Les
médias The Mirror et The Telegraph ont rapporté les
craintes exprimées par des ministres britanniques de voir les gaz de flatulence
constituer un vecteur de transmission du coronavirus, en particulier dans les espaces
confinés comme les toilettes. Un des ministres a évoqué "des cas bien
documentés de maladies se propageant par les conduites d’évacuation… à Hong
Kong ", rapporte The Mirror[1],
ainsi que d'autres "trucs d’apparence crédible", glanés sur Internet.
Le British Medical Journal[2],
qui s'est intéressé à la question, rapporte une expérience de Luke Tennent, un
microbiologiste de Canberra (Australie). Ce dernier a demandé à un collègue de
péter à cinq centimètres de distance dans deux boîtes de Pétri[3],
une fois habillé et une fois avec le pantalon baissé. Durant la nuit, des
bactéries habituellement présentes dans les intestins et sur la peau ont germé
dans la deuxième boîte de Pétri. Les scientifiques responsables de l'étude en
ont conclu que le pantalon demeurait une protection efficace contre les gaz de
pets et les bactéries qu'ils transportent.
Dans
le contexte épidémique actuel, les dirigeants politiques des pays touchés par
le coronavirus ont immédiatement annoncé des mesures visant à réduire les
risques de contamination au Covid-19 par les gaz de flatulence. Le premier
ministre britannique Boris Johnson a purement et simplement décidé d'interdire
le port de la jupe sur tout le territoire du Royaume-Uni. L'Union Européenne a
renchéri en proposant une directive imposant le port de la combinaison de ski
sur les plages en lieu et place du maillot de bain partout sur le territoire de
l'UE. En Belgique, les amateurs de sports extrêmes se sont désolés de
l'interdiction, décrétée par la municipalité, du championnat du monde de pets,
qui a lieu tous les ans à Liège[4].
« Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse d'autre pour s'occuper à
Liège ? Il ne nous reste plus rien », s'est désolé un fidèle de la première
heure au micro de la RTBF.
En
France, le ministre de la Santé Olivier Véran a également présenté devant
l'Assemblée nationale un texte de loi visant à interdire la vente de certains
plats et aliments, parmi lesquels figurent le cassoulet, les haricots lingots
cuisinés à la graisse de canard, la choucroute, les choux de Bruxelles, les
lentilles et toutes les recettes à base d'oignon, ail, salsifis ou pois
chiches. L'association des restaurateurs et défenseurs de la cuisine du
sud-ouest ont sur le champ émis des protestations officielles, balayées d'un
revers de la main par Olivier Véran face aux députés. « Nous sommes au
bord d'une nouvelle vague » a-t-il proclamé, avant de se diriger
précipitamment vers les toilettes du Palais Bourbon.
En
complément de ces mesures, le gouvernement français a annoncé envisager
d'équiper tous les lieux publics, centres commerciaux, cafés, restaurants,
écoles, hôpitaux et salles de spectacles de « sièges à dispositifs
déflatulatoires » qui, raccordés par le moyen d'un drain au tube digestif
des clients, assure une protection « à 98% », assure Santé Publique
France, contre la contamination par les voies aériennes basses. La mesure se
heurte néanmoins à un problème de taille : ces appareils ne sont fabriqués
qu'en Chine. Elle a par ailleurs entraîné des manifestations dans toute la
France pour protester contre « une nouvelle initiative du gouvernement qui
s'attaque au fondement même de nos libertés », a déclaré le leader de
Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan. Lors d'une manifestation organisée
place de la République à Paris, Francis Lalanne a de nouveau prononcé un
discours enflammé, appelant « tous les amis de la liberté à aller faire
tout péter à l'Elysée pour protester contre la nouvelle dictature gastrique
que nous impose le gouvernement. » Le chanteur a conclu par l'un des
messages cryptiques dont il a le secret : « on me dit que pétrir,
c'est modeler. Moi je crois que péter, c'est démolir. »
Face
à la grogne montante et aux protestations, le gouvernement a tenu à afficher sa
fermeté. Invité au journal de 20h de France 2, le premier ministre Jean Castex
a martelé qu'il serait « intraitable avec les terroristes qui, au nom de
leurs idées, veulent continuer à lâcher impunément des caisses dans les
ascenseurs. » Emmanuel Macron a fustigé l'égoïsme et l'irresponsabilité de
ceux qui « mettent en danger la vie de tous nos concitoyens en pensant qu'on
peut se soulager en tout lieu et en toute occasion sans assumer les
conséquences de ses actes. » Le chef de l'Etat a condamné avec virulence
le manque de civisme d'une partie des Français. « De plusieurs régions de
France, je sens se lever depuis quelques semaines un vent mauvais »,
a-t-il gravement conclu. Le très médiatique Didier Raoult, directeur de l'IHU
Méditerranée a annoncé qu'il venait de développer avec l'un de ses collègues un
traitement à base de pilules à la chlorophylle, « efficace à 100% »
contre ce nouveau vecteur de contagion du coronavirus[5].
