Quand j’avais
quatorze
ou
quinze
ans,
une
de
mes
activités
favorites
était
de
hanter
des
après-midis
entiers
le
rayon
BD
de
la
Fnac
et
de
dévorer
les
derniers
volumes
de
mangas
qui
étaient
publiés
en
France.
J’aimais beaucoup la ligne
claire
qui
m’avait
initiée
à
l’art
des
petits
mickeys
et
je
ne
dédaignais
pas
les
comics
mais,
au
risque
de
blesser
tous
les
vrais
puristes,
à
mes
yeux
tout
ceci
ne
tenait
pas
la
route
face
à
Akira
qui
sortait
à
l’époque
en
tout
petits
fascicules
que
je
m’empressais
d’aller
lire
en
contrebande
à
la
Fnac
dès
leur parution. Je n’étais
pas
le
seul
à
m’adonner
à
cette
pratique
et
les
allées
du
magasin
étaient
encombrées
tous les
jours
d’adolescents
boutonneux
à
deux
doigts
de
l’autisme,
absorbés
dans
leur
lecture
et
gênant
les
honnêtes
consommateurs qui étaient
là
pour
acheter
et
pas
seulement
pour
lire
à
l’œil.
En
conséquence,
le
service
de
sécurité
intervenait
souvent
pour
opérer
un
grand
nettoyage
et
vider
le
rayon
BD
de
ses
passagers
clandestins.
Un des vigiles était un grand type pas commode
au
teint
basané
et
au
regard
méchant
dont
il
se
murmurait
qu’il
avait
fait
partie
des
services
secrets
libanais
– autant
dire
syriens
à
l’époque.
Je
me
rappelle
qu’il
m’a
raccompagné
une
fois
de
trop
à
la
sortie
du
magasin
et,
excédé,
il
m’a
saisi
par
le
bras
et
m’a
fusillé
du
regard
en
me
disant
juste :
« Toi,
je
ne
veux
plus
jamais
te
voir ! » Dans ses
yeux
qui
jetaient
des
éclairs,
j’ai
vu
la
guerre
et
j’ai
vu
la
mort
se
marrer,
comme
chantait
Niagara.
Je
suis
revenu
dès
le
lendemain
car
même
les
services
secrets
syriens
n’auraient
pu
me
dissuader
de
venir
lire
la
suite
des
aventures
de
Tetsuo
et
Kaneda.
Il
m’a
vu
entrer,
m’a
regardé
passer
et
il
est
simplement
venu
me
dire
de
dégager
une
heure
plus
tard,
après
que
je
me
sois
envoyé
mon
fascicule
réglementaire. Au fil
des
mois,
il
a
pris
son
rôle
de
garde-chiourme de moins
en
moins
au
sérieux,
restant
la
plupart
du
temps
derrière
son
petit
guichet,
à
côté
des
portiques
à
l’entrée
du
magasin
et
venant
juste
de
temps
à
autre
disperser
un
groupe
d’adolescents
quand
l’envie
lui
en
prenait.
Il
s’était
lassé
et
il
regardait
passer
les
heures
en
songeant
peut-être
au
bon
vieux
temps
des
services
secrets
syriens.
Aujourd’hui
Bruno
Roger-Petit,
qui
anime
une
tribune
quotidienne
sur
LePlus.NouvelObs, me
fait
un
peu
penser
à
cet
agent
de
sécurité
fatigué
et
finalement
impuissant.
Ancien
présentateur
du
JT
de
la
nuit
à
France
2
et
journaliste
sportif
à
Europe
1,
Bruno
Roger-Petit
s’est
recyclé
dans
la
veille
idéologique
et
le
procès
d’intention,
assumant
quotidiennement sur le
site
du
Plus
une
sorte
de
rôle
de
chien
de
garde
du
politiquement correct qui
consiste
à
associer
systématiquement « correct » à
« socialiste ». Il est
donc
de
tous
les
combats
qui
l’amènent
à
traquer
un
peu
partout,
dans
tous
les
médias
et
sur
tous
les
rayonnages
de
la
politique
française,
les
réacs,
les
fachos
et
les
ennemis
du
PS.
A
l’inverse,
il
est
capable
de
la
plus
incroyable
complaisance
quand
il
s’agit
d’excuser
ses
alliés
idéologiques. En février
dernier,
il
fustigeait
« l’amour
immodéré
de
la
droite
pour
l’argent »[1] et
le
matérialisme
répugnant
de
Nathalie
Kosciusko-Morizet, s’affichant
avec
une
paire
de
bottes
Hermès
à
1700
€,
tandis
qu’il
y
a quelques jours
il
prenait
tout
au
contraire
vigoureusement la défense
d’Aquillino
Morelle
et
de
sa
collection
de
souliers
vernis
que
le
conseiller
de
François
Hollande
n’aura
désormais
plus
l’occasion
de
se
faire
cirer
à
l’Elysée[2].
Tout
comme
mon
garde-chiourme de la
Fnac,
Bruno
Roger-Petit
surveille
jalousement
sa
petite
boutique
pour
en
exclure
les
mauvais
clients
et
les
troubles
fêtes.
La
seule
différence
entre
Bruno
Roger-Petit
et
mon
vigile,
c’est
qu’au
fond
j’avais fini par trouver ce
dernier
plutôt sympathique.
