vendredi 31 août 2012

Une réponse à Richard Millet


           

        Avec un certain sens de l’à-propos, Richard Millet publie, quasiment à la date anniversaire de la tuerie d’Utoya (à un mois près puisque Langue fantôme suivi de L’éloge littéraire est sorti le 22 août), un petit Eloge littéraire d’Anders Breivik condamné à susciter la polémique, ou peut-être programmé à cet effet. Admettons en effet que le pamphlet de Millet vient combler un vide et que son auteur n’est pas sans en avoir conscience. « Même les maîtres à penser de l'extrême droite ne se sont guère aventurés à commenter les massacres perpétrés en Norvège. Ils ont fait "profil bas", selon Jean-Yves Camus, chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), spécialiste des droites radicales. Pourquoi alors un éditeur prend-il le risque de publier un texte pareil ? »[1] On pourrait rétorquer à Jean-Yves Camus, qui est visiblement peu spécialiste du pluralisme, qu’en démocratie cette liberté de choix s’apparente à la liberté d’expression mais notre bon « spécialiste des droites radicales » n’ayant visiblement même pas pris la peine de lire le texte qu’il commente cela semble peu utile de lui rappeler au passage ces quelques évidences. Voilà en tout cas le mal réparé, Millet vient à bon droit incarner la figure méphistophélique de l’écrivain d’extrême-droite qui prend fait et cause pour tous les monstres, de Breivik à Bachar El Assad. On peut se demander tout de même s’il n’y a pas chez Millet un peu de calcul et une certaine délectation à combler ce vide médiatique en jouant les croquemitaines. On connaît la phrase de Courteline : « Passer pour un idiot aux yeux d’un imbécile est une volupté de fin gourmet. »
En matière d’imbécilité, l’article de Raphaëlle Rérolle, dans Le Monde, dont la citation de Camus est également tirée, donne le ton. L’ « analyse » de l’ouvrage de Millet par Rérolle suffit à elle seule à situer le niveau intellectuel de la « Polémique » :

Après avoir  pris la précaution de dire  qu'il n'approuve pas le geste de Breivik, l'auteur évoque la "perfection formelle" du crime et sa dimension "littéraire". Le Norvégien serait, en quelque sorte, la pointe avancée du désespoir européen, face à une perte généralisée d'identité nationale et culturelle. En dix-huit pages, Richard Millet déroule avec rage la litanie des haines qu'il a déjà déversées dans d'autres écrits, notamment Opprobre, paru chez Gallimard en 2008.[2]

 Après Courteline, on pense à Cyrano : « Ah non ! C’est un peu court jeune homme ! » A voir l’ouvrage aussi rapidement expédié on supposera donc qu’un essai de dix-huit pages est encore trop long à lire pour un journaliste du Monde…
Il est parfaitement inutile de s’étendre plus ici sur la réception de l’essai de Millet dans les médias français. On est tellement habitué désormais à ce mélange de caricature, de bêtise satisfaite et de consensus bêlant que ce serait perdre son temps que d’en détailler encore le ridicule.




