lundi 25 juillet 2016

Ciné-vérité, ciné-liberté



Paris, 1966. Roberto Rossellini, comme à l'accoutumée, se met en chasse d'un visage inconnu susceptible d'incarner le jeune Louis XIV, sorti de la gangue d'enfance, des girons maternel et cardinalice. Il cherche un homme massif pour incarner ce roi dont la ferveur révisionniste longtemps imposa une bien trompeuse image, un acteur petit pour figurer Louis le Grand. Le Roi danseur se devait, sinon de ressembler à Noureev, du moins de paraître élégant, majestueux, tautologie l'exige, sous sa lourde perruque et ses rubans. Rossellini ne mange pas de ce pain-là. Le pain des songes, trop peu pour ce bourgeois dilettante, devenu cinéaste l'année 1942 par la voie royale du documentaire de guerre, avant d'établir en 1945, avec Rome ville ouverte, l'acte de naissance du néo-réalisme. Close sa trilogie de guerre, Rossellini a déjà donné au monde trois grands films , ouvert la voie au genre que Vittorio De Sica portera à son acmé avec son délectable autant qu'insupportable – au sens littéral – Voleur de bicyclette. Insupportable, comme m'avaient paru, enfant, tous les films de Charlot. Par l'efficace de Chaplin et de Sica, ni l'abandon des juifs d'Europe par les nations ni l'idée de la déportation de l'adolescente Anne Franck ne m'avaient étonnée et je n'en fus, horresco referens, pas plus blessée que je ne l'avais été par la solitude du vagabond sur la grand'route des hommes, après qu'une jeune aveugle ou un enfant lui ont été arrachés. Il m'avait suffi d'aller au cinéma pour découvrir le dur cœur des hommes, ivres jusqu'à satiété du lait d'indifférence.


Rossellini choisit Jean-Marie Patte, jeune metteur en scène « d'avant-garde », découvert l'année précédente par Jean Gruault, qui fut longtemps le scénariste attitré de Truffaut, travailla avec Godard, Rivette, les autres... Toute une époque achevée avec sa mort en juillet dernier, à l'hôpital Tenon. « Avant-garde » : nom stupide que la critique se plaît à donner à qui prétend à moins d'artifice, plus de justesse que ses prédécesseurs, avant d'admettre l'invalidité de la chose. Ce terme, emprunté au vocabulaire militaire, s'affirme coupure épistémique à opposer aux prétendus « vieux cons » du jour ou aux jeunes talents naissants, rivaux potentiels, tous désignés comme hérésiarques du Progrès. Barthes, en sa sagesse extrême, notait que l'avant-garde avait vocation de devenir toujours l'arrière-garde d'une nouvelle brigade, tout artiste véritable ayant pour vocation de devenir quelque jour, anthume ou posthume, un classique. Il n'existe que deux sortes d'artistes : ceux qui de pratiquer ont nécessité selon la leçon de Rilke à Franz Kappus prétendant au noble titre de jeune poète, et les tocards, qui font profession de l'être pour s'avancer sur la scène du monde sous le déguisement d'anticonformiste, de bohème et d'homme libre. Jean Gruault a découvert le jeune Patte au Théâtre de Poche. Il y donnait Les Quatre, pièce d'un inconnu, Mavromatis :

« Dans une cacophonie de flûte grinçante, la scène plongée dans l'obscurité, on entendait de temps à autre les comédiens suspendus dans le vide échanger des propos dont le sens n'était pas très clair. Forcément dans cette nuit noire...
Comme pour ajouter au désordre systématiquement recherché, les spectateurs qui tâtonnaient vers leurs sièges se trouvaient soudain au milieu de la scène brusquement assaillis par des projecteurs agressifs. Le scandale fut gigantesque. Quand cessaient les hurlements, c'était pour laisser le chant libre aux sifflets...  »

Au théâtre de la Vieille Grille, l'année suivante, le même jeune impatient, un pléonasme, donnait à entendre le sous-texte de Marivaux. Des jeunes filles nues sous leurs imperméables transparents affrontaient de jeunes mâles en bleu de jean...