La communauté médicale n'a pour le moment pas réagi à l'annonce du controversé
médecin marseillais.
L'un
des problèmes annexes posés par l'actuelle pandémie est la difficulté à
appréhender réellement ce phénomène pour un public, mais aussi des élites, en
grande majorité non spécialiste des questions médicales et épidémiologiques. La
communauté médicale elle-même a souvent donné l'impression d'être dépassée et
hésitante, depuis le début de l'épidémie – en témoignent les innombrables
cafouillages de l'OMS, voire son noyautage pur et simple par la Chine – on réalise donc sans peine à quel point il est
difficile de concevoir cette crise et ses conséquences dans sa globalité même
pour les observateurs non initiés. Pourtant, depuis le début de la crise
sanitaire, les commentaires se sont multipliés à une vitesse ahurissante, des
armées d'experts ont défilé sur les plateaux de télévision, les réseaux sociaux
se sont peuplés de spécialistes autoproclamés, ayant bénéficié d'une formation
accélérée sur Wikipédia. Bref, et plus que jamais, nous nous sommes
entreglosés, comme l'aurait écrit Michel de Montaigne, et cette inflation
démesurée d'avis aussi définitifs que contradictoires n'a fait que rajouter de
la confusion à l'angoisse pour des populations ballottées de confinement en
pass sanitaire, animée par un ressentiment de plus en plus profond, travaillée
par une incompréhension de plus en plus marquée des politiques sanitaires
suivies successivement par nos gouvernements.
L'auteur de cet article est dans
la même situation que l'immense majorité de ses concitoyens : sa formation
scientifique sur ces sujets est nulle, la valeur de ces hypothèses sur la
question est donc proche de zéro. Comme une grande partie de la population
française, la première réaction de l'auteur de ces lignes après les annonces
d'Emmanuel Macron le 12 juillet a été la fureur et, encore et toujours,
l'incompréhension. Au moins, la stratégie
suivie par le gouvernement apparaissait claire : provoquer sciemment la
psychose par l'annonce d'une série de restrictions très dures pour les quelques
40% de Français et de Françaises n'ayant même pas reçu une dose de vaccin à la
mi-juillet même si ces mesures se révélaient en l'état inapplicable dans un
délai aussi court. Dans le même temps il s'agissait d'éviter le piège d'une
proclamation officielle, et potentiellement aussi illégale
qu'inconstitutionnelle dans une démocratie libérale, de la vaccination
obligatoire par décret présidentiel. Le gouvernement s'est donc contenté
d'annoncer que le quotidien des non-vaccinés deviendrait un enfer si les
réticents persistaient dans leur défiance.
La
fureur dominait donc après ces annonces. Et les questions, qui semblaient
d'autant plus urgentes que l'envahissante influence des réseaux sociaux et la
fortune toujours grandissante des théories du complot disqualifie désormais
toute forme de questionnement pour établir en lieu et place du débat un
binarisme de pensée effrayant : antivax contre provax. Fermez le ban.
