La logique totalitaire. Essai sur la crise de l'occident, publié par Jean Vioulac en 2013[1], est une
entreprise philosophique ambitieuse. En
sollicitant rien moins que les apports de Hegel, Tocqueville, Marx, Husserl et
Günther Anders, Jean Vioulac entreprend donc de mettre à jour l’armature
logique du monde qui est aujourd’hui le nôtre, pour tenter de saisir la nature
du processus de totalisation par lequel le monde moderne n'en finit pas
d'advenir et de se transformer.
Avec la révolution industrielle, la société humaine est, en moins de deux
siècles, précipitée dans une ère radicalement nouvelle caractérisée par un
rapport au monde complètement transformé, une organisation sociale bouleversée
et surtout des progrès techniques permettant la mise en place d’un système de
production de masse et le développement d’une économie capitaliste. Dans son
essai, Frivolité de la valeur, essai
sur l’imaginaire du capitalisme, le philosophe Jean-Joseph Goux remarque
que la montée en puissance du capitalisme financier entraîne dès la seconde
moitié du XIXe siècle une crise philosophique en même temps qu’économique de la
valeur. La notion de valeur objective et remplacée par un concept fluctuant,
constamment réévalué en fonction des désirs. A partir des années 1870, la
conception « objective » de la valeur cède le pas à une appréhension subjective.
« A l’idée de coût, de travail, écrit Jean-Joseph Goux, de peine nécessaire à
la production, se substituent les notions de désir et de consommation. »[2]
La révolution cartésienne annonçait, au XVIIe siècle, le règne de la raison
que la révolution française institue un siècle plus tard "sans qu´aucune
puissance ne soit en mesure de lui opposer une quelconque résistance."[3] La révolution industrielle instaure, elle, le règne de la science et le
triomphe de la technique et l’avènement du capitalisme ne fait que consacrer
sur le plan économique la capacité nouvelle des sociétés humaines à transformer
l’univers qui les entoure et de l’individu à en user à sa convenance. Karl Marx
avalise cette réalité nouvelle en comprenant que la valeur d’échange est devenue
le dénominateur commun à toute chose. Hegel a compris quant à lui que, dans le
monde dans lequel il vit, le réel ne peut plus être compris comme une donnée
stable mais comme un processus toujours agissant. En effet, l'Histoire acquiert
dès lors le sens qui lui est imposé par l'idéologie du progrès, elle est un processus
de transformation du réel constamment à
l'œuvre, engendrant une rupture définitive sur le
plan civilisationnel. Hegel affirme en conséquence que le réel doit être
perçu comme une pensée de l’Histoire, c’est-à-dire le déploiement de la
potentialité de création humaine à travers le temps.
Voilà donc en quoi s’ouvre, au seuil du XIXe siècle, cette ère nouvelle et
voilà pourquoi l’homme du XVIIIe siècle et celui du monde antique semblent
appartenir à une humanité différente de la nôtre. Cette rupture radicale ne
cesse pas de s’affirmer à mesure que se succèdent les évolutions techniques en
mesure de produire un bouleversement de civilisation plus grand et une humanité
nouvelle.
