lundi 23 mars 2020

Cinéma Corona (I)


Condamnée, comme un milliard de personnes dans le monde, à supporter les rigueurs d'un contraignant CDI (Confinement à Durée Indéterminée), l'équipe d'Idiocratie a décidé de proposer à ses lecteurs quelques pistes pour se divertir en ces temps difficiles. Voici donc le premier volet de notre chronique « Cinéma Corona », proposant une sélection d'oeuvres qui pourront contribuer, chers lecteurs, à vous changer un peu les idées. Et pour commencer, nous avons la joie de vous présenter notre première sélection :

Virus. (Fukkatsu no hi. Le jour de la résurrection), de Kinji Fukasaku. 1980. 156 mn


Virus était destiné à devenir un succès interplanétaire, un blockbuster nippon capable de concurrencer ses rivaux hollywoodiens et faire entrer le Japon par la grande porte dans l'univers des films catastrophe à grand spectacle, qui connaissent un véritable âge d'or dans les années 1970 et 80 avec des œuvres telles que L'aventure du Poséidon (1972, de Ronald Neame, avec Gene Hackman et Ernest Borgnine), Airport (1970, de Georges Seaton, avec Burt Lancaster), La Tour Infernale (1975, de John Guillermin, avec Steve McQueen) ou le radioactif The China Syndrome (1979, James Bridges, avec l'immortel Jack Lemmon). Virus s'ancre plutôt dans la tradition des films apocalyptiques, aussi bien japonais, comme La submersion du Japon (Nihon Chinbotsu, réalisé en 1973 par Shiro Moritani), qu'américains avec The Andromeda Strain (1971, de Robert Wise, avec James Olson). En conséquence, Virus imagine un scénario dans lequel une horreur bactériologique créée par un généticien américain, répondant au doux nom de MM88 (le virus, pas le généticien), est libérée accidentellement lorsque qu'un avion contenant la boîte de Pandore pas si étanche s'écrase dans les Alpes italiennes. Possédant la terrifiante capacité de démultiplier la toxicité de n'importe quel virus avec lequel elle entre en contact, la souche mortelle fait déferler sur le monde une effroyable pandémie de « grippe italienne » qui éradique l'humanité toute entière en six mois.



Toute entière, ou presque, car en Antarctique, un petit village de 863 scientifiques de nationalités diverses survit à la catastrophe, ainsi que l'équipage d'un sous-marin britannique, le Nereid, qui rejoint les survivants après être parvenu à les contacter par radio. A partir de cette situation de départ, le film développe quelques questionnements intéressants : celui de la cohabitation entre les survivants au sein d’un univers clos et confiné à laquelle s'ajoutent les différences de cultures et de nationalités qui ne tardent pas à être génératrices de tensions. Ces tensions sont d’ailleurs largement aggravées par l’inégale représentation des deux sexes : le groupe de 863 survivants ne comprenant en effet que… 8 femmes, de difficiles questions morales ne tardent pas à se poser. Ainsi, il est nécessaire de repenser complètement l’organisation des relations affectives et sociales ; le problème de la violence et du viol se pose de manière aiguë au sein de cette communauté isolée du reste du monde, avant d'être plus ou moins résolue par le choix de la polygamie, en laissant une relative liberté aux femmes dans le choix de leurs conjoints et partenaire ; une situation qui n'est pas sans rappeler la situation dépeinte par Robert Merle dans son roman inspiré de la mutinerie du HMS Bounty, L'île, publié en 1962 (bien que dans le roman de Merle, on ne laisse pas le loisir aux polynésiennes de choisir leur compagnon britannique).
Un malheur n'arrivant jamais seul, le groupe des rescapés de l’Antarctique doit faire face à la menace d’un nouvel holocauste puisqu’un général américain (une fois de plus...) devenu complètement paranoïaque a activé avant de mourir les systèmes automatiques de défense atomique des Etats-Unis, qui assument désormais seuls mais avec une rigueur tout informatique le maintien de l’équilibre de la terreur et menacent d’utiliser l’arsenal nucléaire de la superpuissance défunte au moindre frémissement de la lithosphère. Virus narre donc l'histoire de ces 863 survivants, confinés en plein milieu de l'Antarctique, vivant sous la constante menace d'un holocauste nucléaire déclenché par des machines bornées, elles-mêmes mises aux commandes de la fin du monde par un Dr. Folamour emporté par la grippe quelques minutes après avoir signé l'arrêt de mort des derniers représentants de l'humanité. C'est une illustration cinématographique radicale de la fameuse loi de Murphy, ou loi de l'emmerdement maximum.

Les survivants, abasourdis par l'acharnement des scénaristes.

Doté d'un budget, à l'époque colossal, aujourd'hui risible, de 16 millions de dollars, Virus fut un échec commercial lui aussi apocalyptique. Le film fut à peine distribué en salle avant d'être vendu directement aux chaînes de télévision dans une version passée à la hache et incompréhensible de 108 minutes, alors que l'original dure 2h36. Il est aujourd'hui tombé dans le domaine public, ce qui nous permet, chers lecteurs de vous proposer ci-dessous cet atypique chef d'oeuvre en version intégrale. A regarder seul ou en famille, confortablement confinés.




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