      L’Eloge littéraire d’Anders Breivik n’est en effet pas un tombereau de haine, pas plus qu’il ne constitue une « apologie » du tueur norvégien. Tout comme Millet, on reste frappé par l’ampleur de la tragédie : 77 morts en une heure (comment un seul individu armé d’un fusil semi-automatique peut-il commettre en si peu de temps un tel carnage ?), tout autant que par son inutilité, car le message que Breivik a prétendu vouloir écrire en lettres de sang sur notre ciel politique est déjà presque occulté par la précipitation des événements en l’espace d’une année. Coincé entre la révolte arabe et les révolutions de Sofitel, la catastrophe de Fukushima et le naufrage de la Grèce, le carnaval des présidentielles et la triste équipée de Mohamed Merah, l’effroyable massacre d’Utoya s’efface déjà dans les mémoires, à peine un peu moins vite qu’il ne s’est effacé des écrans.
Ce massacre pourtant nous révèle, écrit Millet, à quel degré de désespoir est parvenu l’Europe : « je constate que la dérive de Breivik s’inscrit dans la grande perte d’innocence et d’espoir caractérisant l’Occident, et qui sont les autres noms de la ruine de la valeur et du sens. »[3] Breivik est donc tout à la fois le symptôme d’un mal et la manifestation individuelle de la réaction à ce mal : le symptôme de la décadence profonde d’une civilisation et la « manifestation dérisoire de l’instinct de survie civilisationnel. »[4]
La réponse d’Anders Breivik à cette faillite civilisationnelle et à l’humiliation liée à sa propre condition d’Européen pourrait s’apparenter à la version la plus démentielle de ce qu’un ami, il ne m’en voudra pas si je le pille ainsi sans vergogne, nommait « l’option conséquentialiste », c’est-à-dire au dilemme du wagon fou dans la philosophie morale anglo-américaine : un wagon s'apprête à tuer cinq personnes sur un chemin de fer, et le seul moyen de l'arrêter est de pousser un gros type sur la voie pour faire barrage. Breivik a choisi l'option conséquentialiste, c'est-à-dire pousser le gros type sur la voie. Le wagon fou ici symboliserait la faillite accéléré de la civilisation européenne, quant au gros type, il représenterait le progressisme béat dont Breivik a voulu faire à la fois le premier responsable et la première victime de cette faillite en s’attaquant directement à « de jeunes Norvégiens de souche travaillant, selon lui (et là se trouve en effet le cœur de l’affaire), à la dénaturation de la nation norvégienne. »[5]
La tragédie d’Utoya, ainsi que l’attitude d’Anders Breivik au cours du procès qui s’est ensuivi rappelle un autre cas que le philosophe Pierre Legendre avait placé au cœur d’une de ses leçons.[6] Il s’agit de l’affaire Lortie. J’en rappellerai très brièvement les circonstances : le 8 mai 1984, un jeune caporal de l’armée canadienne faisait irruption dans l’Assemblée nationale du Québec, avec l’intention de tuer les membres du gouvernement. Courant dans les corridors, tirant à l’arme automatique sur les gens qu’il croisait, Denis Lortie arrivait bientôt à la Chambre où se réunissaient les députés. Mais ce jour-là, l’Assemblée ne siégeait pas et la salle était vide. Il alla s’assoir dans le fauteuil du Président. Une négociation s’ensuivit pour le désarmer. Après sa reddition, on compta trois morts et huit blessés. Une des conclusions tirées par Legendre après l’examen du cas de ce qu’on pourrait nommer ici « un Breivik qui n’a pas réussi » (on n’ose imaginer le carnage si la Chambre avait siégé ce jour-là…) est la suivante :

Si l’on renonce à traiter un tel attentat avec des slogans ou par les simplicités comportementalistes de l’actuelle criminologie, une réflexion de fond peut s’ouvrir et l’on s’aperçoit vite de ce qui soutient pareil geste meurtrier. Je dirai : cet acte est la conclusion d’une faillite ; en frappant et en se frappant, Lortie règle des comptes généalogiques. Au-delà de sa personne, on peut noter, d’un point de vue général, que la raréfaction du père, à l’échelle d’une société ou pour un sujet, pose le problème du meurtre en termes de destruction et d’autodestruction.[7]

