Ca
y est. Nous y sommes, en plein milieu de l'épidémie de Coronavirus, nouveau
fléau venu d'Asie après le SRAS, la peste noire, la perche à selfie et GangnamStyle (3 543 988 873 d'infectés à travers le monde selon Youtube). Tout le
monde prenait ça à la légère au départ, y compris l'OMS qui ne voyait pas de
raison de se mettre la rate au court-bouillon pour si peu ou les pouvoirs
publics en France qui ne voyait pas de raison d'annuler le match entre l'Olympique
Lyonnais et la Juventus de Turin le 26 février. On le sait, le foot c'est
sacré. Interdiction de se réunir sauf pour les supporters parisiens dont la
connerie, faut-il le rappeler, est particulièrement transmissible. Enfin, maintenant
c'est fini, tout le monde arrête de déconner. Les rebelles qui continuaient à
se faire ostensiblement la bise se sont mis au jeté de coudes, comme tout le
monde. L'OMS s'arrête de n'avoir servi à rien et le gouvernement a annoncé la
fermeture des écoles, des commerces, des restaurants, des cafés, des
discothèques et l'annulation de tous les événements et rassemblements sauf les
élections municipales évidemment ; il faut tout de même que le
divertissement politique occupe un peu les esprits chagrins de ce dimanche
confiné : Edouard Philippe au Havre, Hidalgo ou Dati à Paris, Collomb à
Lyon, Juppé à Bordeaux – pas de doute, les mairies ont pris la mesure de la
pandémie. Il y a cause nationale et Cause Nationale. Désormais, c'est la
psychose, l'anxiété et le règne du principe de précaution. Vous êtes tous
invités à rester chez vous et à adopter les mesures qui s'imposent : vous
laver les mains ; mais aussi ; vous laver les mains, sans oublier
de : VOUS LAVER LES MAINS, en ajoutant qu'il faut absolument penser à vous
laver les mains et, si ça ne suffit pas, à vous laver les mains encore et encore,
jusqu'à ce que des écailles de poisson finissent par pousser sur votre peau
blanchie et fripée. Néanmoins, si vous êtes atterré par la perspective de
cohabiter avec les gosses 7j/7 et 24h/24 pendant trois semaines parce que la
crèche/l'école/le collège/le lycée a fermé ou que vous êtes déprimé parce que
vous vous retrouvez au chômage technique, la période qui suivra sera très riche en opportunités,
naturellement si vous êtes encore là ! Il faudra seulement être malin et
savoir les saisir pour surfer sur la vague de la post-apocalypse. Tour
d'horizon des mesures d'urgences à adopter après la fin de l'épidémie.
1)
Vous êtes prof
Vous
avez sauté de joie à l'idée de ne plus revoir vos sales morveux (enfin ceux des
autres, ce qui est bien pire) pendant trois semaines ? Vous avez
rapidement déchanté en passant vos journées à composer des cours et des devoirs
en ligne tout en tâchant de vous occuper de vos propres morveux tandis que les
gens vous méprisaient encore plus que d'habitude en vous traitant de sale
feignasse ? L'heure de la vengeance sonnera bientôt ! Pendant que
vous trimiez à taper tous vos cours ou à essayer de comprendre comment
fonctionne la plateforme de cours en vidéo et à distance de l'Education
nationale, à laquelle personne ne se connecte de toute façon, vos élèves auront
passé cinq semaines (en comptant les vacances scolaires) A NE RIEN FOUTRE. Vous
pouvez être sûr que la plupart n'auront même pas daigné ouvrir les jolis
récapitulatifs de cours placés semaine après semaine sur « l'environnement
numérique » de votre bahut. Quant à vos rares tentatives vidéos de cours
en ligne, vous pouvez être sûr qu'elle auront moins de succès que les films
coquins de Benjamin Griveaux. Mais ces petites enflures de porteurs sains qui
vous ont refilé le Corona juste avant la fermeture de votre établissement vont
rapidement déchanter quand 1) ils vont s'apercevoir que vous êtes toujours
vivant, 2) ils vont découvrir le devoir sur table coefficient 15 portant sur
des chapitres du cours dont ils n'ont jamais entendu parler. Ce sera à votre
tour de rigoler, pas trop fort tout de même afin d'éviter une quinte de toux
fatale.
2)
Vous êtes restaurateur ou patron de
bar
Cette
fois c'est la fin. Vous avez monté un commerce en octobre 2018 mais vous avez
réussi à survivre aux Gilets Jaunes et aux grèves des transports sans mettre la
clé sous la porte et vous repreniez doucement espoir jusqu'à l'arrivée de ce
foutu virus qui va à coup sûr mettre par terre votre gargote.