Rossellini tient son acteur, son personnage. D'abord la ressemblance physique – indice de vérité, part due au documentaire – ne saurait être plus parfaite. Rossellini y tient tellement que pour interpréter Pascal et Socrate, respectivement en 1979 et en 1969, il choisira des non professionnels, faute d'avoir pu mettre la main sur des visages conformes aux portraits qu'il contemple, inlassable, avant de crier moteur. Rossellini ne filme pas de biopic, le geste biographique l'excède. Il sait qu'il n'est de biographie que de la vie improductive et prétend donner à saisir en une heure trente l'âme d'un personnage, le projet d'une vie : ici le lien Louis XIV-Hitler, la résistible ascension de Louis XIV, comme Brecht mit en tableaux La résistible ascension d'Arturo Ui. À un de mes amis résolument antibrechtien pour de vulgaires raisons partisanes, je voudrais rappeler qu'en dépit des méchantes mises en scène qui parfois en découlent, la question de la distanciation à elle seule légitime une vie d'artiste. À quoi bon demeurer enfermé au lieu que l'on ne vive si toute grâce du don consiste à autre chose qu'à découvrir, entretenir et suivre le raccourci offert par l’œuvre entre le savoir et sa cible ? Le professeur peine, ennuie, qui place l'échec au centre de sa pédagogie. « Une vie entière ne suffira pas à embrasser l'objet d'étude », prend-il soin d'affirmer au limen de son cours quand l'oeuvre, à l'instar de l'amour, permet, en un très bref espace de temps, une connaissance partielle et totale. En restreignant son sujet, l'instant de la prise de pouvoir, l'instant où Louis devient tyran, met la France sous scellées et hypothèque son avenir, Rossellini parvient, sinon à anéantir la doxa du Grand Siècle, les sottises de Voltaire et tous les mensonges des hagiographes du Grand Roi, du moins à l'ébranler durablement. Surtout, il réussit à mettre en joie la lectrice du Port-Royal de Sainte-Beuve et de Montherlant ; celle de la Marquise de Sévigné, de Saint-Simon, de La Fontaine, de l'admirable Fouquet de Morand, de la Bible, traduite par Monsieur de Sacy, de Racine ajustant le légendaire biblique aux vœux de Madame de Maintenon et donnant à représenter la jeune Esther et la vieille Athalie aux demoiselles de Saint Cyr. Bref, la claviste, dévote janséniste d'esprit et ennemie de longue date déclarée de ce méchant monarque, représenté pour la première fois peut-être par Rossellini en totale conformité avec la vérité des textes et des documents du temps, jubile ! Ce prodige, Rossellini l'atteint par la seule efficace de la distanciation. Il convient de demeurer froid pour prouver sa raison, d'accumuler minutieusement les preuves de ce que l'on avance.

Avec Patte, Rossellini tient son interprète. Il n'existait pas sur la place de Paris et de Navarre de meilleur courtier que ce metteur en scène tyrannique, tout en un auteur-chorégraphe et dramaturge de la race commune en sa jeunesse de ceux qui prétendent faire entendre le texte, comme il a été composé, non pour plaire mais pour instruire, non pour charmer mais pour élever, non pour établir un état des lieux mais pour contribuer sinon au changement du monde du moins à sa critique. Dénuder les corps en parlant le marivaux permettrait, selon lui, d'arracher leur masque aux mots et d'en dire le sens obtus. Le discours amoureux est discours de conquête et jeu de l'amour toujours, jeu de guerre, contre lequel les soldats n'ont que les mots comme unique armure, comme seule tactique la rhétorique, et usent du mensonge, de l'omission, des points de suspension, des rires, des soupirs, des pleurs et du langage des corps comme les guerriers appliqués, de stratégie.