Legendre utilise cet exemple comme point de départ d’une réflexion sur le meurtre et l’interdit du point de vue civilisationnel et institutionnel. Richard Millet se refuse, et je le suivrais dans ce refus, à sombrer dans les caricatures de la socio-psychologie politique. Il semble pourtant que les réflexions des deux auteurs apparaissent soudain étrangement liées tout comme le massacre de Breivik apparaît comme un écho funeste et démultiplié du crime de Lortie. Breivik à plus d’un titre est un « enfant de la ruine familiale », comme l’écrit Millet : ruine personnelle tout d’abord, puisqu’il est abandonné par son père et ruine civilisationnelle ensuite puisqu’il se sent abandonné par cette société qui semble à ses yeux s’être abandonnée elle-même à l’extase du reniement et de l’expiation permanente dans laquelle la figure du père, à la fois symbolique et institutionnelle, celle qui lie et relie et celle qui garantit le maintien de l’interdit, a disparu. « Or, écrit Pierre Legendre, si ce fondement-là n’est plus clairement perçu, on ne saisit plus à quel désastre fait barrage l’image du Père, et, partant, on perdra de vue sur quel terrain bien circonscrit s’organise la représentation fondatrice du sujet humain dans nos sociétés industrielles »[8]
Le geste terrible de Breivik s’apparente bien en effet, et d’un certain point de vue, à un combat pour la survie d’une identité : la sienne et celle d’une civilisation qui se condamne à disparaître. Ce geste est tout aussi dérisoire que ses conséquences sont dramatiques. Mais la société contre laquelle ce geste s’est exercé est tout autant responsable des conséquences terribles qu’il a pu avoir : « on ne sait plus à quel désastre fait barrage l’image du Père », écrit Legendre. Breivik, tout comme Lortie, «  en frappant et en se frappant » règle aussi « des comptes généalogiques ». Mais il les règle cette fois avec sa propre génération. Lui, le fils sans père va assassiner les enfants d’une société qui renie toute fonction patriarcale, qui ne parvient plus à brandir le moindre interdit et qui se condamne ainsi à l’autodissolution.
Breivik est donc, selon Millet, « un combattant solitaire : enfant abandonné par son père, il est devenu le soldat perdu d’une guerre qui ne dit pas son nom. »[9] C’est à ce point de la réflexion de Millet que, sans la rejeter complètement, je m’écarte quelque peu de sa thèse. Tout comme le pense Millet, il me semble bien également que Breivik est « un enfant de la ruine familiale autant que de la fracture idéologico-raciale que l’immigration extra-européenne a introduite en Europe depuis une vingtaine d’année ».[10] Cette fracture « idéologico-raciale » est produite par  le mécanisme économique que décrivait fort bien Frédéric Mas dans un article publié récemment sur notre site :

Les « insiders » (retraités et classes moyennes en milieu ou fin de carrière) sont nombreux et produisent peu ou de moins en moins, tandis que les « outsiders » (nouveaux entrants sur le marché et secteur privé) ne produisent pas assez, ce qui « oblige » les dirigeants à emprunter, c’est-à-dire à endetter les générations futures pour satisfaire la partie la plus socialement protégée de la population et à faire appel à l’immigration pour maintenir en l’état un mécanisme qui ne peut fonctionner que sur la croissance.[11]

Ce mécanisme de compensation s’appuyant en partie sur une immigration devenue un levier d’ajustement économique est à la fois générateur de tensions sociales et ethniques de plus en plus fortes (qu’il est loin désormais le temps béni des Trentes Glorieuses où notre système économique pouvait absorber les populations immigrées en raison des exigences de la reconstruction et de la nécessité de faire valoir la supériorité du système capitaliste face à un bloc soviétique agonisant…) et également d’affrontements intergénérationnels de plus en plus inévitables. Breivik est l’héritier de ce contexte et en incarne la conscience la plus désespérée et la plus meurtrière. Il est plongé « dans un abîme identitaire qu’accroît le fait de vivre une fin de civilisation »[12] mais le geste de Breivik pour Millet « fait pourtant de lui autre chose que ce qu’Enzesberger appelle un “perdant radical”, puisqu’il a agi seul, et non en accord avec un programme terroriste »[13].
Or, il semble ici que la lecture faite d’Ezensberger par Richard Millet soit quelque peu réductrice. Certes l’auteur allemand identifie, entre autres, les membres de factions terroristes, comme les Brigades Rouges ou les mouvements islamistes, à des « perdants radicaux » mais sa définition englobe tout aussi bien ce type d’individus que le lone wolf à la Breivik, allant même jusqu’à élargir assez considérablement sa définition pour associer au « perdant radical » les nations ou civilisations qui choisissent en partie la voie de la radicalité, l’option conséquentialiste d’une certaine manière, pour compenser le puissant sentiment de déclin, ou de faillite imminente, à laquelle elle sont confrontées (je renvoie ici à l'analyse que nous proposions il y a quelque temps sur ce site: http://idiocratie2012.blogspot.fr/2012/08/merah-breivik-les-perdants-radicaux.html).
Il semble donc que la définition du « perdant radical » donnée par Enzesberger soit beaucoup plus large que celle retenue par Richard Millet et qu’elle corresponde bien à la figure d’Anders Breivik, à laquelle il me semblait également pertinent d’associer celle de Mohamed Merah, issu d’un cadre socio-culturel différent mais dont le profil n’est pas dénué de similitude avec le « croisé » norvégien. Ce dernier correspond donc bien à mon sens au modèle du « perdant radical » décrit par Ezensberger. Non seulement parce que les conditions de son existence et son rapport au monde font de lui un perdant radical mais plus encore parce qu’il est issu d’une société, ici la civilisation européenne, qui elle-même bascule inexorablement dans le camp des perdants radicaux.




