Dans
le numéro Moins Un, nous avons réalisé un entretien-fleuve avec le philosophe
Baptiste Rappin, spécialiste du management. La gestion du coronavirus a révélé
toute l’étendue de la managérialisation du monde avec, entre autres, la mise
sous tutelle du champ politique par l’imposition d’une multitude de règles
techniques, juridiques, scientifiques, sanitaires, etc. Ainsi, la décision qui
se trouve au fondement de l’exercice souverain a été dilué dans des dispositifs
et des protocoles qui, sur la base d’une modélisation intégrale de la société,
devaient en assurer l’efficacité maximale. Comme dans tous les secteurs où ce
modèle a sévi, le résultat s’est avéré calamiteux : informations
contradictoires, chaîne de décisions incompréhensible, responsables aux abonnés
absents, infantilisation des citoyens, etc. Pour comprendre les ressorts de ce
naufrage, il faut revenir au fondement de cette nouvelle gouvernance dont
Baptiste Rappin a démonté les mécanismes avec brio. La mise en ligne de cet
entretien est également l’occasion de rappeler les titres de ces principaux ouvrages :
Au fondement du Management, Heidegger et la question du management, La rame à l’épaule, Au régal du management, De
l’exception permanente, Tu es déjà
mort !
Vous pouvez d’ailleurs
prendre directement attache avec l’auteur si vous souhaitez acquérir les
ouvrages à un tarif préférentiel.
Suite...
Dans
Heidegger et la question du management
vous envisagez le management comme une nouvelle sophistique. Pourquoi ?
Plusieurs raisons m’amènent
en effet à considérer le management comme une forme postmoderne de sophistique,
et les managers et les consultants comme des sophistes, c’est-à-dire des maîtres
de rhétoriques, certes bien moins brillants que leurs antiques prédécesseurs.
En premier lieu, certains
théoriciens du management, et je pense ici en particulier à Romain Laufer,
professeur émérite d’HEC, développent la thèse selon laquelle manager consiste
à légitimer les décisions et les actes par la parole. Dans une société, la
nôtre, dans laquelle la légitimité n’est plus donnée ou conférée par une
extériorité, transcendance et/ou antécédence, l’autorité doit à chaque instant
attester de son droit à s’exercer en tant que telle : la parole n’a plus
vocation à être le fondement de la délibération, comme ce fut le cas chez
Aristote et plus récemment chez Hannah Arendt, elle devient l’instrument stratégique et performatif
de manipulation des représentations par lequel je parviens à justifier mes
actes aux yeux des parties prenantes concernées (salariés, hiérarchie,
syndicats, investisseurs, etc.). Par exemple, un tableau de bord ne vaut que
par le récit dans lequel il s’insère, le choix de ce dernier pouvant donner à
des décisions variées voire opposées. Les stériles débats qui accompagnent
chaque mois la publication des chiffres du chômage prouvent que « l’on
peut faire dire aux chiffres ce que l’on veut », ce qui est bien le propre
de la sophistique qui « dit tantôt une chose et tantôt
une autre » alors que « la philosophie, au contraire, dit toujours la
même chose » (Platon, Parménide,
482 a).
En outre, le
management relève de la sophistique en raison du souci de l’effet qui les
caractérise tous deux : la performance pour le premier, le performatif
pour la seconde. Tout acte ou tout discours ne vaut que par ses conséquences :
exeunt l’intention, le contenu, le telos, seul l’impact compte, seules les
retombées peuvent être comptabilisées, c’est-à-dire être enregistrées et
traitées en vue de réintégrer la boucle de rétroaction de l’organisation. Au
total, management et sophistique affichent le même mépris pour la vérité, et usent du flottement des signifiants pour
atteindre les objectifs visés : l’ensemble de la réalité se trouve rabattu
sur le seul plan de la technè.