A partir du XIXe siècle, l’Histoire devient l’expérience
de tout un chacun et le roman balzacien plante d’ailleurs le décor littéraire
de cette expérience. « L’homme commença à comprendre qu’il ne mourrait pas
dans le même monde que celui où il était né »[4], écrit
ainsi Milan Kundera dans Le Rideau. Les
personnages de Balzac évoluent dans un cadre profondément historicisé, qui utilise
des noms de lieux, de places, de rues, donnant au roman toute sa consistance
historique. Avec Balzac, mais aussi avec Chateaubriand, Stendhal ou Tolstoï,
les héros du roman contemporain sont jetés dans le flot de l’Histoire et les
individus s'y réduisent à des porteurs de forces qui les commandent à leur
insu.[5] « Le
particulier est trop petit en face de l’Universel : les individus sont donc sacrifiés
et abandonnés », écrit Hegel. « L’Histoire n’est rien d’autre que
l’autel où ont été sacrifiés le bonheur des peuples, la sagesse des Etats et la
vertu des individus. »[6] Hegel,
témoin du surgissement de l'Etat moderne, Tocqueville, penseur de la démocratie
de masse, Clausewitz, qui théorise l’avènement de la guerre totale et enfin
Marx décryptent les évolutions radicales qui, en l’espace d’un siècle, initient
une véritable révolution anthropologique, c’est-à dire un bouleversement
radical des conditions d'existence de l'homme et des conditions de son être au
monde. De l'ancien monde, on pouvait écrire, comme Marcel Gauchet dans Le
désenchantement du monde :
Nous ne sommes pour rien dans
ce qui est. Notre raison de vivre, nos règles, nos usages, ce que nous savons,
c’est à d’autres que nous les devons, ce sont des êtres d’une autre nature que
nous, des Ancêtres, des Héros, des Dieux qui les ont établis ou instaurés.[7]
Dans l'univers moderne, l'Individu est arraché aux
interdépendances non choisies mais vitales du milieu naturel dans lequel il
vit, ce que Marx nomme la « commune », la terre, la famille et les
instruments de travail, pour être plongé, nu, dépouillé de tout, déraciné et
réduit à sa seule force de travail, dans un monde où toutes les relations sont
définies seulement par la valeur d'échange. Dans la « multitude atomisée »[8] de l’ère
des masses instaurée par la double révolution française et industrielle,
chaque individu est identique à tous les autres. La relation établie entre eux
est celle de l´égalité et d´après les penseurs de la démocratie libérale, tel
Alexis de Tocqueville, le gouvernement démocratique a pour charge de garantir
cette relation d´égalité entre les individus.
Dans ce contexte, Tocqueville pressent que le peuple devenu nation, multitude égalitaire, se détermine comme
quantité pure, c´est-à dire comme masse, en elle-même
dépourvue de rationalité. L´individu plongé au sein de la masse doit donc accepter
son appartenance à un système achevé et son incapacité personnelle, individuelle,
à changer le monde. La liberté absolue à l´œuvre est celle de l´État moderne caractérisée
pour Hegel par « la furie de la destruction » qui se manifeste par la
Terreur, c´est-à dire « l´éradication de tout ce qui peut troubler
l´homogénéité de la masse. »[9] En ce sens, la Terreur peut
être considérée comme l´exercice même de la liberté absolue, elle est la mise
en œuvre de la puissance de l´Universel contre tout ce qui est particulier. « Pas
de liberté pour les ennemis de la liberté ! », proclame Saint-Just à
la veille de la mise en place de la Terreur révolutionnaire. En instituant un
régime de « paranoïa générale », la loi des suspects, votée le 17
septembre 1793 annonce le règne du "couperet égalitaire" :
l´élimination pure et simple de la singularité dérangeante qui sera pratiquée par
la suite à l´échelle industrielle par les États totalitaires. Un triple
mouvement de rationalisation et de réorganisation des masses s’amorce, donnant
naissance à la fois à la guerre totale, qui est une mobilisation totale des
individus au service de l´État, à l´Empire conçu comme une forme d´État total
et à la détermination de l´Individu par un système de droit objectif que nul
n´est censé ignorer. Par l´obéissance à la loi, l´individu se fait lui-même un « moment
déterminé de la volonté de l´État. »[10] Il s´agit donc d´une
véritable assomption de l´Individuel par le collectif, ou plutôt de ce qu´Hegel
nommerait une aliénation consciente et consentie : « La vraie liberté
consiste à transférer son être dans la substance de l´Etat. »[11]
La guerre de 1914-18 représente en ce sens le creuset des
sacrifices individuels et du collectivisme mis au service des nations, à la
fois substance malléable et mouvement irrésistible de la masse grâce à
laquelle les expériences totalitaires pourront se construire. « La
mobilisation totale, écrit Marcel Gauchet, le combat paroxystique, la mort de
masse ont constitué autant d’épreuves initiatiques qui ont bouleversé le champ
du croyable et ouvert de nouveaux territoires à l’expérience intérieure. Elles
ont fait surgir une sorte de surnaturel terrestre ou de sacré profane aussi
déconcertants pour les croyants que pour les incroyants, même si c’est pour des
motifs opposés. »[12] L´action individuelle ne
participe donc à la liberté que si elle se sacrifie pour l´Universel. Le sens
de l´Histoire universelle serait donc déterminé par ce sacrifice nécessaire et
rendu inévitable par les capacités de mobilisation dont dispose l’Etat
moderne ; puissance révélée par la guerre totale, dont aucun autocrate de
l’ancien régime n’aurait pu rêver.