La première question, à l'issue du massacre d'Utoya et de l'attentat d'Oslo, était cependant la suivante: Anders Breivik est-il fou? Or, il ne l’est manifestement pas et ses juges en ont d'ailleurs décidé ainsi en le condamnant à la peine maximale, comme le souhaitait l'accusé, ce qui renforce à mon sens le parallèle que l’on peut établir avec l’affaire du caporal Lortie qui « supplie, rappelle Pierre Legendre, (…) supplie l’instance juridique de le reconnaître sujet. »[14] Breivik, fils abandonné et enfant, ou produit comme on voudra, de la ruine d’une civilisation, supplie qu’on le reconnaisse sujet lui-aussi. Il refuse, comme il en est question au début de son procès, de se voir rejeté dans les limbes de l’institution psychiatrique, c’est-à-dire en un sens renvoyé au statut pathétique conféré à chaque individu par une société où la célébration de l’individualisme au-delà de tout entraîne la quasi disparition de toute référence à une collectivité où il soit possible de se nommer. Breivik, furieux qu’on puisse le considérer comme fou, au début de son procès, veut échapper à l’anonymat psychiatrique et à l’enfer anomique, tout comme Lortie suppliait, vingt ans plus tôt, après son crime, qu’on le reconnaisse comme sujet, comme sujet existant. A mon sens d’ailleurs, l’ouvrage de Pierre Legendre nous donne une clé de lecture essentielle qui peut, peut-être, permettre de situer Anders Breivik dans cette nouvelle échelle de valeurs post-moderne à laquelle nous tentons en vain de comprendre quelque chose. Entre le « perdant radical » et un nouveau type de « combattant politique » individualiste et individuel, il y a d’abord un nouveau type de meurtrier :

Mais le prix à payer, pour le self-service normatif promu par les idéaux gestionnaires prônant la dé-métaphorisation de la Loi, est lourd : un type nouveau de déshumanisation est apparu. Les nouveaux meurtriers sont des criminels sans culpabilité, mais qui pour autant ne sont pas fous, de sorte que les interprètes en exercice, psychiatre et juges, se perdent en conjectures ou perdent la tête devant ce qui est devenu incompréhensible : le déclassement du discours de la Raison par élimination de la culpabilité subjective.[15]

Les conséquences de cette élimination de la culpabilité, Legendre les laisse entrevoir et elles sont effrayantes : « des accès aveugles de moralisation et de répression, entrecroisés dans le discours gestionnaire du sujet libre », avec, comme horizon « ce dont les holocaustes du XXe siècle ont fait miroiter la promesse : la dépénalisation du meurtre dans la nouvelle humanité. » Pour ce qui nous concerne en 2012, on peut se risquer à prédire l’entrecroisement de plus en plus surréaliste et terrifiant d’une morale universaliste usée et aveugle et de la banalisation de la violence la plus meurtrière: des explosions de violence sporadiques et isolées qui seront la seule réponse du corps social fragmenté et désemparé à l’incapacité des gouvernants et des institutions à assurer la paix civile et la cohésion sociale ; soit la réponse du bourreau isolé au dirigeant hypocrite ou encore la réplique de l’individu alphanumérisé au statisticien. Dans les deux cas, il s'agira de la consécration du règne de la « rationalité bouchère », pour reprendre l’expression de Legendre.