Ce qui m’amène au
dernier point, proprement ontologique celui-là. Mais il faut ici repartir de la
structuration hiérarchisée et tripartite du monde selon Platon qui distinguait,
souvenons-nous du mythe de la caverne au livre VII de La République, les Formes, ensuite les objets issus de l’imitation
supérieure, et enfin les simulacres produits par l’imitation inférieure. Ce qui
caractérise les sophistes, c’est de vouloir détacher les ombres de la caverne,
les fantasmes, les simulacres, les copies de copies, de leur origine : le
monde réel, qu’il soit sensible (les objets) ou intelligible (les Formes). De
ce point de vue, le rhizome de Deleuze et Guattari représente le parfait
simulacre, lui que ses inventeurs définissent comme
« l’antigénéalogie » (dans Rhizomes,
1976, p. 72). De son côté, la méthodologie adoptée par la cybernétique se
nomme, selon le terme même de Herbert Simon, « simulation » :
l’effort de modélisation, infini car aucun modèle ne saurait épuiser la
réalité, conduit à la construction de simulacres dont la survie est liée à leur
performance. Ainsi les modes du management, qui ne sont au fond qu’une
succession de modélisations, viennent-elles puis passent-elles en fonction de
leur adaptation à un contexte particulier. Mais quand les modèles, c’est-à-dire
les simulacres, prolifèrent, on peut se demander dans quelle mesure ils ne
prétendent pas se substituer à la réalité. Deux thèses ici se côtoient :
celle de Baudrillard qui, dans Simulacre
et simulation (1981), annonce le grand règne de la métaphysique du
code ; celle de Jean-François Mattéi qui maintient, en bon platonicien,
que tout simulacre est simulacre de
quelque chose (dans La puissance du
simulacre, 2013). Que la balance penche d’un côté ou de l’autre, je crois
que l’on peut toutefois s’accorder sur le mouvement général d’abstraction et de
déracinement ontologiques poursuivi par la cybernétique et ses excroissances
(management bien sûr, mais également intelligence artificielle, sciences
cognitives, sciences de l’éducations, etc.) depuis maintenant près de sept
décennies.Le monde est devenu, pour reprendre ici l’expression de Günther
Anders, un « fantôme ».
Comment
la révolution numérique en cours s’inscrit-elle dans la
« managérialisation » du monde ?
La révolution numérique,
dite encore « digitale », est l’expression qui vient aujourd’hui à la
bouche de tout responsable. En effet, que l’on soit chef d’entreprise,
responsable d’un établissement scolaire ou directeur d’un musée, tout doit se
digitaliser : les œuvres, les contenus, les méthodes, les façons de
travailler et d’apprendre... C’est un véritable discours de la table rase que
nous entendons ad nauseam. Il va de
pair, soit dit en passant, avec l’exigence d’agilité des hommes et des
structures qui constitue ce que l’on pourrait appeler le « mythe » du
management ultramoderne : « mythe » au sens du syndicaliste
révolutionnaire Georges Sorel, c’est-à-dire d’ensemble d’images mobilisatrices
et même motrices. Les soubassements idéologiques, liées à l’horizontalisation
du monde et à la réduction de l’homme à des caractéristiques corporelles voire
animales, me semblent ici assez limpides pour ne pas y revenir.
En revanche, je peux tout
d’abord pointer que le « digital » n’est pas une affaire si
nouvelle : il me semble précisément lié au projet cybernétique dont l’une
des principales ruptures, je crois que cela n’a pas été suffisamment soulevé en
raison de la focalisation de l’attention sur les exploits techniques, se
produit dans l’ordre du langage. La modélisation des systèmes repose en effet
sur l’abandon du langage analogique,
qui utilise le concret pour s’élever progressivement vers l’intelligible (l’œil
est à la vue ce que la raison est à l’âme), et sur l’adoption et l’opérationnalisation du langage digital issu de
l’algèbre de Boole. Il s’agit d’un langage binaire, qui se combine parfaitement
avec la théorie des ensembles (Cantor), la logique propositionnelle moderne
(Frege, Russell, Whitehead, le premier Wittgenstein pour les plus célèbres) et
la philosophie analytique de façon plus générale, et a accouché ni plus ni
moins de l’informatique et de l’intelligence artificielle.