L´Etat moderne
devient en effet ce véritable "Dieu terrestre" dont Thomas Hobbes
avait théorisé l’existence dans le Léviathan et les Etats totalitaires parviennent
près de deux cent ans plus tard à instituer la mobilisation totale des masses. Ce
que Hegel entrevoyait ainsi dès la fin du XVIIIe siècle est poussé à son point
extrême par les régimes totalitaires du XXe siècle. « Tout par l´Etat,
rien en dehors de l´Etat, rien contre l´Etat ! », proclame Mussolini.
Les grandes doctrines du XIXe siècle – nationalisme, socialisme, communisme –
sont devenues, selon le mot de Jean-Marie Domenach, des « idéologies
carnivores », forgées par le feu et l’acier au cours de la première guerre
mondiale, des monstres véritables qui font du Léviathan une réalité
concrète et terrifiante. Pour Franz Neumann, l’Etat nazi est aussi le Béhémoth,
le monstre biblique présenté dans le Livre de Job comme la Bête, la force
animale que l'homme ne peut domestiquer. Il est la construction politique nouvelle
qui libère la puissance aveugle de la masse pour tenter de l’inféoder à la
volonté de l’individu suprême, de l’individu de masse suprême, le Führer,
Adolf Hitler.
Pour le Béhémoth
nazi, la nation est détentrice et porteuse de l'Esprit universel et le peuple
est porteur du sens de l'Histoire, comme le proclamaient déjà les romantiques
allemands. Ce romantisme transformé en universalisation du peuple germanique se
heurte à l'Alterité du juif. Jean Vioulac, avance, à l’instar de Pierre
Legendre ou d’Alain Juranville, que la doctrine nazie s’est fondée sur l’opposition
entre le processus de totalisation propre à la modernité occidentale et
l'identité du peuple juif, peuple sans Etat à la spiritualité purement
religieuse, irréductible à celle des nations. Le juif représente l’Altérité
radicale car il oppose la transcendance d'une morale religieuse à l'immanence
de l'éthique politique, l'avènement de l'Etat est donc le surmontement hégélien
de la scission entre l'UNiversel (Dieu Unique) et le particulier (le peuple
élu). Le processus de totalisation est donc vécu au sein du nazisme comme
dépassement du judaïsme. Une opposition présentée par le nazisme comme une
lutte d’ampleur planétaire. Un combat qui s’apparente à une apocalypse
séculière, dépourvue de toute eschatologie, « entrechoc de deux ambitions
d’empire universel, l’une fantasmée, celle qui est attribuée aux Juifs, l’autre
caressée, celle des nazis. »[13] La
question de la race devient la clé du monde, la clé de l'Histoire. Le nazisme
récuse la différence entre l'humain et la nature et devient la quintessence du
nihilisme, niant l’homme en tant qu’homme, à partir d’une base scientifique, ou
du moins revendiquée comme telle. C'est un naturalisme scientiste qui se donne
tout au long de son existence des ambitions scientifiques : « Voilà
pourquoi, écrit Eugen Kogon, Himmler et le SD se servirent des camps pour
favoriser le prétendu progrès de l’humanité »[14].
