Dimanche
10 novembre, un certain nombre de personnalités, de collectifs et
d'associations ont défilé, à l'appel du Collectif Contre
l'Islamophobie en France (CCIF), pour dénoncer les discriminations
et agressions dont seraient quotidiennement victimes les musulmans en
France. Commençons par rappeler un fait : depuis janvier 2015,
23 attentats ont été perpétrés au nom de l'islam et ont entraîné
la mort de 261 personnes. On n'inclut pas évidemment dans ce
décompte macabre les auteurs des attaques. Dans le même temps, une
attaque, perpétrée contre la mosquée de Bayonne, a fait deux
blessés. Au vu de ces chiffres, on peut penser que
« l'islamophobie » de la société française reste
sacrément limitée et que la capacité de résilience de la
population, menacée continuellement par le terrorisme islamiste
depuis cinq ans, est assez admirable. Le Collectif Contre
l'Islamophobie en France (CCIF) en a décidé autrement et dénonce
aujourd'hui la violence qui s'exercerait à l'encontre des musulmans
en France. Il faut dire que le CCIF est un organisme capable, sept
jours après la tuerie de la Préfecture de Police de Paris (quatre
personnes tuées au nom de l'islamisme), de publier ce genre
de propos :
Il
y a des gens qui aujourd’hui sont historiens, penseurs,
philosophes, qui voient ce qui est en train de se passer, et qui
savent que cela a des résonances inquiétantes avec le siècle
dernier ; mais qui se taisent. Ils sont responsables du réveil
fasciste dans notre pays, et les manuels d’Histoire parleront d’eux
comme, au mieux, des lâches, et au pire, les complices d’un État
autoritaire qui a instauré l’apartheid et mené la guerre aux
musulmans.
Tout
y est : la victimisation à outrance, le lien établi sans
vergogne avec les tragédies du XXe siècle (on rappellera juste au
sujet du « siècle dernier » que les autorités
religieuses musulmanes n'avaient alors pas tant de problèmes avec le
« réveil fasciste ». Le Grand Mufti de Jérusalem, qui
entretenait d'excellents rapports avec Adolf Hitler, lui avait
largement prodigué ses conseils pour la mise en place de la solution
finale) et l'inversion des rôles, l'Etat français accusé carrément
d'avoir mis en place un « apartheid » et de mener « la
guerre aux musulmans. »
Esther Benbassa, sénatrice EELV, posant à côté d'une fillette affublée d'une étoile jaune, sans doute pour rappeler les "résonances inquiétantes avec le siècle dernier".
Ces
propos n'étonnent pas, venant d'une organisation capable, au
lendemain des attentats de Nice qui font 86 morts et 458 blessés le
14 juillet 2016, de formuler, après s'être acquitté en trois
lignes des condoléances d'usages, des recommandations
surprenantes,
quelques heures à peine après le massacre :
Dans
le contexte qui suit ce nouveau drame, le CCIF en appelle à
l’extrême vigilance des autorités, afin de tirer des leçons des
attaques successives qui ont visé notre pays, avec trois points
d’action prioritaires :
Renforcer
les dispositifs de protection des lieux de culte, notamment dans la
région de Nice.
Accentuer
la surveillance de mouvements racistes et identitaires qui
multiplient les appels à la haine et incitent explicitement à des
représailles à l’encontre de nos concitoyens musulmans.
Ré-évaluer
la politique anti-terroriste, sur la base des rapports rendus
récemment et comprendre que les dérives de l’Etat d’urgence ou
le ciblage abusif des musulmans amoindrissent la capacité de nos
services de renseignement et, en définitive, ne garantissent pas
notre sécurité.
On
voit où se situent les priorités du CCIF. Et l'on ne trouvera que
ce genre de rhétorique en parcourant les communiqués disponibles
sur le site de l'association : « Les attentats de 2015 ont
eu lieu il y a quatre ans, et l’état d’urgence a montré
l’atmosphère de suspicion dans laquelle tout un pays pouvait se
plonger ». Ou encore : l'attaque de la préfecture de
police « va malheureusement nourrir la haine de ceux qui
pensent que les musulmans sont un ennemi intérieur ». On peut
constater en effet que depuis cinq ans, la violence de la société
française à l'encontre des musulmans ne cesse de s'accroître...
La
rhétorique du CCIF est très claire : pratiquer un discours
victimaire systématique, au mépris la plupart du temps du respect
qui devrait être manifesté à l'égard des victimes des attentats,
perpétrés au nom de l'islam, et mettre en cause systématiquement
la société française, accusée d'agresser les musulmans dans tous
les cas de figure. Le CCIF n'attend même pas que s'ébauche le
moindre discours de fermeté pour adopter la posture victimaire. Dès
le moment où un attentat a été perpétré par un islamiste sur le
sol français, il est évident, selon cette officine communautariste,
que les seules véritables victimes sont au final les musulmans,
éternellement opprimés par cet Etat fasciste qu'est la France, un
Etat qui pratique selon le CCIF un dénigrement systématique des
musulmans mais qui protègent les autres communautés, enfin une en
particulier, vous voyez de qui on veut parler, on est pas dans la
concurrence mémorielle mais bon on se comprend hein...
