Générosité
Devant
l'obstacle ou l'inimitié, le caractère faible se réfugie dans les généralités.
L'idée lui vient de changer les lois, de théoriser de grands ensembles alors
qu'il eût été préférable de répondre de façon directe et précise. Ce ne sont
pas les lois et le droit qui font défaut mais, surtout, leur bon usage; ce ne
sont pas les idéologies qui manquent mais le juste instinct, l'intuition, - la générosité,
au sens étymologique, qui ne consentirait pas à la disparition de la
civilisation qu'elle créa et dont elle sera, peut-être, recréée.
Vivre
ensemble
On
nous rebat les oreilles avec le « vivre ensemble » qui, dans l'esprit de ses apologistes,
consiste surtout à tolérer ceux qui ne nous tolèrent en rien. Mais, au fait,
« vivre ensemble », - dans quoi ?
Jamais
n'est évoqué le tiers-inclus de cette dualité « eux et nous
» sur laquelle les discours, qu’ils fussent belliqueux ou moralisateurs, se
multiplient… Or, le troisième terme n'est autre que la civilisation, ou,
plus exactement, en l'occurrence, une civilisation, la nôtre, française
et européenne, avec sa profondeur temporelle, ses œuvres, son exercice de
libertés chèrement conquises et qui n'ont rien d'abstrait. Hors cet espace, qui
est un espace-temps, historial, selon le mot de Heidegger, avec ses
mythes et ses légendes, le « vivre ensemble » tant vanté ne sera
jamais qu'un mourir ensemble pour, et par, les moins résolus et les plus
oublieux.
On
entend souvent reprocher à l’œuvre de Balzac ses longues descriptions. Outre
que chaque détail d'entre elles offre un indice digne du chevalier Dupin
ou de Sherlock Holmes, et dont le sens se prolongera dans la suite du récit,
cette longueur est bien relative, - et relative au regard. Ces cinq ou six
pages, par exemple, passées à décrire la façade d'un immeuble, et qui
représentent, disons, un quart d'heure de lecture, ne sembleront longues qu'à
ceux qui sont habitués à « cliquer » ou à « zapper » et
dont l'attention est incapable de se fixer, de contempler et d'interpréter. L'expérience
antérieure manque. Celui qui ne peut consacrer son regard à s'attarder un
quart d'heure sur une façade, un arbre, une pierre ou n'importe quoi d'infime
ou d'immense dans le monde visible, sera incapable, plus encore, de donner ce
temps à des pages qui n’entrent dans la considération du visible que pour mieux
nous entretenir de l'invisible.
L'air
de l'âme
«
La cause de Fiume n'est pas la cause du sol, écrivait D'Annunzio,
c'est la cause de l'âme ». Sans doute faudrait-il inventer, et surtout
pratiquer, une écologie ou une diététique de l'âme. Ceux-là même sourcilleux
quant à la provenance et la composition de leur nourriture, inquiets, à juste
titre, de la pollution des airs et des eaux, semblent, par contraste,
singulièrement peu attentifs à l'air de l'âme, à tout ce qui la nourrit
et l'environne, à commencer par leur langue natale, altérée, polluée, asséchée,
défigurée, uniformisée, comme le sont aussi les paysages urbains.
L'âme
est « inspir » et « expir ». Humaine, elle est ce
dialogue amoureux avec l'Ame du monde que tout conjure aujourd'hui à obstruer,
par le jargon, la technique, les écrans et la résurgence d'une bêtise puritaine
et barbare.
Honorons,
tant qu'il est encore temps, par quelques scintillements de plaisirs et de
mots, la source de Mnémosyne, l'écume de la déesse Aphrodite et la nuit
dionysienne ou orphique, - où veillent ce que les résignés n’attendent plus : un
recours, une mémoire, une parole perdue.
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