Le
festival de Binic est toujours aussi unique. Arrivé le vendredi 1er
août sous les rayons du soleil, on commence par ingurgiter quelques bières (4
euros la pinte de coreff !) à l’une des buvettes situées aux abords des scènes-chapiteaux.
Le ciel se charge déjà des embruns électriques et l’air des vibrations rock’n
roll qui vont nous accompagner pendant trois nuits. Comme l’an passé, les rues
se remplissent d’une petite foule bigarrée où l’on croise des touristes en
goguette, des personnalités locales et, bien sûr, en plus grand nombre, des
silhouettes sombres et tatouées. N’oublions pas que le rock vient des
profondeurs du blues/folk et rejaillit sur l’âme de ceux qui en ont fait une
dévotion, un style de vie.
Une fois encore, il faut rappeler cette spécificité, presqu’une incongruité aujourd’hui : le festival est
entièrement gratuit. Et cela change beaucoup de choses ! Le public n’est
pas parqué dans des espaces clos et peut déambuler en toute liberté : entre
les trois scènes, sur les bords de plages, du côté du port, s’arrêtant ici et
là au gré des buvettes. Il n’est soumis à aucun contrôle tandis que les hommes
de sécurité (tous en civils) sont d’une très grande discrétion. Bref, nous
vivons joyeusement dans une douce anarchie, une TAZ dirait Hakim Bey, où la
seule loi est celle des accords de guitare.
C’est
d’ailleurs sur le plan musical que cette gratuité est la plus remarquable. Pas
vraiment de têtes d’affiche et encore moins de caprices de stars, les artistes
se situent à hauteur de public, prenant visiblement un plaisir fou à venir
signer leurs disques et à trinquer avec les fans une fois les concerts
terminés. Ajoutons que la majorité des groupes jouent deux voire trois fois
dans le week-end et passent donc leur journée dans la ville, comme tout un chacun. Sur ce point, on peut également saluer l’association organisatrice, la
Nef des Fous, qui parvient à boucler le budget grâce à la vente des boissons,
sandwiches et autres t-shirts et disques, sans compter qu’elle fait venir des
groupes, dont le talent est indéniable, qui acceptent de baisser leurs cachets
pour l’occasion.
On
l’aura compris, le rock’n roll n’est pas un spectacle mais un art de
vivre ; il mérite les sacrifices qu’il nous retourne en offrandes. Je le
dis d’autant plus facilement que je ne suis pas un rocker, bien malgré moi,
davantage habitué aux sonorités sombres et répétitives d’autres musiques – il
faut le dire moins vibrantes et vivantes. Enfin, passons aux choses sérieuses,
la programmation : 28 groupes pour 50 concerts ! Là aussi, j’avoue
que je ne connaissais rien mis à part une collaboration de Reverend Beat-Man
avec the Church of Herpes (rockabilly version industrial).
Les
concerts commencent à partir de 15/16 heures au retour de la plage avec, en
règle générale, des choses blues et folk complètement habitées comme le local
de l’étape, Dirty Deep, la charmante Heidi Alexander ou la
planante Lilith Lane. Histoire de s’échauffer avant que le rock
caverneux de Humingbird et Destination lovely, la country
déjantée de Dinosaur Truckers ou diabolique de Bob Wayne entrent
en scène. Si on ne peut pas citer tous les groupes, certains ont quand même mis
une belle pagaille comme les italiens de Go!Zilla ou les cousins de Louisiane, les Chicken Snake.
Pour
notre part, et en toute subjectivité, nous retiendrons trois groupes en
particulier. The UV Race, cet improbable croisement entre Art Brut
et The Fall, qui nous envoie une espèce de rock hooligan avec des
paroles crues et un chanteur obèse. Un festival de mauvais goût qui vous
entraîne dans des déhanchés sans queue ni tête, des pogos à toute allure, le
tout bon enfant et fuck off à la fois.
Viennent
ensuite le Reverend Beat-Man and sister Nicole Izobel Garcia pour une
pure cérémonie de blues trash. Pour les amateurs, le révérend d’origine suisse
est le furieux des Monsters qui rappelle à tous les évangélistes creux
que, lui, en guise de Dieu il s’est coltiné le diable. Accompagné d’une Sœur
toute en gravité qui, en l’espace de deux chansons, nous plonge dans les
ambiances de western spaghetti, sauce mexicaine et influence Sergio Leone. La
cérémonie est diablement efficace avec un Beat-Man rigolard qui a le bon goût
de faire chanter un de ses hymnes brûlants par un enfant de chœur, sans
compter la parodie de mariage. Bref, un grand moment !
Enfin,
le plus inattendu, The Luxurious Faux Furs tout droit venu de New York
pour un rock à la fois sauvage et classieux dans la lignée des Cramps. Une
batteuse minimale aux mimiques improbables et aux traits de Lydia Lunch
accompagne un guitariste longiligne et dandy pour une heure de pur rock’n roll.
A goûter sans modération. Seul petit regret : le groupe n’a été programmé
qu’en fin de journée (17h et 19h) alors que leur musique respirait la nuit,
néons rouges et lunettes noires.
Du
côté des déceptions, on dira juste pour pinailler que les beat box de Cheveu
et de Mister Quintron et Miss Pussycat étaient sûrement très efficaces
mais quand même un peu « bourrines ». Bon, on a quand même dansé et
bu jusqu’au bout des étoiles. Puis, on est tombé, par terre, un sourire au coin
des lèvres.
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