Caricature publiée sur le site du CCIF
Caricature de Wolinski. Charlie-Hebdo n°516. Janvier 1980
Le
CCIF n'a qu'un but, inlassablement réitéré dans ses déclarations :
lutter contre l'islamophobie, « parce que l’islamophobie
n’est pas une opinion, c’est un délit », martèle
le manifeste du
CCIF, en détournant un vieux slogan de SOS Racisme. La mécanique
sophistique est parfaitement huilée : les attentats renforcent
l'islamophobie parce qu'ils rendent les Français plus méfiants à
l'égard de l'islam. A eux de faire preuve d'un peu plus d'ouverture
d'esprit, on ne va quand même pas demander aux représentants de
l'islam de se sentir concernés par les exactions commises au nom de
leur religion. Comme le proclame d'ailleurs le CCIF après l'attentat
de la préfecture de Paris : "Bien que nous soyons contre la
logique qui somme les musulmans de se dédouaner des actes commis au
nom de leur religion, et bien que nous ne soyons d’ailleurs pas une
organisation religieuse, nous revendiquons le droit au deuil, comme
nous l’avons fait pour les attentats de 2015 et 2016." C'est
toujours mieux que rien...
C'est
vrai qu'assumer les exactions commises au nom de sa religion, assumer
son histoire, tout ça c'est un peu barbant. Il n'y a guère que
l'Europe qui soit tenue de pratiquer inlassablement son autocritique.
On ne demandera jamais aux civilisations arabo-musulmanes de se
sentir responsable des 17 millions d'individus réduits en esclavage
du VIIe au début du XXe siècle. L'historien Olivier
Pétré-Grenouilleau, qui avait oser évoquer cet encombrant passé
en avait fait la douloureuse expérience il y a plus de dix ans,
subissant insultes, menaces et annulations de conférences. Et
puisqu'il n'est pas correct d'évoquer ce passé qui fait tâche, on
ne va pas, c'est sûr, ennuyer en plus les musulmans avec le présent
qui fâche. Restons courtois.
Le
dimanche 10 novembre, un certains nombres de personnalités
politiques ont manifesté à l'appel d'un collectif, le CCIF qui
pratique un double discours hypocrite et fait un usage intensif de la
rhétorique de la victimisation dans le but de contester des libertés
– dont celle de critiquer une religion – et de servir les
objectifs de l'islam politique. Il faut reproduire les noms des
initiateurs et des signataires de cet appel
à manifester aux côtés du CCIF.
Quelques-uns et quelques-unes parmi ces signataires sont des idiots
utiles. Les autres sont des cyniques qui, à l'instar d'un Jean-Luc
Mélenchon, ont retourné leur veste et soutiennent ce type
d'initiative par intérêt électoral. Il faut retenir leurs noms qui
témoignent définitivement du naufrage d'une certaine gauche qui a
choisi, par idéologisme ou plus cyniquement par intérêt électoral,
de s’accoquiner avec le communautarisme et l'islamisme pour
continuer à exister médiatiquement et politiquement.
Initiateurs
du texte : Madjid Messaoudene (élu de Saint-Denis), la
Plateforme L.e.s. Musulmans; Le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA);
le Comité Adama; le Collectif contre l’islamophobie en France
(CCIF); l’Union communiste libertaire (UCL); l’Union nationale
des étudiants de France (Unef), Taha Bouhafs (journaliste).
Premiers
signataires : Action Antifasciste Paris Banlieue (AFA) ; Arié Alimi,
avocat ; Pouria Amirshahi , directeur de publication de Politis ;
Manon Aubry, eurodéputée ; Etienne Balibar, universitaire ;
Ludivine Bantigny, historienne ; Yassine, Belattar, humoriste ;
Esther Benbassa, sénatrice EE-LV de Paris ; Olivier Besancenot, NPA
; Saïd Bouamama, sociologue ; Leïla Chaibi, eurodéputée LFI ;
André Chassaigne, député, président du groupe GDR ; David
Cormand, secrétaire national d’EE-LV ; Laurence De Cock,
enseignante ; Vikash Dhorasoo, ancien de joueur de foot, parrain
d’Oxfam et président de Tatane ; Rokhaya Diallo, journaliste et
réalisatrice ; Pierre Jacquemain, rédacteur en chef de Regards ;
Eric Fassin, sociologue ; Elsa Faucillon, députée PCF ; Fédération
syndicale unitaire (FSU) ; Fianso, artiste ; Front uni des
immigrations et des quartiers populaires (FUIQP) ; Geneviève
Garrigos, féministe, militante des Droits humains ; Vincent Geisser,
politologue ; Alain Gresh, journaliste ; Nora Hamadi, journaliste ;
Benoît Hamon, Génération.s ; Yannick Jadot (eurodéputé EE-LV) ;
Mathilde Larrère, historienne ; Mathieu Longatte (Bonjour Tristesse)
; Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT ; Jean-Luc
Mélenchon et l’ensemble du groupe parlementaire La France
insoumise ; Marwan Muhammad, auteur et statisticien ; Younous
Omarjee, eurodéputé ; Stéphane Peu, député PCF ; Edwy Plenel,
journaliste ; Maryam Pougetoux et Mélanie Luce, Unef ; Jérôme
Rodrigues, gilet jaune ; Julien Salingue, docteur en science
politique ; Pierre Serne (porte-parole de Génération.s) ; Michèle
Sibony et l’Union juive française pour la paix (UJFP) ; Laura
Slimani, élue de Rouen, direction nationale de Génération.s ;
Azzédine Taibi, maire PCF de Stains ; Sylvie Tissot, sociologue ;
Aida Touihri, journaliste ; Assa Traoré, comité Adama ; Aurélie
Trouvé, porte-parole d’Attac ; Union syndicale Solidaires ;
Dominique Vidal, journaliste et historien.
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