ce qui concerne les pauvres
d’ailleurs, il est temps, de remplacer les uniformes criards du Samu Social par
une parure un peu plus élégante. Il conviendra donc d’imposer aux travailleuses
et travailleurs sociaux la petite veste de cuir et le style faussement négligé
pour donner naissance à un Samu Mondain qui allierait conscientisation
politique et raffinement vestimentaire.
C’est un
beau projet que pourrait symboliser Atanase Périfan dans un arrondissement
hautement symbolique. A bien y regarder, il n’y a pas tant de différences entre
NKM et Anne Hidalgo. Elles se disent toutes les deux en faveur d’un Paris
festif et écolo et pour le reste, ce ne sont au fond que des broutilles
idéologiques qui les séparent. Sous le haut patronage du maire Périfan (rien
que cela c’est déjà magnifique !), le XXe arrondissement pourrait devenir
le laboratoire d’une nouvelle politique de la ville qui rassemblerait jeunes
créatifs et catho tradi, koolos et réacs, alter et ultra, bohèmes et aristos.
Les bobos sont morts, vive les aristo-bohèmes ! Avec les aribos, le
changement c’est maintenant et ensemble tout devient possible parce que c’est bo
la vie pour les grands et les petits !
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