Au moment du massacre d’Utoya, il semblait plus rassurant de démontrer l’existence d’une vaste conspiration fondamentaliste chrétienne plutôt que de prendre la mesure de la faillite que le crime de Breivik dénonçait directement ou indirectement. Aujourd’hui, par amour du consensus et par complaisance, la plupart de ceux qui commentent l’essai de Millet dans les grands médias semblent obéir davantage aux vieux automatismes du manichéisme le plus imbécile et le plus suicidaire qu’à la volonté de proposer une réelle lecture de ce texte. Richard Millet lui-même n’est pas exempt d’une sérieuse propension à grossir le trait dans son analyse et il me semble qu’il fait un peu trop vite de Breivik un combattant politique. En revanche, il est tout à fait juste comme il le fait de présenter Anders Breivik comme un terrible symptôme de la déroute complète de la civilisation européenne. L’ampleur de la tuerie et l’incapacité des « contemporains capitaux » qui garnissent les rangs de nos élites à réagir à la tragédie d’Utoya ou au texte de Millet autrement qu’avec les réflexes usés de rentiers d’une idéologie expiatoire stérile nous apporte seulement quelques renseignements supplémentaires sur l’état de sclérose intellectuelle et de déliquescence morale auquel nous sommes parvenus.
Comme le note Millet, cette débandade s’accomplit de plus dans le contexte d’une crise financière qui est une autre démonstration de la faillite d’une civilisation que seuls les imbéciles ne veulent pas voir. Ces mêmes imbéciles font rejouer aujourd’hui le disque rayé de l’indignation de commande. Il y a pourtant plus à lire et à critiquer dans l’essai de Millet que ces pauvres caricatures inlassablement réchauffées par ces éditorialistes aux colères si prévisibles et si fades. On pourrait peut-être tout au moins rétorquer à Richard Millet que le choix meurtrier opéré par Anders Breivik illustre en lui-même, plus que son combat contre le multiculturalisme, l’écroulement de toutes les valeurs de la vieille Europe fatiguée et que son épopée sanglante s’apparente, même s’il n’a pas au final retourné son arme contre lui, toujours plus à un suicide anomique qu’à un acte politique. On pourrait aussi peut-être aussi supposer, au-delà du texte de Richard Millet, que le geste de Breivik annonce le retour tragique du balancier de l’histoire et que l’Europe est sur le point également de devenir une « perdante radicale ». Pour notre vieux continent, le Requiescat In Pace n'est même plus de mise. Nous n'aurons pas une fin paisible.





[1] Le Monde. 27/98/2012.
[2] Idem
[3] Richard Millet. Langue fantôme suivi de Eloge littéraire d’Anders Breivik. Editions Pierre-Guillaume de Roux. Paris. 2012. p. 109
[4] Idem. p. 110
[5] Ibid.
[6] Pierre Legendre. Le crime du caporal Lortie. Traité sur le père. Fayard. 1989
[7] Pierre Legendre. p. 28
[8] Ibid.
[9] Ibid. p. 110
[10] Ibid. p. 108
[11] Frédéric Mas. « Les habits neufs du libéralisme politique : le néolibéralisme en question. » Article publié sur Idiocratie le 29 août 2012. http://idiocratie2012.blogspot.fr/2012/08/les-habits-neufs-du-liberalisme.html
[12] Richard Millet. Eloge…p. 109
[13] Ibid. p. 110
[14] Pierre Legendre. Le crime du caporal Lortie. p. 43
[15] Pierre Legendre. p. 53

21 commentaires:

  1. Votre propos me pose problème, je vais essayer de me bien me faire comprendre.

    Si je comprends bien votre propos, vous sembler considérer que Breivik est le fruit pourri d'une Europe malade, parce que Breivik a voulu signaler d'une manière "anormale", peut-être la seule restante selon lui et pour l'Europe, l'ampleur de la pathologie Européenne. Il me semble que votre position n'est pas justifiée. Ce n'est pas parce que Breivik agit ainsi parce qu'il croit que l'Europe est malade, qu'il est vrai que l'Europe soit malade. Je vais tenter de m'expliquer.

