lundi 19 juillet 2021

Complotiste : « c’est celui qui dit qui l’est ! »



         En annonçant « faire porter les restrictions sur les non-vaccinés plutôt que sur tous », le président de la République assume sans vergogne de distinguer deux catégories de citoyens. Sans tomber dans les comparaisons historiques outrancières, il faut bien admettre que cette distinction, qui prend forme juridique dans l’obligation du passeport sanitaire, relègue au second rang une partie non négligeable des citoyens et qu’elle laisse à une autre, ceux qui ont été contraints d’obéir à l’injonction du président-enfant, un goût d’amertume démocratique.

Une telle décision mérite pour le moins de reposer sur une argumentation solide, une explication claire et surtout des objectifs précisément définis. Or, il n’en a rien été. Au contraire, et de façon proprement ahurissante, le président et la cohorte des faiseurs d’opinion se sont contenté d’ânonner quelques slogans mobilisateurs et d’énumérer quelques chiffres totémiques pour imposer une lecture simpliste voire caricaturale de la crise en cours. L’équation, dont on imagine qu’elle a été inspirée par le funeste cabinet McKinsey[1], se résume à un impératif qui tient de la formule magique : l’obligation vaccinale contre le retour à la vie normale. Fermez le ban ! Ceux qui la contestent sont au choix des « égoïstes », des « obscurantistes », des « antisystèmes », bref, des « mauvais citoyens » qu’il faut mettre de côté afin que les autres, les « bons citoyens », puissent retrouver une vie « normale ».

         Cette rhétorique dualiste constitue la trame principale des théories du complot. Et on peut sans trop de risque penser qu’elle a été ostensiblement choisie pour s’adresser à un peuple étourdi par la peur et l’enjoindre à se plier à la politique vaccinale. Dès lors, la propagande gouvernementale, qui s’appuie sur tous les relais d’opinion dont elle dispose – et ils sont nombreux : spécialistes, médecins, journalistes, politiques, influenceurs, etc. –, répond très clairement aux quatre fonctions du discours complotiste telles qu’elles ont été définies par Serge Moscovici puis affinées par Pierre-André Taguieff.

         La première fonction est cognitive. Il s’agit pour le complotiste, en l’occurrence le gouvernement et ses sbires, de présenter un récit à la fois simple et manichéen qui permet à chacun de « comprendre » les enjeux d’un phénomène complexe et, surtout, de se positionner facilement en en tirant un bénéfice moral. En l’état, le vacciné est une sorte de conscience héroïque, qui est en phase avec le progrès et la science, tandis que le non-vacciné est un pestiféré qui refuse de jouer collectif. Le cœur du scénario restant d’une simplicité confondante et totalement irrationnelle au vu des dernières évolutions (Grande-Bretagne, Israël, Gibraltar, etc.) : seule la vaccination parviendra à terrasser l’épidémie ! Le complotiste a cette caractéristique de croire religieusement en sa causalité unique pour scinder en deux catégories les individus : les « élus » contre les « hérétiques ». En la matière, les propos délirants de Christophe Lagarde, les post haineux de Brice Couturier ou encore les satisfecit de Gérald Bronner devraient suffire à convaincre du fanatisme qui habitent ces âmes dévotes. 

 


         La deuxième fonction du complot est politique : il faut mobiliser, diviser et contrôler. Là encore, l’allocution présidentielle a été saluée par tous les thuriféraires du pouvoir comme une réussite exceptionnelle avec une formule journalistique désormais consacrée : la « ruée » vers les vaccins – comme on parlait autrefois de ruée vers l’or. Peu importe les motivations de chacun et, notamment, celle qui repose sur un véritable chantage à l’emploi, à la culture et même à l’alimentation. Seule compte la quantité de sérums injectés ! Aucune nuance n’est possible : il faut tout rapporter à la reductio ad vaccinum, les intelligents contre les ignorants, les sauvés contre les damnés. Le complot venant d’en haut, il s’accompagne évidemment de mesures de contrôle particulièrement intrusives qui visent à interdire toute vie sociale aux réprouvés. L’alternative présentée est bien celle de la vie ou de la mort quand bien même la létalité du virus ne dépasse pas les 0,1% ! Le complotiste a également cette particularité de croire mordicus à l’histoire qu’il se raconte. Olivier Véran en est l’illustration exemplaire : il se délecte de sa petite vérité et voue aux gémonies ceux qui la contestent. La raison dont il s’affuble n’est rien d’autre qu’une ratiocination qui tourne en rond.

         La troisième fonction, définie comme « religieuse », mérite d’être retraduite comme « téléologique ». En effet, dans une société où la préservation des corps s’est substituée au salut des âmes, il faut à tout prix – quoiqu’il en coûte – permettre aux individus de poursuivre une « vie normale », c’est-à-dire de mener une existence en lien avec les nécessités du système, autrement dit une vie consommée, une vie consumée. Bien sûr, il n’y aura pas de retour à une vie normale. C’est encore l’une des caractéristiques du discours complotiste que de ne jamais parvenir à l’extinction définitive de l’ennemi auquel cas toutes les justifications du dit discours tomberaient d’elles-mêmes. Un variant en chassera un autre, de nouveaux virus surgiront, des spécialistes alarmeront, l’Etat maintiendra fermement son harnais sanitaire. Le fameux « monde d’après » ressemblera plus que jamais au « monde d’avant en pire », comme l’avait prédit Michel Houellebecq. 

         Si vous interrogez, si vous discutez, si vous débattez, on vous désignera comme un « complotiste », vous saurez que pour ces gens-là une seule réplique vaut la peine d’être prononcée, en mémoire des enfants libres que nous avons été : « C’est celui qui dit qui l’est ! » 

 


 



[1] Ce cabinet en stratégie basée à New York est au cœur du scandale des opioïdes aux Etats-Unis après avoir sciemment conseillé à certaines industries pharmaceutiques (dont Johnson et Johnson !) de proposer les doses maximales de leurs produits à des fins lucratives. Résultat : 500 000 morts ! Le cabinet a clos les procédures en acceptant de verser une compensation financière de plus de 570 millions. Or, c’est ce cabinet qu’a choisi le gouvernement pour orchestrer la campagne vaccinale en France. On se pince, alors même qu’il existe pas moins de cinq hautes autorités sanitaires en France qui auraient pu s’en charger puisque c’est tout simplement leur rôle !

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