L'Etat
soviétique constitue quant à lui une véritable « Totale
Technocratie » ou un « omniscientisme totalitaire ». La maîtrise
de l'appareil d'Etat forgé par Lénine a permis à Staline d'imposer son contrôle
total sur le parti, dont la responsabilité est d'élaborer la science totale.
Dans l'esprit d'un scientisme total, il s'agit donc de réaliser l'union des
prolétaires et des philosophes. Le régime soviétique est donc lui aussi porteur
du sens de l'Histoire et le Parti s'identifie en son sein à la classe
ouvrière... qu'il a fallu créer de toutes pièces puisqu'elle existe encore
moins à la fin de la guerre civile qu’au début de la révolution. L'URSS
institue un énorme appareil d'Etat, un « Etat-Léviathan » dont
l’objectif est de produire le réel tel qu'il devrait être et non pas tel qu'il
est. Ce projet fantasmagorique s'appuie sur une bureaucratisation monstrueuse
de la société, c'est-à dire la mise en place d'un mécanisme auto-efficient dont
Lénine constate à la fin de sa vie qu’il échappe au contrôle des dirigeants
eux-mêmes : « Ce n'est pas cet appareil qui nous appartient, c'est nous
qui lui appartenons. » Seule la brutalité de Joseph Staline parvint à
dominer ce monstre bureaucratique afin de servir ses propres fins. Staline
disparu, le Léviathan a continué à produire ses propres conditions d’existence.
Si le
totalitarisme représente une tentative extrême d’instaurer une totalité
politique dans laquelle disparaît l’individu, il est totalement tributaire des
moyens de mobilisation mis à sa disposition par la société industrielle
instaurant le règne des masses et l’ère de « l’homme-échantillon »,
pour reprendre l’expression du critique d’art russe Wladimir Weidlé.[15] « L’ordre
universel vient d’ailleurs de céder la place à la mobilisation
universelle »[16],
proclamait Georges Bernanos dans Les Grands cimetières sous la lune. Les
totalitarismes ont été vaincus, sous leur forme politique et militariste, la
victoire finale des démocraties contre les totalitarismes, loin d’instaurer la
libération de l’individu et du particulier, n’a en rien empêché l’intégration
complète du particulier dans cet Universel technocratique, dépassement de
l’Etat lui-même et achèvement d’un « état final totalitaire. »[17]
La mobilisation totale est plus que jamais à l’œuvre aujourd’hui à travers le
déploiement de ce que Günther Anders nomme le « totalitarisme
technique », au sein duquel les hommes ne sont plus que les pièces d’une
seule et même gigantesque machinerie, un système de production autorégulé
qu’aucun expert, aucun décideur, aucun gouvernement, fût-il mondial, n’est
capable d’appréhender dans son ensemble et donc de contrôler. Dans La France
contre les Robots, Bernanos s’exclame : « Imbéciles !
