«
“Vous aurez toujours des pauvres parmi vous”. Depuis le gouffre de cette
Parole, aucun homme n’a jamais pu dire ce que c’est que la Pauvreté.
Les Saints qui l’ont épousé d’amour et
qui lui ont fait beaucoup d’enfants assurent qu’elle est infiniment aimable.
Ceux qui ne veulent pas de cette compagne meurent quelque fois d’épouvante ou
de désespoir sous son baiser, et la multitude passe ”de l’utérus au sépulcre“
sans savoir ce qu’il faut penser de ce monstre.
Quand on interroge Dieu, il répond que
c’est Lui qui est le Pauvre : Ego
sum pauper. Quand on ne l’interroge pas, Il étale sa magnificence.
La Création paraît être une fleur de
Pauvreté infinie ; et le chef-d’œuvre suprême de Celui qu’on nomme
Tout-Puissant a été de se faire crucifier comme un voleur dans l’Ignominie
absolue.
Les Anges se taisent et les Démons
tremblants s’arrachent la langue pour ne pas parler. Les seuls idiots de ce
dernier siècle ont entrepris d’élucider le mystère. En attendant que l’abîme
les engloutisse, la Pauvreté se promène tranquillement avec son masque et son crible. »
Léon
Bloy, La femme pauvre (1897)
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