A
la fin du XIXè siècle, les anarchistes ont théorisé la
« propagande par le fait » dans le but d’accélérer la
prise de conscience populaire grâce à une multitude d’actions
illégales : sabotage, boycott, expéditions punitives, etc. On
connaît les résultats peu probants de cette stratégie
révolutionnaire. Nos sociétés idiocratiques ont inventé une autre
facette de la propagande, beaucoup plus « cool » et non
moins pernicieuse, celle de la bêtise braillée sur tous les tons
par les « représentants » du système et montée en
boucles sur toutes les chaînes de la bien-pensance. Il s’agit, ni
plus ni moins, d’ébaudir le citoyen par la répétition sans fin
de slogans vides, l’injonction à suivre des principes plus creux
les uns que les autres et la volonté de niveler la moindre parcelle
de pensée critique.
La
semaine qui vient de s’écouler constitue un grand moment de
propagande par la bêtise : dès lundi, tout le monde était sur
le pont, prêt à revêtir son masque de douleur et à trembloter ses
quelques mots de tristesse. Les officiels, bien sûr, qui ont
commémoré le « premier anniversaire » des attentats de
janvier dans des cérémonies d’une "rare dignité". Les médias
appointés, naturellement, qui ont réussi à concilier l’émotion
des victimes avec l’analyse des experts, le tout auréolé de mines
déconfites et de propos pleurnichards. Les artistes, enfin, ces
grandes consciences citoyennes qui n’ont pas hésité à prendre la
parole au nom des opprimés et à mouiller la chemise pour leurs
tournées promotionnelles. On aura presqu’une once de pitié pour
ce malheureux Renaud qui, présent au rassemblement des « Charlies »,
a vu fondre sur lui une meute de journalistes pour l’interroger…
sur son état de santé, sous-entendu son alcoolisme dépressif. Et
notre chanteur populaire de balbutier que son check up était
parfait, qu’il avait arrêté de boire et qu’il était fin prêt
pour reprendre du service et assurer la promo de son dernier album.
Ah ! l’on se sent tellement réconforté d’avoir entendu
toute la semaine ce grand cri de résistance, ce feu jailli des
entrailles d’un peuple en colère : « JE SUIS
CHARLIE ! »
Bref,
tout cela était réglé comme du papier à musique pour ritournelles désuètes. Seulement, il y
a eu quelques couacs auxquels il faut bien ajouter une espèce de
mauvaise humeur de la part de ce peuple veule qui rechigne à marcher
au pas de l’émotion. Il était quand même difficile d’assister
à cette grande parade commémorative à peine quelques semaines
après les attentats du Bataclan. Une question brûlait toutes les
lèvres (sauf celles des grandes voix du PAF) : quelle a été
la réaction des autorités publiques après le 7 janvier 2015 ?
Quels dispositifs ont-il été mis en place pour lutter contre le
terrorisme ? Rien, aucune question de fond. Le temps des
commémorations n’est pas celui de la réflexion critique, par
respect pour les victimes, bien entendu. Pas de polémiques, mauvais
coucheurs, passez votre chemin !
En
revanche, et c’est là où la bêtise tourne à la gêne : que
de promotions détournées, que d’appâts du gain à peine
déguisés, que d’étalages de pathos sur commande, que d’anonymes
en recherche de notoriété, que d’émissions racoleuses
enregistrées, que de livres intéressés publiés, etc. Tout finit
par respirer le fric dans ce carnaval des bons sentiments. Au
passage, on s’interroge sur l’état d’esprit qui régnait à
Charlie-Hebdo, ce bon journal d’anar de gauche que l’on
n’a cessé de nous présenter comme une bande de potes qui se
marraient bien tous les matins, avec l’œil torve des lendemains de
cuite. Pourtant, dès les semaines qui ont suivi, n’a-t-on jamais
vu un tel panier de crabes qui se disputaient la paternité du
journal, qui s’écharpaient sur la gestion des dons, qui étalaient
leurs états d’âme dans les médias, qui se pressaient à publier
leurs témoignages ? Et ce grand humoriste, Philippe Val, qui a
été invité partout en tant que directeur du journal alors même
qu’il l’avait quitté en 2009, soit cinq ans avant les
attentats ! Il faut croire que le filon est bon puisque notre
cher auteur a remis le couvert au mois de novembre dernier avec un
nouvel ouvrage : C’était Charlie – cette fois-ci, la
ficelle était un peu grosse puisque plusieurs personnalités se sont
élevées contre les « erreurs et les contrevérités »
qui parsèment le livre.
En
tout état de cause, cette belle semaine de commémoration tombait
d’autant mieux qu’elle permettait de masquer d’autres faits
bien embêtants pour nos élites cosmopolites : l’appétit
sexuel des « migrants » pour la jeune européenne. Aussi, la caste journalistique appuyait-elle de tout son poids sur le
couvercle de l’information pour que celui-ci ne déborde pas.
Pensez-y, ces « gentils réfugiés » qui ont échappé
cent fois à la mort pour rejoindre nos terres bénies du capitalisme
ne trouveraient d’autres moyens pour remercier leurs hôtes que de
saccager leurs rues, d’insulter leurs flics et d’agresser leurs
femmes. L’information grouillait partout sur la toile, l’omerta a
finalement été rompu par quelques téméraires et repris timidement par les autres, sans doute
encore tout peinés de quitter les rives doucereuses de la
commémoration profitable.
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