Pourquoi donc médias et politiques n'évoquent que la hausse des contaminations,
sans jamais souligner la stagnation des admissions à l'hôpital ? Pourquoi
semble-t-on oublier, en dépit des exemples fournis par
le Royaume-Uni, Israël, l’Uruguay, le Chili, etc...que les vaccins ont pour fonction première de prémunir contre les
formes graves de la maladie sans toutefois prémunir totalement des
contaminations ? Pourquoi imposer des mesures aussi drastiques pour
imposer sans le proclamer officiellement une vaccination obligatoire et un pass
sanitaire ? Les imbéciles qui acclamaient Francis Lalanne lors des
manifestations du samedi 17 juillet n'ont-ils pas finalement raison de crier à
la dictature ? La fureur est mauvaise conseillère néanmoins et puisqu'il
s'agit ici de réfléchir honnêtement à la question, il faut le faire en adoptant
la seule attitude intellectuelle qui soit et qui consiste à remettre en cause
non pas les hypothèses des autres mais les siennes.
Au
lendemain du 12 juillet, mon hypothèse était donc la suivante : la
majorité des personnes âgées et celles qui sont les plus vulnérables aux formes
graves du virus ont été vaccinées en France. Le nouveau train de mesures annoncés
par Emmanuel Macron consiste donc à accélérer la campagne de vaccination pour
en finir au plus vite avec l'épidémie, afin de pouvoir faire de sa résolution
l'argument de campagne principal des Présidentielles de 2022. La proposition
contient sa part de vérité. Mais tout aussi sûrement sa part de caricature.
Vérifions-là en commençant une petite enquête.
L'enquête
commence
A en
croire les statistiques fournies par l'INSEE ou Santé Publique France, 73% des
décès dus au Covid-19 sont constatés chez les plus de 75 ans. La surmortalité
enregistrée en 2020, 56 000 décès de plus qu'en 2019 (sur un total de 669 000,
toutes causes confondues, pour 2020), touche aussi très inégalement les classes
d'âge : elle s'établit à +4% chez les 60-69 ans, +14% chez les 70-79 ans,
+9% chez les 80-89 ans et +12% au-delà. Au total, note l'INSEE, les décès des
plus de 70 ans ont augmenté de plus de 52 100 en 2020, pour représenter une
forte part de la surmortalité la plus importante observée en France depuis 70
ans. On comprend donc à la lumière de ces chiffres à quel point la maladie du
Covid-19 touche toujours en priorité les tranches d'âges les plus âgées.
Néanmoins, la vaccination des plus jeunes, jusqu'aux 12-18 ans pourrait
répondre à plusieurs impératifs, pas forcément médicaux, puisque le premier de
ces impératifs était d'éviter de discriminer les plus âgés et les plus
vulnérables en leur imposant à eux seuls les mesures de restrictions et de
distanciation sociale et la vaccination. Au lieu de cela, le principe d'égalité
a divisé aujourd'hui plus proprement la population en deux : ceux qui sont
vaccinés et ceux qui ne le sont pas.
A ce
point de la réflexion, je vois, entre moi et l'objet de mon étude dépassionnée,
s'interposer le masque antipathique de Bernard Kouchner qui a tenu à la ramener
une nouvelle fois, alors que tout, dans les événements récents, devrait amener
cette vieille crapule à faire profil bas. Au lieu de cela, Kouchner prend la
parole dans les médias pour dénoncer les « traîtres » qui ne sont pas
vaccinés. Voilà que la fureur m'envahit à nouveau et que mon étude devient
soudain moins dépassionnée. Les types comme Kouchner doivent susciter des
dizaines de vocations antivax par jour mais quoiqu'il arrive, ils sont toujours
là, increvable, inoxidables, c'est qu'ils doivent bien servir à quelque chose
au bout du compte. Comme disait Jacques Laurent, il arrive toujours un moment
où l'on a besoin d'un service à asperges. Je n'ai pas encore trouvé le moment
où j'aurais besoin de ce type de vaisselle ou de l'avis de Bernard Kouchner
mais laissons-donc cette vieille asperge de côté et reprenons le cours de notre
enquête.