Là où tout cela devient à
mon sens très intéressant, c’est que le digital donne consistance et légitimité
aujourd’hui, aux XXe et XXIe siècles, à la doctrine de l’univocité par laquelle
Duns Scot, au XIIIe siècle, entendait rompre avec l’analogie. L’univocité,
en effet, suppose une essence commune à l’ensemble des étants, dont les
différences proviennent de modalités qui s’ajoutent à cette base commune. L’étant
devient en quelque sorte prisonnier de lui-même, dans une clôture qui ne lui
autorise aucun renvoi vers un autre degré d’être, mais qui possède l’avantage
de pouvoir lui assigner une place fixe et définitive : oui ou non, vrai ou
faux, x ou y, etc. Se trouve ici ouverte la possibilité, avec une telle
ontologie et des calculateurs géants, du gouvernement des données, le fameux Big data, auquel nous sommes soumis à
chaque fois que nous « surfons sur le Web ».
Le management génère-t-il
un accroissement du gnosticisme lui-même inhérent à la modernité si l'on en
croit Voegelin ?
Voilà qui découle directement
de la question précédente ! En effet, l’erreur courante consiste à prendre
les mots d’« organisation » et d’« information » dans leur
sens courant, et par conséquent à
objecter à mon raisonnement que toutes les sociétés, depuis la nuit des temps,
se sont toujours organisées, et que les hommes, depuis qu’ils sont hommes, n’ont
cessé de communiquer. Bel exemple d’anachronisme, « péché le plus
irrémissible d’entre tous » selon l’expression de Lucien Febvre, qui
paralyse la pensée ! D’une part, l’organisation ne relève pas simplement
de l’arrangement, de la mise en ordre voire de la division du travail, mais
prend la forme spécifique de la boucle de rétroaction ainsi que nous l’avons
vu. Et d’autre part, l’information telle que l’envisagent les cybernéticiens revêt
la forme abstraite issue de la révolution logique moderne évoquée ci-dessus. On
pourrait la définir comme un atome de
temps, c’est-à-dire un événement qui se laisse décomposer en un code
binaire appelant un traitement lui-même logique (programme ou algorithme). Si
donc la boucle de rétroaction se caractérise par la maîtrise et la régulation
de l’information, cela signifie que son fonctionnement consiste, au final, à
capter et à générer un nombre grandissant de codes. Par exemple, une grille
d’évaluation consiste à modéliser l’activité humaine, c’est-à-dire à prélever
sur cette dernière la seule part fonctionnelle (à l’exclusion, donc, de sa
dimension charnelle et de son caractère communautaire), si bien que les
décisions qui en résultent ne sont plus basées sur le réel, mais sur les
simulacres qui en tiennent lieu. De façon générale, la nature logico-formelle
de l’information conduit à son indifférence
quant à ses supports matériels : les mêmes processus sont en effet à
l’œuvre dans le cerveau humain, dans un système d’information d’entreprise ou
encore dans une voiture. C’est tout simplement l’épaisseur et la consistance du
concret, dont la traduction politique se nomme « subsidiarité », qui
disparaissent dans cette opération démiurgique de conversion ontologique. Pour conclure, je dirais que la
généralisation de ces processus m’amène ainsi à concevoir le monde contemporain
comme une gigantesque bulle spéculative :
façon de dire que l’acosmisme gnostique trouve dans la cybernétique et le
management une nouvelle et puissante actualité.
En
quoi le management produit-il une nouvelle configuration du monde ;
autrement dit, une nouvelle utopie capable de dépasser les limites de notre
imaginaire occidental ?
Il est de coutume de
confondre capitalisme et management : en fin de compte, le second serait
le bras armé du premier. Le raisonnement pourrait se justifier d’un point de
vue historique, mais me paraît limité sur le plan de l’analyse philosophique.
En effet, si le capitalisme, ainsi que l’indique son nom, a à voir avec le
capital et son accumulation, c’est-à-dire avec un système productif fondé sur le
travail abstrait et la sur-valeur (Livre I du Capital de Marx), le management, quant à lui, suit la finalité
générique de l’efficacité, ou encore de la performance, que celle-ci concerne
l’entreprise ou toute autre organisation (université, hôpital, associations,
collectivités...). Taylor, dès la préface des Principes, affirme bel et bien que le management a vocation à
s’appliquer à n’importe quelle activité humaine, c’est dire que l’impérialisme
lui est consubstantiel et qu’il ne connaît guère le sens des limites. Ainsi,
les expériences des disciples de Taylor portent-elles aussi sur le travail à
l’usine, ce qui ne nous surprend point, mais également sur le dressage de la
table (à une main, à deux mains ?), la vaisselle, l’organisation du foyer
domestique, etc. Ce dernier point n’a rien à voir avec l’argent, mais avec
l’efficacité, et même l’efficience : la réalisation d’objectifs qui
consomment le minimum de moyens (il est plus rapide de mettre le couvert à deux
mains, et cela libère du temps pour la réalisation d’une autre tâche :
c’est ce que Harmut Rosa nomme l’accélération
du monde qui, au sens strict, devrait être appelé sa
« densification »). Le premier aspect de l’utopie se formule ainsi :
tout comportement est efficace si on l’analyse du point de vue du management
scientifique.
