vendredi 29 mai 2020

"Journal désinvolte" de Luc-Olivier d'Algange (VI)



Avec cette dernière partie, nous terminons notre série consacrée au superbe Journal de Luc-Olivier d’Algange. C’est l’occasion pour nous de le remercier une nouvelle fois et de rappeler que ces quelques pages glanées au vent sont d’une remarquable inactualité – les extraits proposés étant tous tirés du Journal du mois d’octobre 2016 ! A son invite, redevenons immémoriaux, au chevet des rois endormis et au milieu des herbes sauvages. 


   
Un autre monde

Ce temps qui nous est encore donné, - qu’en ferons-nous ?

*

Le privilège de l’auteur qui écrit, non ce qu’il faudrait écrire pour complaire à un public ou une idéologie, mais ce qui lui passe par la tête, sera de côtoyer, mieux que d’autres, les régions mystérieuses de son pays où, entre les feuillages, des passages s’ouvrent sur un autre monde.
Ne craignant guère d’être moqué par les plus sérieux, le loisir lui est donné de laisser venir à lui les signes et les intersignes qui rappellent à sa mémoire ce qu’il n’eut jamais l’occasion d’apprendre. Tels sont les symboles inscrits sur la pierre et l’écorce des arbres, la forme mouvante des nuages, les variations prodigieuse de la lumière au matin qui lui parlent de ce qu’il ignorait savoir, cette sapience encore familière aux hommes du Moyen-Age et que les modernes ont méthodiquement oubliée.
Or il suffit de s’abandonner à ce qui nous vient du monde pour que les secrets de nature se rappellent à notre bon souvenir. L’Ame du monde est messagère. Il nous appartient d’entendre ou de n’entendre pas ce qu’elle nous dit, avec cette douceur insistante, amoureuse.
L’Ame du monde, la Sophia, nous aimerait ainsi d’un amour méconnu, d’un amour que nous lui rendons bien mal depuis que nos consciences et nos volontés sont requises à planifier le monde et non plus à le contempler.


Eradiquer

Eradiquer est un mot moderne. L’esprit de vengeance y trouve sa raison d’exister. Tout ce que les modernes ne surent goûter et savourer du monde, ils ne se contenteront pas de le dénigrer ou d’en vouloir éloigner leurs semblables : ils voudront le détruire, non seulement dans ses manifestations mais dans son principe même.
Aussi bien est-ce à la défense du principe qu’il faut veiller plus qu’à celle des formes et des manifestations. Etre «  réactionnaire  » ne suffit plus. Ces formes et ces coutumes plus ou moins anciennes et vénérables, - auxquelles, certes, nous relie un attachement du sentiment, - si maltraitées, tant accusées et injustement méprisées qu’elles soient, au geste noble de les défendre il importe cependant de ne pas réduire notre veille ardente, notre combat.
Ce piège nous est tendu par nos pires ennemis qui voudraient bien nous voir réduits à quelque caricature de nos goûts pour ensuite nous balayer avec ce «  vieux monde  » qu’ils honnissent moins, en vérité, que l’éternité qui vient y miroiter, - et par laquelle, - ce que nous nommons Tradition, - tout se renouvelle.




Réactionnaires

De moins en moins nous sentons-nous concerné par le débat entre «  progressistes  » et « réactionnaires  », quand bien même aux seconds revient souvent la justesse d’un sentiment profond. Ce n’est pas à la forme à moitié détruite que va notre ferveur, et moins encore à la forme restaurée, muséologique, mais au frémissement, à l’élan, à la volte inspirée qui la fit naître, et sur laquelle, puisqu’elle «  gît au secret du cœur  » selon le mot de Mallarmé, nos ennemis ne peuvent rien.


Le secret du cœur

Le monde, il y a peu encore, était moins laid  ; mais cette moindre laideur ne vaut guère qu’on y sacrifie davantage qu’un déférent salut. Ce qui nous chante est de tout temps. Lorsque la «  défense des valeurs  » n’est plus que celle de séculaires habitudes bourgeoises, le moment est venu d’aller plus en amont, au-delà des siècles récents, vers ce plus loin qui est le proche «  secret du cœur  », et de n’être plus seulement conservateurs ou réactionnaires voués à disparaître sous les assaut de la technique et de la morale vengeresses mais sourciers et argonautes, littéralement immémoriaux, - ayant fondus ensemble, d’un feu alchimique, la nostalgie et le pressentiment.
En nous, en attente, vigueurs, vertus et puissances, ces ressources du chant qui, dans l’amitié des Muses Héliconiennes furent déposées, afin d’être éveillées et ravivées, dans notre langue natale et dans les grands silences d’or et de nuit où elle navigue, dans nos songes, à notre insu. 





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