Détrompez-vous ! Durant tout le temps que durera l'épidémie, vous n'allez
pas être à la fête mais pensez déjà à l'après ! Pensez à tous ces abrutis
rendus fous de frustration par trois semaines sans pouvoir déblatérer de
conneries au comptoir et farcir les oreilles du serveur avec leurs analyses
politiques foireuses. Imaginez les hordes d'étudiants en école de commerce se
ruant la bave aux lèvres sur le premier débit de boisson à rouvrir pour vider
des tonneaux de bière en braillant Les lacs du Connemara à tue-tête
jusqu'à trois heures du matin. Figurez-vous les hordes de pouffes et de kakous
en rut qui vont s'entasser dans les boîtes pour suer leur Vodka orange à dix
balles sur toutes les pistes de danse de l'hexagone et de l'outre-mer. Au lieu
de pleurnicher sur votre comptoir comme Florence Foresti aux Césars, vous
devriez déjà être en train de commander de la bière par camions entiers pour
inonder votre clientèle de Coronarita, Corona Sunrise, Corona Sunset et tous
les cocktails que vous pouvez imaginer à base de Corona, qui couleront à flot
lors de la CORONA FUCKING FIESTA organisée dès la réouverture du bar ! Dès
la fin de l'épidémie, le festivisme inconscient et irresponsables reprendra ses
droits. Les gens auront soif de débauche, de sexe et de teuf jusqu'à plus
d'heure et surtout ils auront SOIF ! Préparez-vous sans attendre pour
l'interminable fête de fin de quarantaine et les cohortes de soirées
« Covid-toi la tête », « Corona No More » et « Virus
Party » qui se succéderont jusqu'à la prochaine pandémie ou catastrophe
mondiale. Les affaires vont vite reprendre et vous aurez le temps de vous faire
assez de pognon pour pouvoir envisager une retraite précipitée, à l'abri sur
une île paradisiaque quand les choses sérieuses commenceront vraiment !
3)
Vous faites partie du personnel
hospitalier
Autant
ne pas se le cacher, vous n'allez pas être à la fête ces prochains jours. Il
suffit de faire un peu de maths niveau CE1 pour deviner qu'un virus avec un
taux de mortalité de 2 ou 3% et une période d'incubation aussi longue n'a pas
infecté 10000 personnes en France mais certainement dix fois plus. Les choses
sérieuses vont commencer quand tous ceux qui bombaient le torse et faisaient
les malins vont se précipiter à l'hôpital à la moindre toux par paquets de
mille en pleurnichant pour être pris en charge alors que vous aurez des cas
bien plus graves sur les bras à gérer. Mais il faut voir le bon côté des
choses. On a pas si souvent l'occasion de devenir des héros. Quand cette foutue
épidémie sera passée et que vous aurez dormi trois jours d'affilée pour
rattraper les heures de sommeil perdues, vous serez les rois des soirées, votre
conjoint ou votre conjointe vous regardera avec des yeux humides d'admiration,
on vous paiera sans arrêt des coups dans les bars et c'est tout un peuple de
labradors reconnaissants qui sera à vos pieds pour le restant de votre vie,
enfin disons au moins les six ou sept semaines qui suivront, le temps que les
gens oublient et se remettent à se plaindre et à traiter les autres comme de la
merde ce qui ne prend pas très longtemps en général. Et puis vous aurez
accumulé un paquet d'heures sup et le gouvernement consentira certainement à
faire enfin un geste envers le secteur hospitalier et les personnels de santé,
eut égard aux services rendus à la nation. Ils ne mentiraient quand même pas
dans de telles circonstances non ?
4)
Vous êtes journaliste à BFMTV
Pour
vous c'est la fête qui commence dès maintenant. Après avoir couvert avec le
professionnalisme et l'impartialité qu'on vous connaît les dernières crises
sociales et déroulé les sujets larmoyants sur les pauvres hommes politiques
menacés dans leur vie privée par les méchants réseaux sociaux et le méchant
Internet, vous allez pouvoir continuer à terrifier la population avec un
décompte des morts minute par minute, convoquer sur les plateaux toujours plus
d'experts improbables qui se contrediront tous ou seront unanimes pour affirmer
qu'une épidémie c'est difficile à contrôler ou que quand on voit ce qu'ils ont
fait en Chine ben on se dit que la dictature c'est pas si mal après tout. Les
prochaines semaines vont être l'occasion d'écrire un nouveau et glorieux
chapitre du grand livre de la coprophagie médiatique, de faire peur, de faire
pleurer, de semer le doute, la panique et la confusion tout en répétant
inlassablement qu'il faut bien sûr se garder de diffuser la psychose dans la population.
Malheureusement, l'épidémie finira par se calmer et il faudra trouver un
nouveau sujet pour alimenter le journalisme à grand spectacle mais
rassurez-vous, le monde n'est jamais avare de tragédies à aller renifler, vous
ne manquerez jamais de travail.