Les grincheux trouveront à redire, estimeront, c'est là leur fonction, que c'est un peu surjouer l'évidence et le genre que de faire redonder l'admirable discours. Ils estimeront criminel de n'accorder pas confiance à si parfait langage, iront même jusqu'à trouver le procédé grossier, parleront d'arrivisme. Il en va hélas du trop honnête serviteur du théâtre comme du « parfait dissimulateur » selon Tesauro  : « On en entendit jamais parler. » Patte donc, sous ses allures de bon vivant jovial, est un maître de guerre, un directeur d'acteurs fascinant. Rossellini offre au jeune ambitieux timide l'occasion de rendre vie au dernier et jusques à aujourd'hui unique maître absolu que la France ait subi. Sous ce titre éloquent, La Prise du pouvoir par Louis XIV, scénario de Philippe Erlanger, diplomate, historien et hagiographe du Grand Siècle, Rossellini s'apprête à dénuder l'implacable mécanique, les conditions de possibilité d'un mensonge si déconcertant qu'en dépit des témoignages des plus vertueuses et plus admirables plumes du Siècle la France n'est pas revenue, trop heureuse de demeurer pour l'éternité, à sa grandeur ancienne attachée comme un bernard l'hermite à sa coquille. Du sujet du Grand Siècle comme sujet aliéné. Messieurs, le Roi ! Le voici, conforme au modèle, sanguin, mal dégrossi, mais aussi envoûtant, un mage qui d'un mot, « le Roi le veut », transforme la nature des choses, dérange l'ordre du monde. Son Louis XIV tiendra plus du garçon boucher que de l'archange du mal – Caligula interprété par Gérard Philipe ! Voix atone, bravant de son dur regard la masse courtisane, il va, seul maître à bord, ordonnant et décidant comme metteur en scène en son « Jardin ».


Patte, sous ses allures de garçon de ferme, fut une sorte de gourou, qui de 1961 à aujourd'hui régna sur la scène d'avant-garde, adulé unanimement par ses confrères, la critique et ses acteurs. À en croire ses thuriféraires, il aurait été le seul à servir le théâtre avec un tel désintéressement et une telle honnêteté ! L'habile parle peu et se livre encore moins. Hermétique, il se plaît à plonger ses acteurs dans le noir pour laisser advenir l'expérience du verbe. Aux vives lumières du music-hall, Patte préférera toujours l'éclat des cierges et aux fards des comédiennes la myrrhe et l'encens du Grand Prêtre. Du plateau comme demeure de l'être, Patte s'inscrit dans le vaste courant post-heideggerien qui, admirable revanche, a secoué la France de l'après-guerre, des sommets de l'Université aux ruelles des revues d'avant-garde. Cérémonies secrètes. Ses spectacles tiendront de l'expérience. Il convient de dé-théâtraliser le théâtre pour le rendre à son origine, religieuse, il va sans dire. Participant à ces offices ou messes du langage, chacun se voit convié à frissonner, comme s'il assistait à une descente de croix, une mise au tombeau, à moins qu'il ne fût invité à une prise de voile. Rien ne manque à la communion. Dame Psychanalyse participe aussi du sacré banquet même si les jeunes filles nues sous leurs voiles de plastique ont cédé la place à la galerie de ses propres ancêtres pour dire l'histoire d'Oedipe. Vieille lune que cette union du théâtre et de la religion. L'avant-garde parie, éternel recommencement, sur l'amnésie pour imposer sa marque et prétend à chaque génération s'opposer à Qohelet, établir quelque chose de nouveau sous le soleil. Sa compagnie porta le doux nom de « Jardin », qui sans doute fait signe au paradis perdu, au jardin d'Épicure, à l'Arcadie heureuse : aux happy few. Le théâtre, longtemps condamné également par juifs et chrétiens, appartient de plein droit et de toute éternité au monde de la chute et pas qu'un peu...