Comprenez donc que la civilisation des machines est elle-même une machine, dont
tous les mouvements doivent être de plus en plus parfaitement synchronisés ! »[18] Les
moyens aujourd’hui mis à disposition par la technicisation extrême de nos
sociétés offrent la possibilité de transformer aussi bien notre environnement
que d’intervenir sur le génome humain ou d’instaurer une forme de surveillance
panoptique dont Bentham lui-même n’aurait jamais pu imaginer l’efficacité. Poussé
jusqu’à un point extrême, ce « réductionnisme informationnel, explique la
sociologue Céline Lafontaine, revient à nier que les êtres vivants sont d’abord
des unités synthétiques indécomposables en segments codés. »[19]
A la question
de savoir si les totalitarismes ont disparu, nous pouvons répondre avec
assurance par l’affirmative. La question qu’il faudrait plutôt poser est
formulée par Paul Ricoeur, en préface de la Condition de l’homme moderne d’Hannah
Arendt: « à quelle condition un univers non totalitaire est-il possible ? »[20] Au
risque de troubler le petit commerce des moralistes contemporains, on dira que le
« retour des années sombres » inscrites dans les livres d’histoire
n’est pas pour demain mais que nous vivons néanmoins aujourd’hui, non pas sous
le joug d’un totalitarisme, mais dans un univers où sont encore réunies toutes les
conditions du totalitarisme, un système qui contient en germe la
possibilité de faire advenir des années bien plus sombres encore. Donna J. Haraway,
scientifique américaine et grande théoricienne du mouvement transhumaniste,
donne dans son Manifeste Cyborg une description à la fois ironique et
glaçante de cette modernité nouvelle qui « ressemble à un rêve de travail
accompli dans un monde colonisé par les cyborgs, un rêve à côté duquel le
cauchemar du Taylorisme paraîtrait idyllique. » Voici en fait peut-être à
quoi ressemblera l’Apocalypse, c’est-à-dire le dévoilement, auquel aboutit le
vaste dispositif, le système de Jean Vioulac, « l’apocalypse finale
de l’escalade de la domination de l’individuation abstraite, le moi par
excellence, enfin dégagé de toute dépendance, un homme dans l’espace. »[21]
E. Hopper - Waiting for the show
Article publié dans le numéro 153 de la revue Eléments
[1]
Après
L'époque de la technique : Marx, Heidegger et la fin de la
métaphysique en 2009, et avant l'Apocalypse
de la vérité: méditations heideggériennes en 2014
[2]
Jean-Joseph Goux. Les deux révolution
économique et esthétique de 1870. Revue Esprit. Novembre 1998
[3] Jean Vioulac. La logique totalitaire. Essai sur
la crise de l’occident. PUF. [Epiméthée]. p. 75
[4] Milan Kundera. Le Rideau. Gallimard.
nrf. 2005
[5] Emmanuel Lévinas. Totalité et Infini. Le
Livre de Poche. [Biblio Essais]. p. 6
[6] G..W.Hegel. La Raison dans l’Histoire. Cité
par Jean Vioulac. Op. Cit. p. 74
[7] Marcel Gauchet. Le désenchantement du monde.
Folio. Essais. Paris. 2005
[8] Ibid. p. 68-69
[9] Ibid.
[10] Ibid. p. 78
[11]Ibid. p. 79
[12] Marcel Gauchet. L’avènement de la démocratie.
T. III : A l’épreuve des totalitarismes, 1914-1974. Nrf. Bibliothèque des Sciences Humaines.
Gallimard. 2010. p. 33
[13]
Philippe Burrin. Ressentiment et
apocalypse. Essai sur l’antisémitisme nazi. Paris. Seuil. 2004. p. 51. Cité
par Jean Vioulac. Op. Cit. p. 121
[14]
Eugen Kogon. L’Etat SS : le système
des camps de concentration allemands. Edition de la Jeune Parque. 1947.
Publication intégrale en livre de poche. Points Histoire. 1993. p. 26
[15] Wladimir Weidlé.
« L’homme-échantillon. » NNRF n°4. Avril 1953
[16] Georges Bernanos. Les Grands cimetières sous la
lune. Seuil. 1997
[17] Günther Anders. Nous, fils d’Eichmann. Cité
dans : Jean Vioulac. Op. Cit. p. 461
[18] Georges
Bernanos. La France contre les
robots. (1944) - Pléiade, p. 989
[19]
C. Lafontaine. L’empire
cybernétique, des machines à penser à la pensée machine. Seuil.
Paris. 2004
[20] Paul Ricœur. Introduction à Condition de
l’homme moderne. Hannah Arendt. Calmann-Lévy. Collection Agora. p. 15
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