L'enquête
continue
Qu'est-ce qui peut bien pousser les pouvoirs publics à prétendre
transformer en enfer sanitaire la vie de millions de leurs concitoyens au nom
de la lutte contre un nouveau variant, certes bien plus contagieux mais
visiblement beaucoup moins létal. Ainsi, la Grande Bretagne, avec plus de
50 000 contaminations par jour (en France, moins de 10 000 !), a
décidé de lever les dernières restrictions sanitaires. Soit les Anglais sont
fous, soit les Français ! Ou alors tout le monde est complètement cinglé,
ce qui n'est pas à exclure non plus. Ne convient-il pas de remettre un peu dans
la balance la lutte contre l'épidémie au regard des conséquences sociales,
économiques, culturelles et humaines terribles elles aussi que cette lutte a pu
entraîner ? Pourquoi vouloir vacciner massivement ceux qui transmettent
encore le virus à leurs aînés ? Est-ce implicitement reconnaître que les vaccins
ne protègent pas tant que cela des formes graves ? Ou s'agit-il bien de
boucler définitivement le dossier Covid avant les élections ?
Comme
toujours, la réponse est à la fois multiples et un peu plus compliquée.
Premièrement, une partie des + de 65 ans, c'est-à-dire celles et ceux qui ont
le plus immédiatement intérêt à le faire, n'est pas vaccinée. En fait, en juin
dernier, près d'un quart des + de 75 ans n'a toujours pas été vaccinée et
risque donc, à l'automne, d'être prise en charge dans des proportions encore
inconnues par l'hôpital public. Dans une société aussi médicalement protectrice
que la nôtre dans des conditions « normales », les hôpitaux se
retrouvent très rapidement en situation de saturation. Il faut donc faire en
sorte que le plus de personnes possibles soient vaccinées pour que le virus ne
tue plus, ou presque, et l'on ne peut pas forcer uniquement les plus de 75 ans
à le faire sous la menace. Ce serait méchant, ce serait discriminant et surtout
cela risquerait même d'être inconstitutionnel et antidémocratique. On vaccine
donc tout le monde de manière égalitaire. CQFD. Si les raisons de la politique
actuelle s'éclairent un peu plus sur le plan légal et politique, médicalement
je ne vois toujours pas le sens de la politique poursuivie. C'est que
l'enquête, dans ce domaine précis, doit progresser.
L'enquête
progresse
Une
autre raison à cette politique fortement incitatrice, et à la vaccination
massive des tranches d'âge en dessous de soixante ans, voire jusqu'à – pour le
moment – douze ans, apparaît assez clairement quand on se donne la peine d'y
réfléchir même si elle est quelque peu contre-intuitive ou pas très rassurante.
Premièrement, une certaine paresse de l'esprit nous invite à penser que tout
ceci va finir un jour et revenir « à la normale ». C'est faux. La
première victime du Covid a été la normalité. Du moins la normalité que l'on
avait tendance avant à trouver normale, si vous me suivez bien. Celle-ci, cette
normalité normale d'avant que l'on aimait bien même si on la critiquait souvent,
est morte. Les variants d'un virus très vraisemblablement échappé d'un
laboratoire chinois en raison de la négligence ou de l'incompétence humaine
peuvent tout à fait se multiplier dans les années qui viennent et exposer
l'humanité toute entière au risque de voir soudain un variant devenir beaucoup
plus létal pour l'ensemble des classes d'âge de toutes les populations. Ce
scénario a sans doute du mal à être acceptable, en particulier pour les
populations de régions du monde comme les nôtres, habituées à être protégées
depuis des décennies des catastrophes et crises sanitaires ou humanitaires en
tous genres mais il n'en reste pas moins qu'il s'agit
d'un scénario aussi probable que celui de voir le coronavirus être
définitivement éradiqué.