La Prise du pouvoir par Louis XIV ne serait pas ce film singulier, unique à la vérité, sans sa forte et inquiétante présence. De l'éclat de ses yeux bleus délavés, de sa ferme douceur, de l'apathie de son visage et de la molle dureté de sa diction atone, Jean-Marie Patte brûle la pellicule comme d'autres, les planches. Nul ne saurait oublier sa formidable prestation et sa contribution essentielle à la réussite de cet ovni télévisuel, reparu en salle au printemps dernier. Vertige de l'oxymore. L'acteur et le personnage déconcertent le spectateur, comme Louis dupa son monde. Enfance d'un chef, aube d'un règne, c'est bien un inconnu qui surgit, pâle fantôme oublié de nos livres d'histoire. Pas le chlorotique  Louis XIII, jouet successif de ses ministres ou le « bon roi Henri » de l'imagerie, père poule au pot, offrant son dos à ses bambins dans un Palais soudain mué en un vaste terrain de jeu, ce fier cavalier, qui par un clair matin d'avril 1652, osa le mot apocryphe qui sauva un pays du chaos, avant d'être lâchement assassiné par un fanatique ; pas davantage le vertueux Louis XI, ses fillettes et sa sagesse politique, mais un modèle inédit, d'Italie venu, une créature livresque et monstrueuse : le premier tyran moderne, pur Golem de Mazarin, fils de Machiavel. Tout en lui se doit de duper l'adversaire, de réduire le vassal. Le moyen de se méfier d'un roitelet, de craindre un corps trop nourri, hormones encore flottantes au crépuscule de l'adolescence ? C'est ce corps que le jeune maître de la dissimulation, Louis Dieudonné, couvrira de rubans et de dentelles, comme pour masquer la mâle volonté, l'angle de la décision et la géométrie du projet. Un des plus beaux moments du film reste celui où Louis paraît, accablé de passementeries, qui lui vont comme tablier à une vache, et se voit sur le champ imité par une cour entière. Terrible monôme de masques et de bergamasques, réduit à une vulgaire affaire de mode, qu'entraîne le royal diktat. Filmée par Rossellini, la futile cohorte se fait parade funèbre d'un pays livré entier à la soumission et bientôt au tombeau. Qui se défierait d'un visage poupin aux contours mal définis, de cette molle bouche, exigeant la surveillance, l'arrestation du Surintendant Fouquet, bientôt son bannissement ? Qui songerait ne plus revoir Fouquet ? Madame de Sévigné, peut-être, à qui le Roi fit rendre, galant homme, les lettres du Surintendant ? Fouquet au secret, s'éloignent, cortège d'ombres, les figures de Watteau, cette foule d'indécis, de jeunes cavaliers ignorant s'ils partent ou arrivent à Cythère, le pastel et la nuance, le mélange des classes sociales même, Monsieur de Condé prêtant la main aux pays de l'Ormée, la Fronde des Princes unis aux Jacques de Guyenne, le baroque et le subtil babil des Précieuses, qui toutes du combat furent des héroïnes. L'époque contemporaine déjà gît, entière en germe, dans cette tyrannie : mercantilisme, société du Spectacle, dictature de la Mode, jusqu'au costume noir-colbert, remplaçant les éphémères fanfreluches de Louis, uniquement destinées à humilier et à déviriliser les petits marquis.