5)
Stagiaire à BFMTV
Vous
voulez « devenir reportaire de térin » depuis que vous êtes tous
petit. Voilà c'est l'occasion, l'épreuve du feu est là. Vous allez pouvoir
passer des heures à vous les geler devant les bureaux de vote quasi vides, ou
interroger des commerçants qui vous répéteront vingt fois qu'ils espèrent bien
que le gouvernement va les aider avant d'aller attraper le Corona dans le hall
d'un hôpital où votre chaîne vous aura dépêché pour aller récolter un peu de
larmes, de peur et de fatigue pour les heures de grande écoute et pour qu'Alain
Duhamel puisse pontifier à loisir. Mais ne perdez pas espoir. Avec de la
chance, le virus fera peut-être un peu le ménage dans la rédaction et vous
pourrez espérer vous hissez du col pour faire un jour autre chose que des
sujets de merde sur l'annulation des Comices agricoles du Neubourg (Eure) à
cause du Corona. Un jour peut-être vous deviendrez Alain Duhamel à la place
d'Alain Duhamel.
6)
Vous êtes trader
Allez
vous faire foutre. Avant l'épidémie. Pendant l'épidémie. Après l'épidémie.
7)
Vous êtes Président de la République
Dur
dur hein ? Hier les grèves, avant-hier les Gilets Jaunes et
aujourd'hui : ça. Mais au moins vous avez enfin LA crise nationale qui
forge un président, qui lui donne sa stature. François Hollande avait eu les
attentats et le Mali, vous avez le Coronavirus. Vous pouvez parler à la télé en
prenant un air grave et en appelant à l'unité nationale sans rien promettre
d'autre que du sang et des larmes pour les semaines à venir. Ca change des
promesses à répéter et des finasseries médiocres pour essayer de passer entre
les mailles de la crise sociale et espérer être réélu en 2022. Bon c'est sûr au
début de la crise, tout le monde a un peu merdé, y compris vous. Mais quelques
dizaines de milliers de morts plus tard, tout sera rentré dans l’ordre, non ? Et vous serez celui qui a affronté le désastre, gardé la tête froide, dont la main n'a pas tremblé avant de prendre les décisions douloureuses. Evidemment, vous et votre gouvernement avez complètement sous-estimé la gravité de l'épidémie quand elle a commencé, avant de brutalement basculer dans la psychose totale quand vous vous êtes rendus compte que ça sentait vraiment le sapin et que l'Italie s'était transformé en unité de soins intensifs à ciel ouvert mais vous pourrez toujours demander aux copains de BFMTV cités plus haut de mitonner un petit storytelling sexy pour montrer à la population que vous avez été, êtes et serez toujours le chef d'Etat à la hauteur.
8) Vous faites partie du gouvernement
Ne nous cachons pas la vérité : cette gestion de crise a été si merdique de haut en bas qu'elle laissera peut-être une nouvelle expression dans le parler populaire. On ne dira plus "tu as vraiment merdé" mais "tu as macroné sévère". Entre cette évaporée de Buzyn qui vient tranquillement de dégoupiller une grenade et de la jeter au milieu de la majorité, le cafouillage ridicule avec Blanquer sur la fermeture des écoles, l'incompréhensible maintien du premier tour des municipales ou l'affaire regrettable du traitement à la Chloroquine, écarté tout d'abord avec morgue par les experts qui n'ont même pas la décence de regarder leurs pompes maintenant que le ministère de la santé a fini par admettre que ça marchait, toute la Macronie du sol au plafond semble infectée par le virus de la connerie la plus lourde, le Conarovirus puissance 19. Vous pouvez prier pour que ça se tasse en sortie de crise mais franchement il y a peu de chances. Cette fois ça c'est vu. Manu est peut-être toujours aussi exalté et plane au-dessus du champ de bataille de sa guerre sanitaire, shooté au lyrisme médical et à la solidarité européenne mais vous savez vous quelle sera la première mesure d'urgence à prendre dès la fin de ce foutu confinement : prendre un aller simple pour quitter la France assez vite avant que ça commence à macroner vraiment dur et que la tempête de merde ne s'abatte aussi sur vous. Vous pourriez vous mettre en coloc avec Valls à Barcelone. C'est sympa comme ville et on dit qu'il a encore un peu de place dans son équipe de campagne. Histoire de vous faire oublier et d'aller macroner un peu chez les autres pour changer.
9) Vous êtes homme/femme politique dans l'opposition
Quand vous avez été consulté sur l'éventualité de reporter les élections municipales, vous avez chouiné comme vous savez si bien le faire et hurlé au fascisme et à la confiscation de la démocratie. Quand le premier tour des élections a eu lieu vous avez chouiné comme vous savez si bien le faire à propos de l'irresponsabilité du gouvernement et de l'absence de respect des normes sanitaires. L'épidémie ou la fin de l'épidémie, ça ne changera pas grand-chose pour vous. Vous continuerez à chouiner comme vous savez si bien le faire et vous indigner en fonction d'intérêts purement électoraux et de calculs politiciens. Par contre, l'épidémie finie, vous serez moins serrés sur les plateaux TV qui n'obligeront plus leurs invités à se tenir à un mètre les uns des autres. Et le restau de l'Assemblée ou du Sénat réouvrira ses portes. Pas trop tôt, les plats préparés ça va bien cinq minutes et le traiteur ne livre plus depuis une semaine.