Charmé
par les petits livres revigorants de Byung-Chul Han (Dans la nuée, Psychopolitique,
La société de la fatigue, Le désir ou l’enfer de l’identique,
etc.), je me suis précipité sur son dernier essai, au titre accrocheur : Amusez-vous bien ! Du bon
divertissement. J’imaginais retrouver le philosophe allemand d’origine
coréenne dans son entreprise de déconstruction du néolibéralisme et me délecter
de son approche si singulière qui fait résonner les grandes œuvres philosophiques
dans le champ de l’observation sociale quotidienne sans s’interdire au passage
quelques critiques bien senties vis-à-vis de penseurs à la mode. Une fois n’est
pas coutume mais disons-le sans ambages : son dernier essai est bâclé,
désordonné, scolaire et en définitive inintéressant.
Et dieu sait que le sujet méritait une
approche approfondie : qu’est devenue la société sinon un immense parc
d’attraction ? Dans son avant-propos, Han remarque d’ailleurs que
« le divertissement s’élève aujourd’hui au rang de nouveau paradigme,
mieux, de nouvelle formule de l’Être ». Pourtant, la démonstration
phénoménologique, comme il a l’habitude de la manier avec talent, ne viendra
pas. Les deux premiers chapitres se perdent dans des considérations très
convenues sur l’évolution de la musique classique et sa lente contamination par
l’esprit du divertissement. S’ensuivent des réflexions sur l’Extrême-Orient,
des commentaires sur les notions de bonheur chez Kant, des fragments relatifs
aux pensées inquiètes et douloureuses de Pascal et de Heidegger, une petite
dissertation sur Kafka et, enfin, un panégyrique de l’artiste Robert
Rauschenberg. Vous en conviendrez, il est difficile de faire le lien entre les
chapitres et encore davantage de trouver le sens de la démonstration. Il faut
attendre la conclusion (!) pour que Han nous prévienne que le divertissement
est un concept difficile à saisir – on s’en était aperçu…
Il
rappelle à cet égard que l’histoire de la notion, celle qui renvoie à la
séparation entre le travail et le loisir depuis le XVIIIè, nous aide
peu dans la mesure où le divertissement a justement envahi toutes les sphères
sociales : infotainment, edutainment, titytainment, etc. Il n’est plus synonyme de temps libre. Au
contraire, le divertissement a posé son empreinte sur le monde et s’est immiscé
dans le temps lui-même jusqu’à recréer une nouvelle manière de vivre. « La
réalité elle-même semble être un effet du divertissement » écrit
Han ; sauf que cette phrase qui clôt le propos aurait mérité de l’ouvrir.
On attendra, donc, avec un peu moins d’impatience que d’habitude, la
publication du prochain ouvrage du philosophe allemand. Il s’appellera Topologie de la violence et sera publié
par la petite maison d’édition prometteuse R/N. En espérant que l’adage soit
respecté : une fois n’est pas coutume.
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