    Dans la mesure où les actions de Breivik (ou de Lortie) sont en accord avec ses croyances, ce dernier agit rationnellement, n'est pas fou.

    Je vais essayer de résumer la délibération de Breivik. La croyance fondamentale de Breivik consiste à considérer que l'Europe est au bord du gouffre culturel, moral, politique. Afin de prévenir la chute, il a tenté de signaler l'existence de ce risque "civilisationnel" en montrant qu'à l'instar de lui-même, l'Europe risquait de sombrer.

    La question se pose de savoir si le fait que les moyens choisis pour atteindre un objectif modelé par nos croyances soient compatible avec nos croyances et adaptés à notre objectif, implique que ces croyances soient vraies ?

    La réponse est négative, il me semble. Certes, la rationalité d'un comportement présuppose qu'il soit, en fonction de notre système de croyances, à même de réaliser notre objectif, et que notre objectif ne contredise pas notre système de croyances. En ce sens, Breivik est rationnel. Cependant, la rationalité d'un comportement n'implique pas que nos croyances soient vraies. En effet, si la condition nécessaire de la rationalité de nos actes était la vérité de notre système de croyances, au vu de l'incertitude notre monde, nous serions tous fous. Dès lors, puisque la rationalité du comportement de Breivik n'implique pas la vérité des croyances sur lesquelles ils se fondent, vous ne pouvez pas déduire du fait que Breivik agit ainsi parce qu'il croit que l'Europe est malade, que l'Europe est véritablement malade. Tout ce que l'on peut déduire, c'est que le décalage entre les préférences de Breivik et sa représentation du monde (de l'Europe) l'ont poussé à adopter un comportement nuisible, pour lui-même, et pour les autres.

    Ce n'est que maintenant que l'on peut se demander si l'on peut considérer que le monde d'aujourd'hui est responsable des croyances délétères de Breivik. J'aurais tendance à croire qu'une réponse affirmative présuppose de nier l'individualité et l'autonomie de Breivik.

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  2. Bonjour et merci pour votre commentaire. Vous proposez je crois une inversion intéressante mais qui me semble n'être que purement dialectique. D'une part, le fait de considérer que Breivik est rationnel ne veut pas dire qu'il professe nécessairement la vérité. Si l'on admettait ce postulat ultra-rationnaliste, on ne saurait l'appliquer de toute façon qu'au domaine du discours, que Breivik a choisi de quitter pour passer à "l'écriture au fusil d'assaut" comme l'écrit Millet. D'autre part je ne suis pas sûr que l'on puisse dire que l'on agit rationnellement à partir du moment où l'on agit en fonction d'un système de croyance. C'est ce qui s'appelle être cohérent, mais pas forcément rationnel (la rationalité du système de croyance peut-être questionnée quand la démarche reste parfaitement cohérente). Votre raisonnement à l'envers me semble donc invalidé par cette nuance qu'il aurait fallu établir dès le départ. D'une part il faudrait dire que Breivik a agi de façon cohérente et en pleine conscience de ses actes mais que son acte en lui-même est fou, d'autre part il serait extrêmement étrange que j'ai voulu considérer le geste de Breivik, aussi accordé qu'il puisse être à ses croyances, comme la démonstration irréfutable que l'Europe est malade. Je n'ai pas besoin de Breivik pour avoir constaté depuis belle lurette que l'Europe est malade (pour autant je n'ai pas décidé de m'emparer d'un fusil d'assaut pour le faire savoir). Je vous rejoins en votre conclusion: d'une part on peut se poser la question du décalage entre la représentation du monde de Breivik et la réalité (ici se pose la question de l'échelle de valeurs, plus que des croyances, qui structure le personnage), d'autre part on peut se demander en quoi le monde d'aujourd'hui a contribué à forger d'une part cette représentation du monde et d'autre part la conviction que la seule solution résidait dans l'exercice le plus radical de la violence. Bien évidemment, la conclusion amène à nier l'individualité et l'autonomie de Breivik, une individualité, je le remarque, que Breivik n'a cessé de revendiquer à son procès, victime, comme tout un chacun d'ailleurs, du mirage moderne de l'individualité et de l'autonomie absolue.

