mardi 12 janvier 2016

Rise and fall of Rock'n Roll


Avec David Bowie et Lemmy Kilmister le rock vient de perdre les derniers témoins de son âge classique. Certes, il reste encore Paul McCartney, Bob Dylan et les Stones, mais, eux, à l’inverse de nos chers disparus ne suscitent guère plus qu’un enthousiasme nostalgique, leur période faste s’étant achevée au mitan des années 70, tandis que Bowie et Motörhead continuaient malgré tout à se réinventer pour le premier, et à persévérer dans leur être pour les seconds. Après eux ne demeurent plus que les sous-genres d’un style qu’ils auront inspirés et qui par définition empêchent l’unanimité. Les derniers grands créateurs de clichés, ceux qui inventèrent un genre dont ils restent les maîtres incontestés s’appellent Iron Maiden, Metallica, Slayer, Morbid Angel, Sisters of Mercy, New order/Joy Division, Darkthrone, Laibach, Bauhaus, Depeche Mode, et quelques autres, dont la radicalité et la tonalité crépusculaire fondèrent l’Underground, sans qu’ils y participassent forcément, faisant définitivement basculer la création de qualité dans les marges.


Bowie et Lemmy figuraient donc les dernières icones à venir directement du monde d’Elvis Presley, les dernières références du rock qui ne furent pas contraintes de choisir entre la standardisation et les ténèbres, l’ultime soubresaut de la pop dans sa période colorée, écho musical des trente glorieuses, quand les excès, l’engagement politique, la remise en cause artistique non seulement valaient pour norme, mais semblaient ne pas devoir se payer autrement qu’en positif. On a beaucoup glosé sur la musique pop que l’on a survalorisée ou dévalorisée de trop. Les demi habiles y ont vu la distraction spectaculaire nécessaire à l’achèvement de la domination du système ultra-libéral, les naïfs ont crû à sa réelle portée subversive oubliant qu’il n’est d’art qu’officiel, que la subversion elle-même est un moment de l’époque qu’elle représente, et qu’on n’a jamais crée que pour plaire. Pour autant, la période des sixties fut d’une créativité et d’une exigence artistique éblouissante, les albums des Beatles, de Dylan, de Bowie en témoignent et alors que la Grande Musique marchait en direction de l’aphone, tentant aujourd’hui de retrouver figure et forme chez Glass ou Pärt notamment via l’influence de la pop, la musique « récréative » de cette époque fut sans conteste, en même temps que la bande originale des lendemains enchantés, la dernière rencontre entre l’Art et la masse ; l’illustration d’une utopie démocratique et aristocratique dont on croyait qu’elle incarnerait la fin de l’histoire
L’émotion qui nous saisit alors à l’annonce de la mort de Bowie et de Lemmy, un brin disproportionnée en regard de nos playlists qui ne font pas tourner Ashes to Ashes et Overkill tous les dix morceaux, provient plus sûrement de la prise de conscience d’un monde avec eux désormais révolu, qui plus encore qu’une parenthèse enchantée s’avéra une illusion historique, un idéal dont nous faisons avec leurs héritiers torturés le deuil : celui de la politique solaire et naïve, de la musique exigeante à destination des foules, l’idéal de l’art de vivre selon son désir, bref, la fin de l’Occident pacifique et lumineux de l’après-guerre. En 1969 Space Oddity sonorisait pour la BBC l’alunissage d’Apollo 11, matérialisation technique d’une humanité appelée à rejoindre les étoiles, David Bowie meurt en nous léguant Blackstar, allusion directe à DAESH, comprenne qui pourra…




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