Mais cela ne suffit
guère : en effet, comme l’a très bien vu le grand sociologue Émile Durkheim,
la division du travail et la spécialisation outrancière des tâches entraînent
une solidarité accrue entre les différentes parties du système productif :
chaque ouvrier devient en effet dépendant de celui qui le précède sur la ligne
d’assemblage pour travailler et gagner sa vie. Ce n’est donc qu’accessoirement que la performance est
individuelle car elle provient essentiellement
de la coopération des travailleurs. D’où l’adage de Taylor que l’on peut lire
dans les Principes :
« Harmony, not discord ; cooperation, not individualism »,
sentence qui rompt aussi bien avec l’individualisme libéral (politique,
économique et/ou culturel) et le marxisme qui élève la lutte en moteur de
l’histoire. En fait, l’ingénieur américain reformule à sa manière le projet industrialiste
de Saint-Simon qui voyait dans le travail moderne le
moyen effectif d’enfin parvenir à l’association universelle promise par le
christianisme primitif, mais dont la réalisation fut entravée par l’Église et
les institutions qu’elle inspira (comme l’État moderne). Voici donc l’utopie
industrialiste et managériale : l’efficacité
(et donc le bonheur) par la coopération sans médiation. Dit
autrement : c’est la promesse d’un Nouveau Monde, débarrassé du marbre des
palais de l’Europe, et dont les États-Unis sont la figure de proue.
Pourquoi
aborderez-vous la question du transhumanisme dans votre troisième volume ?
Pouvez-vous d'ores et déjà nous préciser le lien avec le management ?
Je crois pouvoir répondre à votre question à partir du personnage, trop
peu connu du grand public à mon sens, de Herbert Simon. Ce dernier obtint
le Prix de la Banque de Suède (faussement appelé Prix Nobel d’Économie) pour
ses travaux sur la rationalité limitée, appartient au cercle restreint des pionniers
de l’intelligence artificielle dans les années 1950, et, comme si cela ne
suffisait pas, fonda la discipline du comportement organisationnel qui détient
les clefs de l’anthropologie managériale. Comment alors rendre compte de
l’unité de la pensée de cet auteur en embrassant ces trois dimensions du
comportement administratif, de la rationalité limitée et de l’intelligence
artificielle ? Il s’agit d’une conception
cognitivo-comportementale de l’être humain, dont les soubassements sont
informationnels, et qui ouvre la voie à la création de techniques de
manipulation et de domestication de l’homme. Détaillons tout d’abord les
principes avant d’en venir à leur déclinaison opérationnelle.