L'autre
raison qui justifie la vaccination pour toutes les classes d'âges découle de la
précédente et elle est aussi contre-intuitive pour qui ne réfléchit que dans le
moment présent. Les chiffres donnés par l'INSEE ou Santé Publique France
prouvent sûrement à l'évidence que les plus âgés sont très majoritairement
victimes du coronavirus et que les plus jeunes sont presque intégralement
épargnés mais le problème est que les jeunes vieillissent et que le coronavirus
n'a peut-être pas craché son dernier variant. L'objectif serait donc, à l'aide
d'une politique de vaccination massive, de sauver immédiatement les plus âgés
tout en armant les plus jeunes pour faire face aux futures vagues épidémiques.
En un sens, les opposants au vaccin ont raison d'affirmer que les vaccins demeurent
des expérimentations menées à l'échelle mondiale. C'est en effet le cas et
l'expérimentation vise à améliorer le plus rapidement possible, dans une
optique de long terme, les différents outils vaccinaux mis à disposition ainsi
que la technologie toute récente de l'ARN messager.
L'enquête
piétine
A ce
stade de notre enquête, nous voilà convaincus que la politique de vaccination
massive est mise en place, non pas seulement pour servir des buts politiques de
court-terme, même si c'est le cas aussi, mais aussi pour développer une
politique sanitaire efficace sur le long terme et faire preuve de prévoyance
face à un avenir totalement incertain. Ce serait sans doute une belle et noble
entreprise mais elle se heurte à quelques questionnements qui ont décidément la
vie dure. Le premier d'entre eux concerne les effets à long terme des potions
magiques vaccinales. La question se pose plus particulièrement dans le cas des
populations jeunes dont le système immunitaire semble massivement répondre de
façon plus efficace au Covid-19. L'injection précoce, à des individus de douze
à dix-huit ans, dont l'organisme est encore en plein développement, d'une
solution miracle vaccinale à ARN messager, ne risque-t-elle pas d'induire à
plus long terme des effets secondaires que nous ne verrons apparaître que dans
cinq, dix ou quinze ans ? On ne parle pas ici des effets indésirables
immédiatement constatés après injection des Pfizer, Astra Zeneca et autre
Moderna, qui restent statistiquement risibles, mais d'effets à beaucoup plus
long terme. Dans cette optique, est-il bien raisonnable de sacrifier les jeunes
générations pour servir de base d'expérimentation et dans le but d'éviter
absolument la contamination des plus âgés et des plus vulnérables ?
Depuis
le début de l'épidémie, les gouvernants n'ont pas eu la tâche facile, en devant
établir la balance entre impératifs socio-économiques et impératifs sanitaires
mais le dilemme posé par la vaccination des plus jeunes est plus cornélien encore.
Les solutions vaccinales administrées aux plus jeunes peuvent-elles avoir des
effets inattendus dans les décennies qui viennent ? Nombre de médecins et
d'experts, surtout ceux que l'on voit le plus défiler sur les plateaux de télé,
balaient cette question d'un revers de main. Au vu de l'histoire de l'humanité,
on dira qu'on connaît la chanson et que l'on sait à quoi s'en tenir quant aux
assurances des experts d'hier qui deviennent les surpris de demain. Le bénéfice
d'une vaccination de masse surpasse-t-il les risques à long terme inhérent à ce
type inédit d'exercice sanitaire ? La seule réponse vraiment honnête à
cette question est : on ne sait pas.