Le Mazare, ennemi juré du cardinal de Retz et des frondeurs, meurt, que Louis avait tenu, vivant, comme son seul ami, l'unique rempart de son trône. Le détesté meurt, léguant sa formidable fortune au jeune Roi qui la refuse, prétendant ne la tenir que de Dieu et de la France. Dès les premiers plans, le ton est donné, la mécanique tragique à l'œuvre, l'hubris aux commandes d'une âme, d'un règne, d'un pays, qui demain se verra dévasté. Âmes soumises, toutes forces à l'avance neutralisées, le mot de liberté, banni de longtemps, peut-être pour jamais du royaume de France. Sous le regard d'un Italien, la France se dénude, servile et se plaisant à l'être, vite domptée et prompte à brader ses vieux attachements. Terrible épreuve que ce spectacle à qui connaît la suite, la guerre perpétuelle en Europe, la famine, les persécutions religieuses, particulièrement le martyre des Solitaires de Port-Royal, la traque des intellectuels d'exception, que furent les Messieurs de Port-Royal, grammairiens, pédagogues, dialecticiens, géomètres et théologiens, « cette république de saints ermites » qui loin de la cour, au Désert, réfléchissaient à La Connaissance de soi-même comme aux Moyens de conserver la paix entre les hommes . Souvent on réduit l'ultime épopée intellectuelle française à une simple lutte contre les Jésuites, mais ce fut bien d'avantage : la mise au pas d'un pays qui n'en reviendrait pas, l'aube non du déclin mais de la tragédie française dont le dernier acte se joua à Vichy-sur-Allier. Avec Louis XIV, s'imposait la foi du charbonnier, celle-là même que notre siècle reproche, non sans quelques raisons à l'islam, et ses habituels dommages collatéraux : le fanatisme, l'injustice et bientôt le crime. Montherlant a immortalisé l'épopée. Nul ne saurait mieux dire. Curieux objet que ce film écrit par un historien que réjouit la reprise en main, filmé par Rossellini et joué par un homme tel que Patte. Par la grâce de son interprétation, ni la profanation à venir du cimetière de Port-Royal et les corps des blanches bénédictines livrés aux chiens errants, ni la révocation de l'édit de Nantes et les dragonnades, suivi du rude Désert cévenol n'étonnent. Il y a du despotisme noir dans cette prise de pouvoir, un impur mélange d'enfant gâté soudain touché par le malheur – prisonnier à douze ans au Palais Royal après que le peuple fut entré dans sa chambre y violer jusques à son sommeil – qui signe la structure tyrannique. C'est là que le malheureux honnête homme du Grand Siècle prend, sous la caméra de Rossellini, des allures d'homo sovieticus sous la plume de Svetlana Alexievitch. Il faut, à l'instar d'Erlanger, croire les frondeurs inconscients des périls et ennemis du Royaume pour préférer le happy-end louis quatorzien à l'alternative de la monarchie parlementaire. À moi dont le cœur a toujours – la faute au génie du cardinal de Retz, à l'intrépidité de la Grande Mademoiselle, à l'audace et au profil d'aigle du Grand Condé – battu pour la Fronde, ses images d'Epinal et ses singulières épochés, celle de l'Ormée bien entendu, le film de Rossellini a causé grande joie. Je crois que sans se tromper, l'honnête homme devra bien quelque jour se résoudre à admettre qu'à lui seul ce règne démentiel contint tous les malheurs futurs de la France et que la nostalgie de la grandeur passée d'une nation souvent convainc les hommes de se soumettre. Soumis au Roi, en souvenir de feu le royaume de France ; à Hitler, en réprimande du honteux traité de Versailles ; à Poutine aujourd'hui, au nom du juste combat contre l'EI.... de tant de soumissions, les peuples sortent avilis pour longtemps, sans doute, âmes abîmées, pour jamais.

En sortant du ciné, distanciation l'y contraint, le spectateur se sent l'envie de marcher sur l'Élysée et de sortir de céans un autre patenôtre, aussi dodu et mauvais enfant que Louis. Arrivé place de la Sorbonne, dégrisé, il se souvient comme Louis XIV avait détruit les archives de la Fronde, et que pourtant de la Fronde, il sait tout ou presque. Ses pas le pressent vers sa bibliothèque, à l'abri des abus du pouvoir, il court relire Les Mémoires du cardinal de Retz, l'anacoluthe chère à Barthes des orangers de Majorque... Foin de la Princesse de Clèves et de la littérature, elle aussi, rudement mise au pas, il relira les trois mille pages d’Honoré d'Urfé et retournera au cinéma voir une nouvelle fois le dernier Rohmer les Amours d'Astrée et de Céladon ; ouvrira Pascal et à n'importe quelle page réchauffera son cœur blessé. Il reverra le Pascal de Rossellini... En un mot, il demandera à l'art le supplément de vérité et d'exactitude que le politique lui arrache chaque jour. Il relira Debord, chantre de la Conjuration de Fiesque, et se plaira à rendre grâce à la laideur du monde d'avoir donné naissance à la chose littéraire, sourira songeant au bon usage de la censure sur l'art d'écrire. Il fermera les yeux, oubliera jusqu'à Jean-Marie Patte, Rossellini, Henri Heine et Léo Strauss , pour ne revoir que le clair visage de la Mère Angélique, magnifié par Philippe de Champaigne, et au Désert se réjouira de résider, loin de la Cour et de la gloire du monde.

 S. V.




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