mercredi 7 avril 2021

La solution (3) - Les hackeurs russes

 

17 mars 2020. 12h. Les Français découvrent le premier confinement. Bouclage quasi complet : pas d'école, pas de parcs, pas de bibliothèque, pas de bars, pas de restos et surtout pas de sorties, limitées à une heure et une fois par jour. Le Ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, annonce avec emphase, dès le 9 mars : « Nous avons préparé tout un système qui nous permet de suivre les élèves à distance, donc il y a tous les programmes, de la grande section de maternelle à la terminale (…) c'est un système qui permet aussi le cours en ligne, donc vous voyez votre professeur, vous pouvez lever la main, vous pouvez poser des questions, il y a une interactivité complète. »1   

18 mars 2020. 12h. La plate-forme du CNED (Centre Nationale d'Enseignement à Distance), les plates-formes des ENT (Environnements Numériques de Travail des établissements scolaires) plantent. En lieu et place de l'enseignement distanciel qui devait se mettre en place dans l'harmonie et l'efficacité pour 12 millions d'élèves et 1 million de professeurs, c'est le règne du « démerdentiel » qui commence et chacun bricole dans son coin de manière totalement anarchique pour permettre au ministre de tirer un bilan satisfaisant le 27 août 2020 : « Quand vous dites les élèves ont été privés d'école pendant six mois, c'est une phrase un peu trop schématique, parce que, fort heureusement, tous les efforts par… il y a 1 million de personnes qui travaillent pour l'Education nationale, et puis aussi les parents d'élèves d'ailleurs, tout ceci a permis, heureusement, qu'il y ait quand même un peu de retour à l'école, et on est un des pays, voire le pays, qui a le plus déconfiné sur le plan scolaire (…) et puis deuxièmement, le système s'est mieux préparé pour ce qui arrive maintenant. »2

1er avril 2021. Les français découvrent que le troisième confinement n'est pas une blague

6 avril 2021. Retour à l'enseignement distanciel. La plate-forme du CNED (Centre Nationale d'Enseignement à Distance), les plates-formes des ENT (Environnements Numériques de Travail des établissements scolaires) plantent. Pour justifier la répétition à l'identique, un an plus tard presque jour pour jour, du scénario catastrophe de mars 2020, Jean-Michel Blanquer a pointé du doigt auprès de franceinfo "des attaques informatiques apparemment venues de l'étranger pour empêcher les serveurs de fonctionner". A ce stade, et face à cette explication que même le plus cancre des cancres n'aurait pas osé servir à son prof pour justifier un travail non rendu, on serait tenté de penser que Jean-Michel Blanquer est un blaireau. Ce serait faire erreur. Bien au contraire, le ministre de l'Education nationale, face à une situation compliquée, a su trouver LA SOLUTION. Et cette solution se nomme :


LES HACKEURS RUSSES



C'est bien connu, la Russie est le pays de l'alcoolisme, des comportements irresponsables sous l'emprise de l'alcool, du totalitarisme sous l'emprise de l'alcool, des accidents nucléaires sous l'emprise de l'alcool et c'est également la patrie des hackeurs. Quand quelque chose ne fonctionne pas dans le monde, que cela soit les élections présidentielles américaines ou « Ma classe à la maison » en France, il est évident que, quelque part dans une base militaire soviétique abandonnée en Sibérie, un hacker a mis sa capuche sur sa tête pour semer le chaos dans le bel ordonnancement du monde et pour nous pourrir la vie à tous.





Il existe bien entendu une forme de hiérarchie chez les hackeurs, même russes. Le hackeur russe confirmé s'attaque à des cibles prestigieuses : le Pentagone, la CIA, la démocratie. Mais on ne devient pas comme cela, du jour au lendemain, un hackeur russe confirmé. Il faut des années d'expérience et des litres de vodka avant de pouvoir prétendre devenir le nouvel Hackerman venu du froid. En attendant de pouvoir être pleinement reconnu par ses pairs, le hackeur russe stagiaire devra se faire la main sur des cibles moins prestigieuses : la campagne présidentielle d'Emmanuel Macron en 2017, les élections municipales à Paris (avec l'aide de Benjamin Griveaux) ou le dispositif « Ma classe à la maison » et l'ENT du collège public de Burmin-les-Grovilles.

Depuis la nuit des temps, la Russie répand le chaos dans le monde. Et elle continue aujourd'hui à déstabiliser le cyberespace, jusque dans les moindres détails. Il n'est donc pas un problème, une seule défaillance, que vous ne puissiez attribuer à un hackeur russe.

Votre chef de service vous demande pourquoi vous n'avez toujours pas complété le dossier qu'il vous réclame depuis trois semaines ? C'est un hackeur russe qui l'a piraté.

Vous n'avez pas rendu votre devoir à votre prof de maths ? Ce sont les hackeurs russes qui l'ont volé.

Vous n'avez pas répondu au mail de la compta depuis six mois ? Les hackeurs russes, encore.

Vous avez perdu les élections présidentielles aux Etats-Unis ? Les hack...Ah non ça pardon, c'est la faute du Deep State, on en reparlera une prochaine fois.

Votre épouse trouve dans votre téléphone des selfies de votre maîtresse de 22 ans en bikini ? Les hackeurs russes ont pris le contrôle du téléphone, payé la maîtresse et piraté votre épouse ainsi que la démocratie.

Vous n'avez pas de maîtresse de 22 ans ? Les hackeurs russes ont piraté votre mojo.

Votre dispositif national d'enseignement à distance se vautre encore lamentablement, démontrant qu'en un an vous n'avez rien foutu hormis envoyé des mémos à la Com' pour gérer la situation à votre place ? La Com' vous fournit la réponse : c'est la faute des hackeurs russes.

« Il n'est pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout », disait l'excellent Henri Queille, homme politique français, plusieurs fois ministre sous la IIIe et la IVe République. Nous pouvons actualiser quelque peu sa citation. Si, de nos jours, vous vous sentez stressés par notre société hyperconnectée, par le télétravail, par le téléenseignement, par le fait de devoir constamment être "en agilité", en réactivité, en flexibilité, en proactivité et en cyberesclavage, rappelez bien de cela :


« Il n'est pas de solution dont la présence des hackeurs russes ne finisse par venir à bout. »





La classe est terminée mes chers enfants, à bientôt pour notre prochaine séance de téléenseignement idiocratique.




1 Interview de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à France 2 le 9 mars 2020

2 Interview de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à France Inter le 27 août 2020

 

 

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