Un
QR code pour les rassembler tous
Ce
que l'on sait en revanche avec certitude, ce que l'on peut mesurer beaucoup
plus concrètement, c'est le saut de civilisation que nous fait accomplir
l'accélération de la politique sanitaire et l'instauration d'un pass sanitaire
obligatoire qui ne dit pas son nom (du moins, tant qu'il n'a pas été voté en
l'état par le parlement). On peut observer depuis deux décennies l'avènement
d'une civilisation dans laquelle, peu à peu, la notion d'intimité devient
caduque et dans laquelle l'individu peut être identifié, labellisé, enregistré,
contrôlé et étiqueté comme jamais auparavant dans l'histoire de l'humanité. Aujourd'hui, des algorithmes décident
d'embaucher ou de licencier les employés de grandes firmes et cela aussi n'est
rien en regard de la fantastique opération de surveillance consentie à laquelle
les réseaux sociaux soumettent des milliards d'individus depuis deux décennies,
l'ironie cruelle réside d'ailleurs dans le fait qu'une bonne partie des
« anti-système », des autoproclamés membres d'une dissidence
fantasmée ou les opposants aux politiques dites liberticides vivent eux-mêmes
en esclavage, heureux et emmurés dans leur compte Twitter, Facebook ou
Instagram. L'algocratie est au service de l'ochlocratie. Le pire est que nous
ne sommes pas subitement devenus esclaves des machines, comme si elles
représentaient une entité hostile et extérieure
à nous. Nous avons créé des machines et des outils technologiques qui répondent
au moindre de nos désirs et existent pour satisfaire tout à la fois notre soif
sans limite et contradictoire d'égalité, de liberté, de confort, de sécurité et
de puissance et, plus encore, pour satisfaire notre paresse.
La politique
vaccinale, et la quasi obligation pour l'ensemble de la population française de
posséder son pass sanitaire muni de son QR code pour pouvoir accéder à une vie
sociale, vient ajouter une pierre au très solide édifice de la surveillance
consentie par tous. L'application #TousAntiCovid fut un échec retentissant à
ses débuts. L'avènement du pass sanitaire, que Jean Castex jurait il y a
quelques mois qu'il ne serait jamais mis en place, vient la ressusciter et
créer à grande échelle un nouveau format de document d'identification, cette
fois totalement électronique et autorisant le croisement entre données
d'identité et de santé sans que la CNIL n'ait vraiment eu l'occasion de broncher.
Ce n'est pas tant d'ailleurs une politique purement machiavélienne qu'une série
de décisions entraînées par la fantastique force d'inertie d'une gestion de
crise centralisée et administrative. La fantastique machine sanitaire mise en
place depuis le début de l'épidémie tourne à plein régime. Des centaines de
millions de doses de vaccins ont été commandées par les pouvoirs publics. Des
centaines de milliards ont été investis pour maintenir l'économie du pays sous
perfusion. Des armées de soignants ou même de bénévoles ont été mobilisés pour
assurer une prise en charge à très grande échelle de la population. On ne fait
pas changer de cap aussi facilement à un tel paquebot. Au-delà même de la
nécessité sanitaire, la mise en place du pass sanitaire n'est que la
conséquence attendue d'une mécanique de gestion étatique et administrative qui
échappe aux hommes. Le Leviathan a relevé la tête et rien ni personne ne
saurait se dresser sur le chemin du plus froid des monstres froids.
Il
se trouve simplement que cette nouvelle ère, dans laquelle nous entrons, de
l'interventionnisme ou du dirigisme d'Etat – comme chacun voudra le considérer
– enclenché par la plus grave pandémie depuis le début du XXe siècle, s'inscrit
parfaitement dans une évolution à la fois technologique et anthropologique que
l'on peut dater du début du XXIe siècle. Nul ne sait encore où elle nous mènera
mais rien ne peut l'arrêter. Il y a soixante-dix ans de cela, le critique d'art
russe Wladimir Weidlé, évoquait l'avènement de « l'homme-échantillon »
dans le contexte de la modernité triomphante des années 1950. Arrivant à la fin
de cette petite enquête, nous en conclurons que nous ne savons pas grand-chose
de plus sur le bienfondé de la politique vaccinale de
masse sur le plan médical mais que sur le plan culturel et social, le 12
juillet 2021 aura marqué un tournant historique et anthropologique en faisant
advenir la civilisation du QR code. Merci d'avoir suivi cette enquête. Vous
pouvez reprendre une activité normale. N'oubliez pas de vous rendre si besoin
au centre de mise à jour sanitaire le plus proche. Souriez, vous êtes scannés.