Rebelles des beaux
quartiers, petits mutins accrédités, que sont les antifascistes
devenus ? Ils ont grandi et se sont épanouis en même temps que le
Front national, sous le regard amusé et bienveillant de Tonton, car ce sont les
années Mitterrand qui ont accouché de cette hydre à deux têtes : le Front
national et son inévitable corollaire antifasciste, le requin et son
poisson-pilote. L’un ne va pas sans l’autre et si Jean-Marie Le Pen a dû en
partie la mise en orbite de son parti à François Mitterrand, la nébuleuse
antiraciste doit sa justification idéologique et son existence même au parti
nationaliste.
Après les années 1980 et
les petites mains jaunes du « Touche pas à mon pote », les années 90
ont vu défiler le cortège monotone des manifestations antiracistes, des groupes
conscientisés et des éditoriaux moralistes, tous semblables, répétant à
l’unisson les mêmes slogans, enfonçant de concert tous les portes
ouvertes du boyscoutisme idéologique, déclinant sur tous les modes et à
tout propos les mêmes poses de résistants de pacotille. Le rock alternatif est
mort quelque part entre la première cohabitation de Chirac et le bicentenaire
de la Révolution française mais la jeunesse des années 90 ne cessera pas, avec
sérieux et bonne conscience, de scander jusqu’à l’aube de la quarantaine
assagie qu’elle emmerde le Front national.
SOS Racisme est passé
depuis longtemps de « Touche pas à mon pote » à « Touchez pas au
Grisbi » quand Jean-Marie Le Pen, inoxydable, connaît en 2002 la
consécration de sa longue carrière politique. Alors, banderoles en main et
jolis slogans à la bouches, les antifascistes sont descendus dans la rue pour
taper du pied, brandir le poing et prendre leur place dans cette belle opérette
que la chiraquie vacillante leur offrait. Sur les plateaux de télévision, les
journalistes, les artistes et les bonnes âmes prenaient avec ferveur le pouls
de cette France rebelle et de cette jeunesse qui communiait dans une révolte
pour rire. Il y avait grand intérêt à ce moment à se trouver devant son poste
de télévision pour goûter des moments de télévision qui atteignaient presque la
grâce et la drôlerie des interventions de Jean-Edern Hallier dans la campagne
de 1974.
Quand tout est rentré
dans l’ordre et que le Thrasybule corrézien fut réélu avec 82% des voix, les
antifascistes se sont congratulés. Personne parmi eux, au sein du PS ou de ses
différentes officines ne s’est demandé bien sûr quelle aurait pu être la
responsabilité de ces bonnes âmes dans le triomphe de Jean-Marie Le Pen au
premier tour de l’élection présidentielle de 2002. Personne évidemment ne
pouvait mettre en avant le rôle joué par les champions de la bonne conscience
dans cette triste mascarade. Les antifascistes ont continué à jouer à guichets
fermés la comédie de boulevard de la lutte contre la réaction et ce faisant ils
ont continué à trahir tout ce qu’ils prétendaient défendre et à servir tout ce
qu’ils prétendaient combattre : le peuple, réduit depuis longtemps à la
figure simple du beauf de Cabu, la mondialisation qu’ils conspuaient à longueur
de meeting tout en s’en faisant les avocats les plus efficaces, l’immigré dont
ils avaient fait leur héros du moment bien sûr qu’il reste enfermé dans la
banlieue et dans le rap, condamné à n’être que l’icône inconnue de la « diversité ».
Ils n’ont pas plus compris ces bienheureux qu’ils favorisaient à chaque
échéance électorale – en 2002, en 2007, en 2012 – l’avènement d’un populisme
simplificateur, réponse symétrique à l’irréfutable catéchisme de ces
révolutionnaires appointés. Il est vrai que l’on n’a rien besoin de
comprendre quand on détient à coup sûr la vérité.
Où sont les antifascistes
aujourd’hui ? Ils ne paraissent plus très fringants. En vingt ans de lutte
antifasciste, leur mobilisation n’a jamais réussi à endiguer la progression
électorale du Front National, bien au contraire. Tout au plus a-t-elle
accompagnée docilement le verrouillage du discours médiatique qui a offert au
parti de Marine Le Pen les deux thématiques oubliées par les grands partis de
gouvernement : la nation délaissée par la droite et la politique sociale
oublié par la gauche. Face à ce vol sans effraction, les antifascistes ont
continué à entonner l’antienne du retour du national-socialisme. Non contents
d’avoir consciemment vidé leur discours de tout contenu idéologique pour ne
plus se définir que par la négative – pauvres « antis » désespérément
agrippés au museau du grand squale d’extrême-droite –, les antifascistes sont
désormais mis sur la touche dans leurs propres rangs. Ils avaient
déjà réussi l’exploit peu banal de se voir doubler sur leur gauche par
l’extrême droite, ils bouclent la boucle en se voyant définitivement enterrés
par leur propre extrême gauche, les fameux « autonomes »
anticapitalistes dont les gentils organisateurs de la
manifestation de Lyon se démarquent avec horreur.
Constatant que les
casseurs ont pris exclusivement pour cible banques et MacDo, Eric Duclais, l’un
des organisateurs, semble ne plus trop savoir sur quel pied danser : « Evidemment,
ils n’ont pas pris leurs cibles au hasard. On peut y voir un acte politique
mais que nous ne partageons pas. (…) On a quand même réussi à réunir beaucoup
de monde. Mais ça laisse un goût amer. Car on n’a pas pu exprimer notre message
qui passe derrière la casse. » Le problème des antifascistes aujourd’hui
est bien de savoir quel message exactement ils ont bien voulu faire passer
depuis tant d’années, eux qui sont bien partis pour sombrer avec le Titanic
socialiste dans le marigot de l’indigence politique. Avec SOS Racisme qui a
trébuché sur Dieudonné, le naufrage de l’antifascisme de salon est comme
l’épilogue final des années Mitterrand. On aurait tort de s’en féliciter
cependant, il n’inaugure pas une période plus rassurante.
Publié sur Causeur.fr
Merci pour cet article, il se faisait attendre sur la toile, et c'est ici qu'il y trouve sa première et meilleure expression.
RépondreSupprimerMerci aux antifas pour l'ensemble de leur oeuvre.
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