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    1. Bonjour et merci de votre réponse.
      Effectivement, j'emploie le terme de comportement rationnel, sans jamais discuter la rationalité des croyances de Breivik. Comme vous le remarquer, j'aurai pu commencer par distinguer le sens du terme rationalité suivant qu'on l'utilise pour parler d'un comportement ou pour parler de croyances (j'inclus le concept de valeurs sous le concept de croyances). Je ne l'ai délibérément pas fait, afin de vous (nous) lancer sur la piste du questionnement du rapport de Breivik au monde, de la nature de ces croyances.

      Alors, d'une part, on parle de rationalité d'un comportement lorsque les moyens choisis sont adaptés à la fin poursuivie, et la fin poursuivie en accord avec les valeurs ( les croyances et les préférences qu'elles induisent) adoptées (c'est peut être d'ailleurs en ce sens que Millet parle de beauté formelle, technique). D'autre part, on parle de rationalité d'un système de croyance lorsque la gestion des croyances s'efforce de maximiser leur crédibilité, c'est à dire leur concordance à la réalité. Remarquer qu'il y a deux interprétations de cette exigence de gestion rationnelle des croyances. Une forte, ou la condition de la rationalité d'une croyance est sa vérité, une faible, ou la condition de la rationalité d'une croyance réside dans la dépendance lucide et cohérente entre le sens qu'elle donne au monde et la manière dont le monde, tel que nous pouvons y accéder, corrobore ou non ce sens.

      Maintenant que nous pouvons considérer que nous ne pouvons pas "dégager" Breivik sur la base de son comportement, il faut s'interroger sur le système de valeurs (une association de croyances et de préférences) et de croyances au fondement de son comportement. Ce système de croyances et de valeurs est-il délirant ou rationnel ? Adoptons l'interprétation faible de la rationalité du système de croyances ( la forte est irréaliste).

      L'enjeu de l'interrogation des croyances de Breivik est évident. Il a cru que l'état du monde justifiait, lui donnait le droit, de tuer 74 êtres humains désarmés et pacifiques (je n'ai pas dit pacifistes). A quelles conditions peut-on croire cela sans être fou ?

      Avant de vous laisser la parole, je voudrais souligner, comme vous l'avez d'ailleurs fait, qu'en aucun cas l'état moral du monde ne peut être l'objet d'une croyance positive, empirique. L'appréciation de l'état moral est un jugement normatif et non empirique. Dès lors, la question se précise : est-il rationnel d'avoir des valeurs qui vous amènent à croire que le monde s'écroule, et que la prévention de cet écroulement nécessite le meurtre d'innocents ? Certes il est possible de croire que le monde s'écroule sans croire qu'il faille charcuter les "bobos-humano-consensualo-nihilistes". Cependant, je n'ai pas l'impression que la folie de Breivik, ou que le délitement de sa rationalité, réside dans le passage du constat de l'Etat de délabrement du monde à la mise en œuvre de solutions extrêmes, au contraire, même.

      Je vous donne mon avis. On pourrait dire que dans la résolution de sa dissonance cognitive, Breivik à préférer changer le monde plutôt que ses désirs. A l'inverse, je crois que lorsque la satisfaction de ses désirs impliquent d'empiéter sur la liberté et l'autonomie morale de l'autre, il est urgent de transformer ses désirs, de changer de système de croyances, de voir le monde autrement.

      J'espère n'avoir pas été trop long ni trop obscure, et j'attends avec curiosité, votre réponse.

