samedi 22 avril 2017

Paye ta campagne sur Snapchat !




La campagne présidentielle 2017 parvient à des sommets de dadaïsme électoral. A l’issue des primaires présentées comme un modèle d’innovation et de maturité politique, tous les favoris des partis qui se sont engagés dans cette aventure hasardeuse se sont fait dégager comme des malpropres par leurs électeurs ingrats. Après ce rocambolesque épisode, tandis que le PS explosait tranquillement, la campagne a immédiatement été confisquée par les juges du PNF, grâce au zèle du Canard Enchainé. Mis au pain sec et à l’eau dans le cabinet noir de l’Elysée, François Fillon a été sommé de rendre des comptes sur l’emploi de sa famille et sur sa garde-robe, au rythme frénétique des affaires révélées chaque jour par le Monde, Mediapart ou le Canard, avec un empressement méprisant toute notion de rythme scénique. Pour corser encore un peu plus la joute médiatico-politique, voilà que le tribun Mélenchon s’invitait à coups de harangue et de rassemblements populaires dans le quartet des favoris, histoire de brouiller encore un peu plus les cartes et rendre le travail des instituts de sondage encore plus difficile, envoyant au passage le malheureux Benoit Hamon nager dans le petit bain des candidats à moins de 10%. Après les débats à 11, le jeu vidéo de Mélenchon et les diatribes incompréhensibles de Jean Lassalle, on ne voyait guère ce qui pouvait survenir de plus surréaliste dans cette campagne improbable. C’était grandement sous-estimer la puissance des « communicants » et la volonté des candidats de sortir vainqueurs de la course à la modernité politique. Prêts à tout, y compris à faire campagne sur Snapchat.
         Pardon ? Snapquoi ? Snapchat est le nouveau réseau social à la mode sur lequel, en lieu et place de statuts ou de message en 140 caractères, on poste une vidéo de 10 secondes qui reste en ligne pendant 10 secondes au maximum. En gros vous enregistrez en mode selfie un message avec des petits effets rigolos avec votre portable et vous postez vos états d’âmes sur cet équivalent vidéo de Twitter, plébiscité par les ados et post-ados. On peut ajouter à l’extrait quelques filtres amusants, en se parant d’un nez de clown, d’un museau de chien ou d’une couronne de fleurs aux couleurs pimpantes. C’est dispensable, éphémère, plutôt idiot mais tellement jeune que cela ne pouvait que séduire les politiques avides de fidéliser le public des 13-18…pardon, des 18-25 ans. Les principaux candidats se sont donc rués sur l’application pour se prêter à l’exercice de l’interview-Snapchat et répondre de la manière la plus concise et la plus cool  possible aux multiples questions que leur posaient les jeunes adeptes du réseau social. Tous les candidats ? Non. Car dans un petit village de la France Insoumise, l’un d’entre-eux résiste encore et toujours à l’invasion de la techno-coolitude : Jean-Luc Mélenchon qui a refusé tout net de se prêter au jeu. Il faut dire qu’en matière de jeunisme, Jean-Luc, en devenant le héros de son propre jeu vidéo, a déjà ringardisé tous les autres qui n’avaient plus d’autre choix que d’aller tapiner sur Snapchat pour ramasser quelques voix supplémentaires. Can’t stenchon the Mélenchon !
         Imagine-t-on le Général de Gaulle sur Snapchat défiant le quarteron de généraux en retraite avec un museau et des oreilles de chien ? François Fillon, lui, n’a pas hésité, saisissant cette occasion de passer au gaullisme 2.0. 


« Bienvenue dans mon QG de campagne, ravi de répondre à vos questions sur Snapchat ! » Pendant les trois minutes durant lesquelles le candidats des Républicains se prête au jeu des questions-réponses, on apprend que le chouchou des juges et des médias aurait voulu devenir ambassadeur ou ingénieur – « mais comme vous voyez, je n’ai réussi ni l’un ni l’autre », que son filtre Snapchat préféré est celui des petites lunettes rondes et colorées accompagné d’un fond musical funky gangsta, qu’il ne peut rien faire pour baisser le prix des sandwichs grecs et qu’il est en faveur du port de l’uniforme à l’école. Mais quel bad boy ce Fillon ! Il est vrai cependant que le principe des quots migratoires passe beaucoup mieux auprès des jeunes quand on l’explique en vidéo sur internet avec des lunettes roses sur le nez sur un fond de rap bien smooth. Qui sait, peut-être que c’est aussi le filtre Snapchat que le Général aurait préféré lui aussi ? 


