dimanche 10 mars 2019

Communiqué : A propos de "l'affaire Boyd Rice".



A l'occasion de notre atelier « Déconstruction(s) etdiététique », consacré aux problématiques non-cisgenre de l'intersectionnalité transversale et à la transgression micellaire, nous avions décidé de questionner la notion de « limite(s) » en donnant carte unicolore1 à l'uns de nos collaborateurs, particulièrement investi par ailleurs dans la lutte contre colonialité, capitalisme, racisme et misogynie dans tous les domaines de l'existant. Ce collaborateur que, pour des raisons légales, nous ne nommerons que E.B., est une figure bien connue de la nuit parisienne, qui débuta de façon modeste sa fulgurante carrière au début des années 80 comme nettoyeur de vitres de peep-show, avant de prendre la direction de la buvette de la Queerweek, lors de la première édition de l'événement en 2009. Il s'est depuis plus largement engagé dans la promotion des événements de cet événement culturel, en tenant en 2018 la billetterie de la soirée Q en non mixité MeufsGouinesTransInter, ou en puisant dans ces (volumineuses) archives personnelles pour fournir de multiples documents vidéo à l'occasion d'une conférence - restée dans les mémoires - sur la représentation des sexualités trans dans le porno et le post-porn (suivie d’une discussion). Nous avions donc toute confiance quand il nous a présenté M. Boyd Rice comme un « artiste californien à la démarche profondément disruptive tout à fait apte à initier une entreprise de conscientisation fondée sur une communication militante pour se positionner de manière forte entre la journée de la femme du 8 mars et le démarrage de la Queerweek le 16 mars. »




Nous ne connaissions pas encore bien le travail de M. Boyd Rice mais, soucieux à Idiocratie d'être constamment en agilité afin de pouvoir briser les silos, nous avons décidé, sur la base du jugement de E.B., de faire confiance à M. Boyd Rice afin de concevoir un happening numérique susceptible d'infuser de la disruption dans le corpus métanormé de notre quotidien et questionner nos représentations. Car rappelons-nous toujours que, pour l'immense Nelson Goodman : « Ces propriétés de disjointure et différenciation doivent également se retrouver sur le plan sémantique pour les classes de concordance qui doivent donc elles aussi être disjointes, sans aucune intersection (condition de la « disjointure sémantique ») et posséder des sens différenciables les uns par rapport aux autres, condition de la différenciation sémantique. »2 Ce sont ces principes que nous entendons toujours garder à l'esprit et qui guident notre action. L'enthousiasme de E.B., qui nous répétait sans cesse : « On va les casser vos silos, vous allez voir ! », a fait le reste et nous nous sommes laissés convaincre de centrer notre participation à la journée de la femme autour de l'oeuvre de M. Boyd Rice, en espérant qu'Idiocratie pourrait ainsi s'imposer comme force de pro-position contre toute forme de réductionnisme cognitif et obtenir – pourquoi pas – notre stand à la Queer week où E.B. a, prétendait-il, « ses entrées ».3 Nous avons eu tort. 


Le silence entourant notre initiative, sur les réseaux sociaux et dans les cercles parisiens, en dit long sur la polémique qui enfle. Il faut savoir prendre ses responsabilités et nous sommes prêts, à Idiocratie, à reconnaître que notre initiative, fondée sur les meilleurs intentions, a raté son objectif. E.B., que nous avons sans succès tenté de recontacter depuis afin d'obtenir des explications, reste injoignable, ne manifestant visiblement et également aucune intention de rembourser les 1500€ que nous avions accepté de lui prêter pour régler, selon ses propres dires, « des frais de dossiers, des conneries ». Quant à M. Boyd Rice, nous avons tenté à de multiples reprises de le contacter afin d'obtenir des explications de sa part, quant à la vidéo tout à fait choquante qu'il nous a fait parvenir et que nous avons publié sur la recommandation de E.B., il nous a fait parvenir, après de multiples relances, la réponse suivante : « Do you want total war ? »


Ce discours agressif nous a semblé inacceptable et nous l'avons immédiatement considéré comme une forme de micro-agression. Conscients, néanmoins, de l'état psychologique fragile de M. Rice, actuellement tenancier de débit de boisson à Hawaï, nous avons décidé de ne pas engager pour le moment de poursuites ni de reprendre contact avec cette personne. La violence inexplicable de ses propos est une démonstration suffisante de la gêne et du sentiment de culpabilité qui doivent en ce moment habiter M. Rice après sa piteuse prestation. Quant au silence de E.B., nous le mettrons sur le compte de la crainte d'être jugé après s'être ainsi fourvoyé. Nous tenons à le rassurer sur ce point, soucieux que nous sommes, à Idiocratie, de ne jamais souscrire à ce genre de pratique et de ne pas formuler de jugements normatifs qui participeraient dans leur principe à la promotion de l'intolérance, de la discrimination et, en un mot, du fascisme. Cela, jamais la situation ne saurait l'excuser. S'il pouvait cependant nous rendre les 1500€ qu'il nous doit et régler les amendes de stationnement qui nous sont adressées en son nom, cela nous aiderait à boucler la trésorerie ce mois-ci et puis il faudrait aussi qu'on reparle des entrées à la Queer week.

Ce communiqué avait donc pour objectif de renouveler nos excuses auprès de nos lecteurs.trices qui ont pu être choqué.e.s par une initiative mal préparée et mal comprise. Nous aurions dû faire – et ferons à l'avenir – preuve de plus de pédagogie pour que chacun.e puisse mieux comprendre le sens de notre démarche et nous espérons que ces éléments contextuels aideront ceux/celles/ça qui nous soutiennent à mieux envisager l'arrière plan conceptualo-pratique et militant qui a abouti à ce que nous ne devons pas craindre de considérer comme une demi-réussite mais qui reste cependant propice à susciter un débat constructif et à impulser une nécessaire dynamique de conscientisation.




Retrouvez encore plus de disruption cognitivo-délimitative dans les pages du numéro Zéro et du numéro Moins Un de la revue Idiocratie
https://idiocratie2012.blogspot.com/2019/01/idiocratie-commandez-vos-numeros.html




1 Rappelons que nous avons banni l'expression racisée « carte blanche » au profit de « carte unicolore » à l'issue du dernier brainstorming équitable organisé du 31/12/2018 au 01/01/2019 dans les locaux de l'Association « Décolonise ta life ! » qui promeut le principe des micro-mobilisations ponctuelles afin de déconstruire petit à petit la structure dominante du patriarcat blanc (sic) hétérosexuel catholique colonial et favoriser l'émergence et la convergence des micro-luttes par capillarité.
2 DIS-Jonc/sion. Editions Sinusoïde. Caracas. 1971
3 Affirmation souvent ponctuée d'un bon gros rire gras et fort énigmatique.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire