mercredi 31 mars 2021

La tribune d'Emile Boutefeu


L'âge qui vient angoisse Emile, au point qu'il nous a proposé cette caricature de lui-même. Nous en sourions mais n'en croyons rien bien sûr : Emile est le plus taciturne, le plus sec, le plus vigoureux d'entre-nous. Mais il est toujours plus prudent de prendre Emile au sérieux, surtout quand il s'angoisse, aussi avons-nous accepté de publier son poème :


La force de l’âge

(caricature)

 

Il n’est qu’un tronc, - ou plutôt, une barrique

vissées aux côtés, deux minces tiges : ses bras

un peu plus bas : pattes à panards

de jour, rubicond, il plastronne, pontifie

de nuit, blême, il enrage en bandant mou

 

 


Retrouvez Emile Boutefeu dans le dernier Idiocratie, 
le numéro Moins Deux !
https://www.helloasso.com/associations/idiocratie/paiements/idiocratie-numero-moins-deux

 

Depuis le début de la semaine, vous pouvez également trouver le dernier numéro d'Idiocratie à la librairie "1909" qui, après un déménagement et de longs mois de confinement, a réouvert au 5 rue Dahomey dans le 11ème arrondissement.

Cette librairie spécialisée dans l'underground littéraire et musical, propose une sélection de pièces rares et de curiosités qui enchantera les collectionneurs d'étrangetés. A signaler que la librairie accueillera des évènements et expositions dès que le contexte sanitaire le permettra.

 

 

lundi 29 mars 2021

La solution (2)

Au début de la séquence sanglante des attentats en tous genres qui, depuis bientôt sept ans, ensanglantent le pays, quand, le 20 décembre 2014, un individu attaquait avec un couteau le commissariat de Joué-lèsTours (Indre-et-Loire), et blessait trois policiers avant d’être neutralisé, médias et politiques usaient encore à tout va d'un nouvel élément de langage, attribuant les attaques à des 'déséquilibrés', afin de marteler que jamais, non jamais, ces actes violents n'avaient eu le moindre rapport avec l'Islam, religion de paix et d'amour. Après quelques centaines de morts et face à un débordement d'amour incontrôlable, il fallut bien appeler les déséquilibrés par leur nom – djihadistes ou islamistes – et admettre, petit à petit, attentats après attentats, que oui, alors, peut-être que, on pouvait admettre que, puisque les terroristes avaient la mauvaise habitude de s'encourager d'un cordial « Allahu Akbar » au moment de commettre leurs tueries, il était possible que ces actes de violence et ses assassinats aient un tout petit peu à voir avec l'islam même si on n'était pas tout à fait sûr. Aujourd'hui, le gouvernement a changé son fusil d'épaule et notre Ministre de l'Intérieur fustige tant qu'il peut les dérives de l'islam identitaire, au point de faire passer Marine Le Pen pour une baba-cool multikulti quand il débat avec elle de l'immigration et de l'islam. Mais quelle que soit la position affichée par nos représentants politiques, en fonction de la proximité des prochaines élections présidentielles, l'islam politique ne désarme pas et le djihadisme rampant continue à ramper tant qu'il peut jusqu'au seuil de nos chaumières.

 

Comment faire dans cette situation désespérée ?

 

Une fois de plus Idiocratie vous apporte, chers lecteurs, la solution.

 

Un peu de modestie. La solution a été trouvée depuis fort longtemps par un géant du cinéma français, qui nous a quitté trop tôt, depuis 18 ans bientôt, le 23 mai 2003. Il s'agit de Jean Yanne et de son immortel chef d'oeuvre  Les Chinois à paris.

 


En 1974, Jean Yanne imagine, dans Les Chinois à Paris, une Europe envahie par l'armée chinoise. La France ne tarde pas à être victime à son tour du nouvel envahisseur et, après avoir rapidement délivré un message d'encouragement à ses concitoyens, le Président de la République incarné par Bernard Blier s'embarque au plus vite dans le dernier avion en partance pour New-York, laissant le pays face au nouvel occupant et les Français partagés comme d'habitude entre passivité, collaboration ou résistance. Le personnage incarné par Jean Yanne lui-même dans le film choisit très nettement les avantages procurés par la collaboration et s'évertue à entretenir les meilleures relations avec le nouveau maître chinois. Mais pour finir, alors que les autorités maoïstes cherchent à éradiquer la résistance qui s'organise face à l'invasion, notre profiteur de guerre a l'idée de génie de proposer aux intransigeants dirigeants chinois de faire de la France une sorte de réserve, une enclave livrée au libertinage et à l'esprit de jouissance, afin d'offrir au monde le spectacle d'un pays qui n'aura pu être sauvé de sa déliquescence morale par l'entreprise régénératrice de la révolution mondiale. Il s'agit de conserver, dans un monde enfin tout entier ouvert à la vérité profonde du maoïsme, une enclave de barbarie capitaliste qui offrira au monde le contre-exemple parfait d'une nation rongée par la décrépitude morale, face à l'harmonie globale et au bonheur éternel apporté par le maoïsme.

Évidemment, en 1974, il s'agissait surtout pour Jean Yanne de se foutre de la gueule des post soixante-huitards et de tous les abrutis qui, à l'instar de Philippe Sollers, Jean-Paul Ribes et bons nombres d'universitaires, artistes et intellectuels, se sont agenouillés dans les années 1970 devant la « pensée Mao Tsé-toung » avant que le méchant système capitaliste qu'ils honnissaient leur offre de confortables maroquins et la possibilité de continuer à jouir sans entrave tout en devenant des gens respectables. Aujourd'hui, malheureusement, Philippe Sollers et Jean-Paul Ribes sévissent encore tandis que Jean Yanne nous a quitté. Mais il nous aura au moins livré la clé du bonheur avant d'abandonner ce monde, où la France fait face à des périls qui, admettons-le, sont insurmontables.



Il est évident que notre pays qui s'est vautré trop longtemps dans le confort et la décrépitude morale, n'est plus aujourd'hui que l'ombre de ce qu'il fut. Patrie du libertinage, de la laïcité et des grèves à répétition, la France est une constante insulte à la rectitude morale de nos fiers djihadistes, qui ne supportent plus de voir un peuple de franchouillards dégénérés s'empiffrer en toute impunité de cassoulet et de gros rouge et avoir l'outrecuidance de laisser ces ignobles manipulatrices perverses que sont les françaises exposer en toute occasion leur chair impie pour mettre constamment à l'épreuve les bons croyants et autoriser de plus, péché suprême, ces femelles dévoyées à s'exprimer en public, avec les cheveux dénoués en plus. Ces fiers combattants de la Vraie Foi sont rejoints dans leur juste combat par les courageuses et courageux représentant.e.s du féminisme et de la gauche wok qui pensent que la féminisation à outrance du corps féminin est une insulte à la féminitude et qu'il serait temps de mettre en place une sorte de théocratie du Politiquement Correct pour mettre un terme à cette insupportable sexualisation qui pervertit les rapports hommes-femmes.

La solution est en réalité fort simple. Laissons ces courageu.s.es combattant.e.s de la Vraie Morale aménager le monde selon les principes infiniment sages du Prophète, loué soit Son Nom, ou selon les vertus de la religion non-cisgenre-féministe-LGBTQZ+C3POR2D2, ou même selon les principes incontestables de la pensée Xi Xinping, peu importe en fait, qui gagne à la fin. 

L'important c'est que, dans le prochain régime totalitaire idiocratique mondial qui nous attend, la France puisse faire office de contre-exemple offert à l'éducation des masses, et constituer une sorte de réserve dans laquelle on continuera à tolérer tous les comportements déviants, les micro-agressions en tous genres, la consommation d'alcool et de nourriture hallal, les femmes qui s'exhibent et qui parlent trop fort, les blagues de mauvais goût et les propos offensants. Les nouveaux bâtisseurs du monde mettront l'univers en coupe réglée comme le veut la volonté du prophète ou bien celle de Caroline de Haas et, dans ce paradis islamiste, néoféministe ou néomaoïste, la France deviendra une sorte de zone interdite livrée à la corruption, au patriarcat blanc dévergondé, aux femmes impures et à tous les épouvantails que brandissent nos nouveaux totalitarismes. Leurs grands prêtres nous observeront avec mépris, leurs fidèles détourneront pudiquement le regard. Leurs théoricien.ne.s ne voudront même pas évoquer le nom de cette contrée perdue pour l'humanité.

 

Et nous aurons enfin la paix.

 

 

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dimanche 21 mars 2021

Braises anarchiques 10

 


 

                                                    Je plonge

                                                    Dans le noir abîme

                                                    Heureuse diablerie

                                                    Que cette chaude fontaine

                                                    Au goût d’étoiles mûres

                                                    Tombant de la nuit

                                                    De toutes les nuits

                                                    Dans la bouche

                                                    Au goût sucré

                                                    Des vies consumées. 

 




 

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dimanche 14 mars 2021

Mon Dieu qu'il est farce !

Les Idiocrates aiment la farce mais de mauvais goût, potache, sinistre, brutale, médiévale, calomnieuse, scandaleuse, décourageante pour les meilleures volontés; la farce qui salit, souille les justes causes comme les bonnes réputations; la farce qui nous entraîne,  sans retour possible, loin, très loin de toute velléité d'humour bon enfant.

 


 

Jean-Noël Jeanneney :

Vous avez déniché un texte assez surprenant où Hitler dit : « Au cas où, par malheur, notre entreprise millénaire rencontrerait un échec, cela fera de magnifiques ruines. »

 

Johann Chapoutot :

 

De telle sorte que, dans le programme architectural nazi confié tout d’abord à Troost puis à Speer – puisque Troost meurt en 1934 –, le ruinisme est un programme, la ruine est déjà prévue, voire désirée, c’est-à-dire que Hitler demande à Speer de construire des édifices avec des matériaux et une architectonique tels que les ruines de ces édifices ressembleront à des ruines romaines. Speer s’exécute, il construit des essais, les fait dynamiter, puis fait ensuite des croquis en les recouvrant de lierre et les présente à Hitler, qui est très content puisque, de fait, les ruines de ces édifices ressemblent à des ruines romaines. Autrement dit, ce qui est important avant tout, c’est le Reich de mille ans, mais, une fois que ce Reich de mille ans n’est plus possible – et Goebbels le dit très explicitement au printemps 1945 –, ce qui compte désormais c’est un mythe de mille ans pour les siècles des siècles.

 

 




 

 

dimanche 7 mars 2021

Les Chants du pauvre Yunus

 

Dans l’Antimanifeste, nous avons dressé la cartographie spirituelle du royaume des idiots, qui flottait dans les espaces de l’imaginal, pour l’opposer à l’emprise matérialiste de l’idiocratie, qui se répandait à la surface du monde – les simples d’esprit contre l’orgueil des sachants. En guise de filiation secrète, le prince Mychkine et Don Quichotte se disputaient le droit d’explorer le monde pour se découvrir anéantis par celui-ci, tandis qu’à l’autre bout du spectre Beckett se moquait de ces êtres qui ne sont qu’une « poussière de verbe, sans fond où se poser ». Il y a toujours un vide quelque part, où tomber. Les imbéciles mystiques ne le savent que trop bien : Machrab titube tout le long des sentes de l’Anatolie, Li Po s’émerveille des cimes tremblantes la tête dans le fossé, Ma’Arrî se perd pas dans l’éternelle nuit noire, Pessoa attend la diligence de l’abîme, etc. Nous avions oublié dans cette galerie des âmes les pas légers du pauvre Yunus qui dansent parmi les astres. Lui, marchait, brûlant, brûlant, barbouillé de sang, ni sage ni fou, et se tournait vers nous, souriant, pour dire : « Vois ce que l’amour a fait de moi ». Pour lui rendre hommage, du royaume où il vagabonde, comme l’oiseau sort de sa cage, nous entendons ces poèmes enlevés, et trinquons à son feu, « comme ivres de l’élixir d’éternité ».

*****

           A nouveau tu es ivre, Yunus

 

Dans le cœur des saints

         le roi a ouvert boutique

Combien d’hommes y sont passés

         puis comme nous repartis

 

Les saints ont pris leur vol

         franchi les montagnes, les plaines

Au chaudron de l’amour ils ont bouilli

         et voici qu’ils sont cuits

 

Les affaires de ce monde

         sont comme un corps souillé

Les chiens se jettent sur l’ordure

         l’ami du Vrai s’enfuit

 

Qui ne s’est abandonné

         est-il un amoureux

Celui seul qui supporte le blâme

         on peut dire qu’il sait aimer

 

« Ah, Yunus, te voici ivre encore

         « tu as le visage de Taptuk

« A son cœur tu t’es désaltéré

         « vois, une gorgée a suffi à t’enivrer »

 

*****

 

        J’ai vu le visage de l’Aimé

 

Ah, mon Ami, dans l’océan de ton amour

         entrer, sombrer – danser

Les deux mondes un seul espace

         mener la ronde – danser

 

Entrer dans l’océan, sombrer

         ni un ni deux, ni ceci ni cela

Rossignol au jardin de l’Ami

         cueillir des fleurs – danser

 

Beau rossignol chanter

         saisir les cœurs, gagner les âmes

La tête blottie dans ma main

         offert à ton chemin – danser

 

Beau rossignol tomber

         combien de cœurs lui conduirai

Mon visage doucement vers la terre

         le mener avec amour- danser

 

J’ai vu le visage de l’Aimé

         goûté la saveur de la rencontre

Ah, l’abandonner enfin cette ville

         du mien, du tien – danser

 

Yunus est un perdu d’amour

         des malheureux le plus démuni

Elle est en Toi ma guérison

         simplement demander – danser

 

******

         Ces deux poèmes sont tirés de Yunus Emre, Les Chants du pauvre Yunus, traduit du turc et présenté par Gérard Pfister, Arfuyen, 2004.

 


         Pour aller plus loin, on ne saurait que trop conseiller Les poèmes spirituels de Yumus Emre, traduction de Paul Ballanfat, dans la superbe collection « Théôria » dirigée par Paul-Marie Sigaud, L’Harmattan, 2020.