         Dans le genre badass, Marine Le Pen déchire tout elle aussi sur Snapchat. Son filtre préféré à elle, c’est le museau de chien avec les oreilles qui pendent sur les côtés qui lui donnent un air choupinou quand elle défend la reconquête de la souveraineté nationale et qu’elle condamne l’islamisme. Mais elle répond néanmoins à une internaute qu’elle connaît cependant bien le monde arabe et qu’elle le respecte. La preuve, elle chante du Dalida en ligne : « J’ai mis de l’or sur mes cheveux et un peu de noir sur mes yeux… » pour séduire les électeurs certainement. 

Difficile de savoir si Marine Le Pen qui chante du Dalida avec des oreilles de chien sur Snapchat, cela séduit les jeunes, mais ce qui est certain c’est qu’elle doit sérieusement revoir ses goûts en matière de décoration d’intérieur ou du moins faire preuve de plus de discrétion en la matière quand elle poste des vidéos sur les réseaux sociaux. Parce qu’il faut bien reconnaître que la fresque offerte par la peintre militante russe Maria Katasonova représentant la patronne du FN encadrée par Vladimir Poutine et Donald Trump et portraiturée dans la meilleure tradition du réalisme socialiste, ça pique franchement les yeux…



         Rien, cependant, ne pourra égaler le détachement et le mojo de Benoit Hamon, auquel on décernera sans hésiter le prix « Jeune et cool 2017 » de la politique française. Benoit sait faire plaisir à ceux qui lui posent les bonnes questions : « Pas besoin de 10 secondes pour vous dire qu’avec moi vous allez percevoir le Revenu Universel d’Existence ! », soit 600 € mininum pour les étudiants qui seront désormais au RUE et plus à la rue. « Et si mon cousin du bled Hamid vient en Erasmus, demande un autre internaute inquiet de connaître le degré d’ouverture du candidat socialiste, il pourra toucher le Revenu Universel aussi ? » Aucun problème répond Benoit Hamon, il faut juste attendre, pour que le cousin Hamid puisse s’inscrire en Erasmus, que l’Union Européenne se soit étendue au-delà de la Méditerranée. En plus d’être un esprit tellement ouvert, Benoit Hamon promet la légalisation du cannabis dès son arrivée au pouvoir, que demander de plus ? Et son filtre Snapchat préféré, c’est la couronne de fleur sur la tête, « parce que je ne suis pas avec les écolos pour rien, alors FLOWER POWER ! » 


         Pas étonnant qu’en étant aussi cool, Hamon fasse tourner les têtes. « Je sais pas si tu fais battre le cœur de la France mais tu fais battre le mien », lui confie une jeune amoureuse transie dans une vidéo en forme de déclaration d’amour. Face à un tel séducteur, Emmanuel « Prince Vaillant » Macron fait pâle figure dans son interview Snapchat avec son filtre déformant tout pourri et son slogan moisi : « Votez pour moi parce que c’est votre projet ! » Bon, il a une maquette de la fusée Ariane dans son bureau, c’est bien mignon mais ça ne suffira pas pour égaler le sex-appeal de Benoit Hamon qui prévient quand même : « Pour prendre un bain avec moi, il faut être sérieusement qualifié ! Ma femme et mes filles. Point barre. » Mélenchon a du juger de son côté qu’Hamon n’était lui-même pas assez qualifié pour partager le même bain avec lui. Dépité le candidat socialiste devra se contenter jusqu’au bout de Yannick Jadot…et peut-être de la star d’internet JérémStar qui propose au socialiste, non pas de prendre un bain avec lui, mais de partager une douche froide. Ce qu’ils peuvent être mauvais ces jeunes quand même… 


         Pendant ce temps, dans la vraie vie de la vraie réalité, un policier a été abattu et deux autres blessés par un enragé islamiste sur les Champs-Elysée dans la soirée de jeudi. La fin de la récré vient à nouveau de sonner tragiquement et la campagne s’achève brutalement en passant sans coup férir de la clownerie au drame tandis que le retour du réel pulvérise à nouveau le miroir aux alouettes de la com’.
         Non, décidément, on n’imaginerait pas le général de Gaulle sur Snapchat. On ne l’imaginerait d’ailleurs pas plus faire campagne en 2017. 





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