dimanche 10 novembre 2019

Le CCIF et l'islamophobie : de la victimisation considérée comme un des Beaux-Arts


Dimanche 10 novembre, un certain nombre de personnalités, de collectifs et d'associations ont défilé, à l'appel du Collectif Contre l'Islamophobie en France (CCIF), pour dénoncer les discriminations et agressions dont seraient quotidiennement victimes les musulmans en France. Commençons par rappeler un fait : depuis janvier 2015, 23 attentats ont été perpétrés au nom de l'islam et ont entraîné la mort de 261 personnes. On n'inclut pas évidemment dans ce décompte macabre les auteurs des attaques. Dans le même temps, une attaque, perpétrée contre la mosquée de Bayonne, a fait deux blessés. Au vu de ces chiffres, on peut penser que « l'islamophobie » de la société française reste sacrément limitée et que la capacité de résilience de la population, menacée continuellement par le terrorisme islamiste depuis cinq ans, est assez admirable. Le Collectif Contre l'Islamophobie en France (CCIF) en a décidé autrement et dénonce aujourd'hui la violence qui s'exercerait à l'encontre des musulmans en France. Il faut dire que le CCIF est un organisme capable, sept jours après la tuerie de la Préfecture de Police de Paris (quatre personnes tuées au nom de l'islamisme), de publier ce genre de propos :

Il y a des gens qui aujourd’hui sont historiens, penseurs, philosophes, qui voient ce qui est en train de se passer, et qui savent que cela a des résonances inquiétantes avec le siècle dernier ; mais qui se taisent. Ils sont responsables du réveil fasciste dans notre pays, et les manuels d’Histoire parleront d’eux comme, au mieux, des lâches, et au pire, les complices d’un État autoritaire qui a instauré l’apartheid et mené la guerre aux musulmans. 

Tout y est : la victimisation à outrance, le lien établi sans vergogne avec les tragédies du XXe siècle (on rappellera juste au sujet du « siècle dernier » que les autorités religieuses musulmanes n'avaient alors pas tant de problèmes avec le « réveil fasciste ». Le Grand Mufti de Jérusalem, qui entretenait d'excellents rapports avec Adolf Hitler, lui avait largement prodigué ses conseils pour la mise en place de la solution finale) et l'inversion des rôles, l'Etat français accusé carrément d'avoir mis en place un « apartheid » et de mener « la guerre aux musulmans. »



Esther Benbassa, sénatrice EELV, posant à côté d'une fillette affublée d'une étoile jaune, sans doute pour rappeler les "résonances inquiétantes avec le siècle dernier". 

Ces propos n'étonnent pas, venant d'une organisation capable, au lendemain des attentats de Nice qui font 86 morts et 458 blessés le 14 juillet 2016, de formuler, après s'être acquitté en trois lignes des condoléances d'usages, des recommandations surprenantes, quelques heures à peine après le massacre :

Dans le contexte qui suit ce nouveau drame, le CCIF en appelle à l’extrême vigilance des autorités, afin de tirer des leçons des attaques successives qui ont visé notre pays, avec trois points d’action prioritaires :
Renforcer les dispositifs de protection des lieux de culte, notamment dans la région de Nice.
Accentuer la surveillance de mouvements racistes et identitaires qui multiplient les appels à la haine et incitent explicitement à des représailles à l’encontre de nos concitoyens musulmans.

Ré-évaluer la politique anti-terroriste, sur la base des rapports rendus récemment et comprendre que les dérives de l’Etat d’urgence ou le ciblage abusif des musulmans amoindrissent la capacité de nos services de renseignement et, en définitive, ne garantissent pas notre sécurité.

On voit où se situent les priorités du CCIF. Et l'on ne trouvera que ce genre de rhétorique en parcourant les communiqués disponibles sur le site de l'association : « Les attentats de 2015 ont eu lieu il y a quatre ans, et l’état d’urgence a montré l’atmosphère de suspicion dans laquelle tout un pays pouvait se plonger ». Ou encore : l'attaque de la préfecture de police « va malheureusement nourrir la haine de ceux qui pensent que les musulmans sont un ennemi intérieur ». On peut constater en effet que depuis cinq ans, la violence de la société française à l'encontre des musulmans ne cesse de s'accroître...

La rhétorique du CCIF est très claire : pratiquer un discours victimaire systématique, au mépris la plupart du temps du respect qui devrait être manifesté à l'égard des victimes des attentats, perpétrés au nom de l'islam, et mettre en cause systématiquement la société française, accusée d'agresser les musulmans dans tous les cas de figure. Le CCIF n'attend même pas que s'ébauche le moindre discours de fermeté pour adopter la posture victimaire. Dès le moment où un attentat a été perpétré par un islamiste sur le sol français, il est évident, selon cette officine communautariste, que les seules véritables victimes sont au final les musulmans, éternellement opprimés par cet Etat fasciste qu'est la France, un Etat qui pratique selon le CCIF un dénigrement systématique des musulmans mais qui protègent les autres communautés, enfin une en particulier, vous voyez de qui on veut parler, on est pas dans la concurrence mémorielle mais bon on se comprend hein...