Il
était
payé
pour
faire
un
boulot
assez
ingrat
et
il
a
rapidement
compris
qu’il
était
inutile
d’en
faire
trop
pour
chasser
les
parasites
qui
revenaient
quotidiennement le narguer.
Bruno
Roger-Petit,
quant à lui,
en
fait
des
tonnes
et
prend plaisir
à
en
rajouter
un
peu
plus
à
chaque
chronique
dans
l’autoritarisme pète-sec et
la
remontrance
partisane.
Sa
passion
de
jeunesse
à
lui,
c’est
le
mitterrandisme. Alors il
traque
et
dénonce
inlassablement tout ce
qui
ne
lui
apparaît
pas
strictement
conforme
à
la
doxa
du
vieux
maître.
Heureusement
que
Bruno
Roger-Petit
est
journaliste ; s’il avait
trouvé
une
place
en
entreprise
ou
dans
une
administration, il aurait
torturé
pendant
vingt
ans
de
malheureux
subalternes
à
coups
de
rapports
et
de
notes
de
services
assassines.
Cantonné
à
faire
de
la
com’
post-mitterrandienne en 2014
sur
internet, Bruno
Roger-Petit
se
fait
heureusement
plus
de
mal
à
lui-même
qu’aux
autres
et
parvient
même
à
faire
sourire
quand
il
commente,
par
exemple,
l’élection
d’Alain
Finkielkraut
à
l’Académie
Française : « Avoir éjecté
de
fait
Maurras
en
1945
pour
élire
Finkielkraut
en
2014,
ce
serait
un
terrible
retour
en
arrière,
la
démonstration que l'Académie
tourne
à
nouveau
le
dos
au
progrès
humain
pour
retomber
dans
les
pires
travers
réactionnaires qui ont
jalonné
son
histoire. »[3] Comparer Finkielkraut à Maurras, il fallait
quand
même
oser
mais
comme
dit
Audiard,
c’est
à
ça
qu’on
les
reconnaît…
Au
contraire
du
fidèle
vigile
de
la
Fnac,
gagné
par
la
lassitude
et
l’impuissance,
j’espère
que
Bruno
Roger-Petit
ne
se
lassera
jamais
de
jouer
avec
zèle
son
rôle
de
maton.
J’espère
qu’il
continuera
d’empiler
les
contradictions et les
incohérences, de cracher
sur
les
pompes
de
l’une
pour
mieux
cirer
celles
de
l’autre,
d’avancer
« que
la
droitisation
de
Natacha
Polony
a
nourri
la
radicalisation d'Aymeric Caron »[4],
de
dénoncer
« l'insidieuse colonisation des
émissions
de
culture
et
de
divertissement par des
tribuns
réactionnaires » et de
prétendre
débusquer
partout
les
envahisseurs, un peu
comme
le
David
Vincent
de
la
série,
mais
en
réussissant
toujours,
quant
à
lui,
à
trouver
les
raccourcis
qu’il
faut
pour
en
rajouter
une
louche
dans
le
pathos.
Comment
ne
pas
s’émerveiller,
par
exemple,
de
cette
merveilleuse
prophétie,
énoncée
par
un
Bruno
Roger-Petit
s’essayant à
tracer
le
portrait
de
l’éventuel
successeur
de
Natacha
Polony
pour
une
quatrième
saison
d’On
n'est pas
couché : « Ce
sera
un
adversaire
de
toute
idée
de
progrès
humain
et
d'universalité. Ce sera
un
ennemi
de
l'Europe
et
de
l'ouverture
aux
cultures.
Ce
sera
un
nostalgique
de
la
nation
pervertie
en
nationalisme. Et ce
sera
un
tribun
"grande
gueule", qui écrasera,
par
tous
les
moyens,
la
figure
d'Aymeric
Caron. »[5] Bref,
c’est
un
scoop
offert
par
le
politologue
du
Nouvel Obs :
Jean-Marie
Le
Pen
devrait
être
le
prochain
chroniqueur
de
Laurent
Ruquier
aux côtés d’Aymeric Caron dans la prochaine saison d’ONPC…Puisse
à
Bruno
Roger-Petit
ne
jamais
manquer
l’inspiration
ni
la
conscience
de
la
dénonciation
bien
faite,
les
ennemis
de
l’Europe
et
de
l’ouverture
aux
cultures
continueront
à
le
regarder
s’agiter
et
s’époumoner de sa
petite
guérite
et
à
discréditer
plus
sûrement
que
n’importe
lequel
de
ses
adversaires
la
religion
du
progrès
qu’il
sert
avec
tant
de
maladresse.
[1] http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1152241-cope-et-les-8-millions-de-l-ump-nkm-et-ses-bottes-a-1700-euros-l-ump-malade-de-l-argent.html
[2] http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1191426-mediapart-vs-aquilino-morelle-le-conseiller-aime-les-chaussures-donc-il-est-coupable.html
[3] http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1187494-finkielkraut-a-l-academie-francaise-est-ce-vraiment-le-fn-entrant-sous-la-coupole.html
[4] http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1156521-clash-polony-caron-dans-on-n-est-pas-couche-symbole-d-une-tele-pourrie-par-les-reacs.html
[5] http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1150572-qui-va-succeder-a-polony-chez-ruquier-ivan-rioufol-robert-menard-ou-elisabeth-levy.html
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