Rationalité limitée : cela signifie que nos
capacités cognitives ne nous permettent pas de récolter toute l’information
présente dans l’environnement (on parle d’information imparfaite ou
d’information asymétrique) et que, quand bien même nous y parviendrions, nous
ne serions pas en mesure de la traiter pour rendre une décision optimale. On comprend
que Simon s’oppose ici aux économistes néoclassiques qui font le postulat d’une
information parfaite et d’une rationalité absolue. Mais l’on saisit également
que l’intelligence artificielle a précisément pour rôle de venir combler cette
lacune cognitive, d’une part en installant des capteurs artificiels qui
pallient les limites de nos sens, d’autre part en créant des algorithmes
capables de traiter l’information récoltée de telle façon qu’un cerveau humain
ne pourrait le faire. Mais qu’en est-il du comportement administratif rebaptisé
plus tard comportement organisationnel ? Eh bien, le raisonnement demeure
strictement identique : alors que l’intelligence artificielle joue le rôle
d’une prothèse extérieure, quand bien même elle se glisserait aujourd’hui sous
notre peau, le comportement organisationnel, quant à lui, étudie les
différentes formes de prothèse interne : à savoir l’intériorisation des
buts organisationnels par l’individu. En effet, une plus grande efficacité de
décision est atteinte, eu égard à la performance de l’organisation, quand le
salarié a internalisé les buts et les normes de cette même organisation. Ce
phénomène, Herbert Simon le nomme « docilité » qu’il
définit comme « la
tendance à se conduire d’une façon qui est approuvée socialement et à réfréner
les conduites qui vont dans un sens qui est désapprouvé ». La docilité se
nomme aujourd’hui, dans les articles et les ouvrages de comportement
organisationnel, « implication organisationnelle », « engagement
organisationnel », « citoyenneté organisationnelle »,
« attachement organisationnel », etc., et dans la bouche des gourous
du management, des consultants et des managers : savoir-être, agilité,
mobilisation. Il s’agit par conséquent d’un transhumanisme
cognitif dont la phénoménologie n’a pas l’évidence du transhumanisme
technologique « classique », mais dont le raisonnement sous-jacent demeure
tout à fait identique : plutôt que d’inscrire l’être humain dans une
communauté pour donner un sens à sa finitude, ce qui suppose donc de
l’appréhender comme un animal politique doué de parole, mieux vaudrait trouver
une solution technique et procédurale à ses trop nombreuses déficiences qui
l’empêchent d’être performant de façon optimale. On voit bien à quelle
involution peut alors conduire le raisonnement évolutionniste.
Comment
ont été reçus les deux premiers volumes, en particulier par vos collègues
spécialistes de management ?
Pour être tout à fait
honnête, très peu d’entre eux m’ont lu, et mes ouvrages ne déclenchent
manifestement aucun élan ni débat dans la communauté des sciences de gestion.
Je ne fais par ailleurs aucun effort pour faire connaître mon travail à
l’étranger, étant trop occupé à de multiples lectures ainsi qu’à l’écriture de
mes futurs ouvrages. Je fuis également les colloques universitaires, limitant
ma présence à un ou deux événements par an, ce qui, objectivement, est déjà
trop et, subjectivement, me coûte, car je les considère comme des cérémonies d’autocélébration
et de mise au pas. Et il va sans dire qu’il est tout à fait hors de question de
soumettre mes ouvrages à des concours ou à des processus de labellisation. De
façon générale, les tâches serviles de la valorisation me répugnent, les basses
besognes de la communication me fatiguent, je n’aime guère « y mettre du
mien », je déteste « arrondir les angles », je hais devoir
condenser ma pensée en quelques lignes ou en quelques minutes, et que dire de
mon aversion pour le putanat intellectuel
et le clientélisme généralisé de l’université et des media ? Tout cela,
c’est la société du spectacle qui est l’autre face de l’abstraction, de la
« séparation » dirait Debord, c’est-à-dire, au fond, du gnosticisme
postmoderne. La contrepartie du mépris que j’affiche pour mes contemporains se
paie logiquement de la relative confidentialité de mon travail.
Mon réconfort provient
plutôt des rares philosophes qui lisent mon travail, m’avouent l’apprécier sans
nécessairement en partager le fond, et plus encore de ces chefs d’entreprise et
de ces managers cultivés (je vous rassure, ces derniers, qui ne sont guère
légion comme vous pouvez l’imaginer, n’ont pas été formés dans des business schools) qui m’envoient des
témoignages de sympathie et m’assurent que mes ouvrages leur permettent de décrypter
leur quotidien en particulier, et le monde contemporain en général.
Après cet état des lieux de
la diffusion de mes livres, pas très glorieux il faut le dire, il me reste à remercier ceux qui n’hésitent
pas à promouvoir mon effort de pensée et à même lui conférer une certaine
publicité (au sens de « rendre public », bien sûr...) : mon éditeur
Frédéric Ovadia, Juan Asensio qui tient le tentaculaire blog Stalker,
Pierre-Yves Rougeyron qui conduit un remarquable travail à travers le Cercle
Aristote, Aude de Kerros, Charles de Meyeret, Rémi Soulié pour leurs
invitations respectives et renouvelées à Radio Courtoisie où le temps est
rarement compté (quel luxe !), quelques rares autres dont le nom, présentement,
ne me vient pas en tête, et, désormais, vous-même !
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