mardi 9 décembre 2014

Antifa, fin de partie ?



Rebelles des beaux quartiers, petits mutins accrédités, que sont les antifascistes devenus  ? Ils ont grandi et se sont épanouis en même temps que le Front national, sous le regard amusé et bienveillant de Tonton, car ce sont les années Mitterrand qui ont accouché de cette hydre à deux têtes : le Front national et son inévitable corollaire antifasciste, le requin et son poisson-pilote. L’un ne va pas sans l’autre et si Jean-Marie Le Pen a dû en partie la mise en orbite de son parti à François Mitterrand, la nébuleuse antiraciste doit sa justification idéologique et son existence même au parti nationaliste.

Après les années 1980 et les petites mains jaunes du « Touche pas à mon pote », les années 90 ont vu défiler le cortège monotone des manifestations antiracistes, des groupes conscientisés et des éditoriaux moralistes, tous semblables, répétant à l’unisson les mêmes slogans, enfonçant de concert tous les portes ouvertes  du boyscoutisme idéologique, déclinant sur tous les modes et à tout propos les mêmes poses de résistants de pacotille. Le rock alternatif est mort quelque part entre la première cohabitation de Chirac et le bicentenaire de la Révolution française mais la jeunesse des années 90 ne cessera pas, avec sérieux et bonne conscience, de scander jusqu’à l’aube de la quarantaine assagie qu’elle emmerde le Front national.


SOS Racisme est passé depuis longtemps de « Touche pas à mon pote » à « Touchez pas au Grisbi » quand Jean-Marie Le Pen, inoxydable, connaît en 2002 la consécration de sa longue carrière politique. Alors, banderoles en main et jolis slogans à la bouches, les antifascistes sont descendus dans la rue pour taper du pied, brandir le poing et prendre leur place dans cette belle opérette que la chiraquie vacillante leur offrait. Sur les plateaux de télévision, les journalistes, les artistes et les bonnes âmes prenaient avec ferveur le pouls de cette France rebelle et de cette jeunesse qui communiait dans une révolte pour rire. Il y avait grand intérêt à ce moment à se trouver devant son poste de télévision pour goûter des moments de télévision qui atteignaient presque la grâce et la drôlerie des interventions de Jean-Edern Hallier dans la campagne de 1974.

Quand tout est rentré dans l’ordre et que le Thrasybule corrézien fut réélu avec 82% des voix, les antifascistes se sont congratulés. Personne parmi eux, au sein du PS ou de ses différentes officines ne s’est demandé bien sûr quelle aurait pu être la responsabilité de ces bonnes âmes dans le triomphe de Jean-Marie Le Pen au premier tour de l’élection présidentielle de 2002. Personne évidemment ne pouvait mettre en avant le rôle joué par les champions de la bonne conscience dans cette triste mascarade. Les antifascistes ont continué à jouer à guichets fermés la comédie de boulevard de la lutte contre la réaction et ce faisant ils ont continué à trahir tout ce qu’ils prétendaient défendre et à servir tout ce qu’ils prétendaient combattre : le peuple, réduit depuis longtemps à la figure simple du beauf de Cabu, la mondialisation qu’ils conspuaient à longueur de meeting tout en s’en faisant les avocats les plus efficaces, l’immigré dont ils avaient fait leur héros du moment bien sûr qu’il reste enfermé dans la banlieue et dans le rap, condamné à n’être que l’icône inconnue de la « diversité ». Ils n’ont pas plus compris ces bienheureux qu’ils favorisaient à chaque échéance électorale – en 2002, en 2007, en 2012 – l’avènement d’un populisme simplificateur, réponse symétrique à l’irréfutable catéchisme de ces révolutionnaires appointés.  Il est vrai que l’on n’a rien besoin de comprendre quand on détient à coup sûr la vérité.

Où sont les antifascistes aujourd’hui ? Ils ne paraissent plus très fringants. En vingt ans de lutte antifasciste, leur mobilisation n’a jamais réussi à endiguer la progression électorale du Front National, bien au contraire. Tout au plus a-t-elle accompagnée docilement le verrouillage du discours médiatique qui a offert au parti de Marine Le Pen les deux thématiques oubliées par les grands partis de gouvernement : la nation délaissée par la droite et la politique sociale oublié par la gauche. Face à ce vol sans effraction, les antifascistes ont continué à entonner l’antienne du retour du national-socialisme. Non contents d’avoir consciemment vidé leur discours de tout contenu idéologique pour ne plus se définir que par la négative – pauvres « antis » désespérément agrippés au museau du grand squale d’extrême-droite –, les antifascistes sont désormais mis sur la touche dans leurs propres rangs. Ils avaient déjà réussi l’exploit peu banal de se voir doubler sur leur gauche par l’extrême droite, ils bouclent la boucle en se voyant définitivement enterrés par leur propre extrême gauche, les fameux « autonomes » anticapitalistes dont les gentils organisateurs de la manifestation de Lyon se démarquent avec horreur. 


Constatant que les casseurs ont pris exclusivement pour cible banques et MacDo, Eric Duclais, l’un des organisateurs, semble ne plus trop savoir sur quel pied danser : « Evidemment, ils n’ont pas pris leurs cibles au hasard. On peut y voir un acte politique mais que nous ne partageons pas. (…) On a quand même réussi à réunir beaucoup de monde. Mais ça laisse un goût amer. Car on n’a pas pu exprimer notre message qui passe derrière la casse. » Le problème des antifascistes aujourd’hui est bien de savoir quel message exactement ils ont bien voulu faire passer depuis tant d’années, eux qui sont bien partis pour sombrer avec le Titanic socialiste dans le marigot de l’indigence politique. Avec SOS Racisme qui a trébuché sur Dieudonné, le naufrage de l’antifascisme de salon est comme l’épilogue final des années Mitterrand. On aurait tort de s’en féliciter cependant, il n’inaugure pas une période plus rassurante.



Publié sur Causeur.fr


2 commentaires:

  1. Merci pour cet article, il se faisait attendre sur la toile, et c'est ici qu'il y trouve sa première et meilleure expression.

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  2. Merci aux antifas pour l'ensemble de leur oeuvre.

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