Caricature publiée sur le site du CCIF

Caricature de Wolinski. Charlie-Hebdo n°516. Janvier 1980

Le CCIF n'a qu'un but, inlassablement réitéré dans ses déclarations : lutter contre l'islamophobie,  « parce que l’islamophobie n’est pas une opinion, c’est un délit », martèle le manifeste du CCIF, en détournant un vieux slogan de SOS Racisme. La mécanique sophistique est parfaitement huilée : les attentats renforcent l'islamophobie parce qu'ils rendent les Français plus méfiants à l'égard de l'islam. A eux de faire preuve d'un peu plus d'ouverture d'esprit, on ne va quand même pas demander aux représentants de l'islam de se sentir concernés par les exactions commises au nom de leur religion. Comme le proclame d'ailleurs le CCIF après l'attentat de la préfecture de Paris : "Bien que nous soyons contre la logique qui somme les musulmans de se dédouaner des actes commis au nom de leur religion, et bien que nous ne soyons d’ailleurs pas une organisation religieuse, nous revendiquons le droit au deuil, comme nous l’avons fait pour les attentats de 2015 et 2016." C'est toujours mieux que rien...


C'est vrai qu'assumer les exactions commises au nom de sa religion, assumer son histoire, tout ça c'est un peu barbant. Il n'y a guère que l'Europe qui soit tenue de pratiquer inlassablement son autocritique. On ne demandera jamais aux civilisations arabo-musulmanes de se sentir responsable des 17 millions d'individus réduits en esclavage du VIIe au début du XXe siècle. L'historien Olivier Pétré-Grenouilleau, qui avait oser évoquer cet encombrant passé en avait fait la douloureuse expérience il y a plus de dix ans, subissant insultes, menaces et annulations de conférences. Et puisqu'il n'est pas correct d'évoquer ce passé qui fait tâche, on ne va pas, c'est sûr, ennuyer en plus les musulmans avec le présent qui fâche. Restons courtois.



Le dimanche 10 novembre, un certains nombres de personnalités politiques ont manifesté à l'appel d'un collectif, le CCIF qui pratique un double discours hypocrite et fait un usage intensif de la rhétorique de la victimisation dans le but de contester des libertés – dont celle de critiquer une religion – et de servir les objectifs de l'islam politique. Il faut reproduire les noms des initiateurs et des signataires de cet appel à manifester aux côtés du CCIF. Quelques-uns et quelques-unes parmi ces signataires sont des idiots utiles. Les autres sont des cyniques qui, à l'instar d'un Jean-Luc Mélenchon, ont retourné leur veste et soutiennent ce type d'initiative par intérêt électoral. Il faut retenir leurs noms qui témoignent définitivement du naufrage d'une certaine gauche qui a choisi, par idéologisme ou plus cyniquement par intérêt électoral, de s’accoquiner avec le communautarisme et l'islamisme pour continuer à exister médiatiquement et politiquement.

Initiateurs du texte : Madjid Messaoudene (élu de Saint-Denis), la Plateforme L.e.s. Musulmans; Le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA); le Comité Adama; le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF); l’Union communiste libertaire (UCL); l’Union nationale des étudiants de France (Unef), Taha Bouhafs (journaliste).


Premiers signataires : Action Antifasciste Paris Banlieue (AFA) ; Arié Alimi, avocat ; Pouria Amirshahi , directeur de publication de Politis ; Manon Aubry, eurodéputée ; Etienne Balibar, universitaire ; Ludivine Bantigny, historienne ; Yassine, Belattar, humoriste ; Esther Benbassa, sénatrice EE-LV de Paris ; Olivier Besancenot, NPA ; Saïd Bouamama, sociologue ; Leïla Chaibi, eurodéputée LFI ; André Chassaigne, député, président du groupe GDR ; David Cormand, secrétaire national d’EE-LV ; Laurence De Cock, enseignante ; Vikash Dhorasoo, ancien de joueur de foot, parrain d’Oxfam et président de Tatane ; Rokhaya Diallo, journaliste et réalisatrice ; Pierre Jacquemain, rédacteur en chef de Regards ; Eric Fassin, sociologue ; Elsa Faucillon, députée PCF ; Fédération syndicale unitaire (FSU) ; Fianso, artiste ; Front uni des immigrations et des quartiers populaires (FUIQP) ; Geneviève Garrigos, féministe, militante des Droits humains ; Vincent Geisser, politologue ; Alain Gresh, journaliste ; Nora Hamadi, journaliste ; Benoît Hamon, Génération.s ; Yannick Jadot (eurodéputé EE-LV) ; Mathilde Larrère, historienne ; Mathieu Longatte (Bonjour Tristesse) ; Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT ; Jean-Luc Mélenchon et l’ensemble du groupe parlementaire La France insoumise ; Marwan Muhammad, auteur et statisticien ; Younous Omarjee, eurodéputé ; Stéphane Peu, député PCF ; Edwy Plenel, journaliste ; Maryam Pougetoux et Mélanie Luce, Unef ; Jérôme Rodrigues, gilet jaune ; Julien Salingue, docteur en science politique ; Pierre Serne (porte-parole de Génération.s) ; Michèle Sibony et l’Union juive française pour la paix (UJFP) ; Laura Slimani, élue de Rouen, direction nationale de Génération.s ; Azzédine Taibi, maire PCF de Stains ; Sylvie Tissot, sociologue ; Aida Touihri, journaliste ; Assa Traoré, comité Adama ; Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac ; Union syndicale Solidaires ; Dominique Vidal, journaliste et historien.

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