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    2. Je vous remercie de ce dense et très intéressant développement. Il est peut-être en effet plus réaliste d'admettre l'interprétation faible de la rationalité du système de croyance de Breivik. Mais si nous nous interrogeons sur le système de croyances qui a animé Anders Breivik, s'agit-il d'un jugement moral absolu sur le monde qui l'entoure, ce qui supposerait au contraire de sa part une interprétation forte de l’exigence de gestion rationnelle de son système de croyance (même si, vous avez raison de le souligner, le jugement porté sur l’état du monde reste normatif) ? Nous serions alors dans le cas véritable d’un individu qui sacrifie sa propre individualité à la cause qu’il croit juste et à l’interprétation du monde qu’il juge vraie. Ce qui l'amène à penser qu'il faut utiliser les moyens les plus terribles pour souscrire à cette interprétation. Dans ce cas, l’histoire est pleine de Breivik dont on peut dire qu’ils sont fous à lier et qui imposent de façon terriblement sanguinaire au monde autour d’eux leur système de croyance. Peut-être trouverez-vous que cela n’a rien à voir mais je repense ici à la réplique de Robespierre dans le film de Wajda, sur son lit de malade : « il faut faire le bonheur du peuple contre son gré ». A la rigueur, je dirais presque que Millet a choisi pour Breivik l’interprétation forte, en le considérant comme un combattant politique. Mais l’idéologue armé n’agit normalement pas seul, or, en dépit des fantasmes exprimés par les premiers commentateurs de la tragédie d’Utoya, c’est bien ce qu’il s’est passé, Breivik a agi seul. Cela reste donc un individu dérangé, voire un perdant radical (expression que Millet à mon avis a mal interprété chez Enzesberger mais c’est une autre histoire). Sa croyance ne peut s’appuyer que sur lui-même et sur son geste désespérée pour renforcer sa crédibilité. Breivik ne peut pas dire « Le Pape combien de division ? », il reste désespérément isolé et il l’est resté semble-t-il tout au long de son parcours intellectuel et dans sa vie sociale. Il s’ensuit donc pour moi qu’Anders Breivik a eu désespérément besoin d’accorder non pas ses croyances mais ses désirs d’individus au monde qui l’entoure. Il s’est peut-être posé la question de l’interprétation faible de son système de croyance, c’est-à-dire d’accorder, comme vous le dites fort bien, le sens que cette croyance donne au monde et la façon dont le monde corrobore cette croyance, ce qui le mènerait vers ce que le philosophe Landsberg plaçait sous l’idée d’adéquation entre l’idée et l’expérience vitale. Mais, c’est là que la qualité de symptôme entre en ligne de compte pour Anders Breivik, le délitement de sa rationalité n’est-il pas intervenu avant pour l’empêcher d’accomplir cette opération lucide ? Ce délitement ne serait pas discernable dans le fait que Breivik considère que l’Europe est malade, constat qui peut être fait par des individus suffisamment en possession, je n’oserais dire de toute leur rationalité, mais au moins d’une conscience de l’interdit moral que représente le meurtre ou de suffisamment d’empathie pour tenter de maximiser leur système de croyance autrement que par le massacre. Ce délitement serait possible dans le contexte même d’une civilisation européenne suffisamment malade pour imposer à l’individu à la fois l’impératif de la jouissance et la frustration constante entraînée par la négation constante de son existence en tant que sujet.

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    3. Ces conditions culturelles particulières, tout autant que l’histoire familiale de Breivik peut-être, l’ont conduit à aboutir à la conclusion qu’il pouvait remédier à la frustration grandissante de ses désirs en tant qu’individu par l’assouvissement brutal d’un phantasme de puissance au mépris de l’existence de ces semblables qui sont réifiés dans sa vision du monde. « Il passait au milieu des victimes en chantonnant », ai-je lu quelque part (dans Millet peut-être ?). Est-ce à dire qu’il ne les voyait pas ? Je le pense. Mais je pense que la constitution de son « diagnostic » sur l’Europe et la construction d’une détermination à agir comme il l’a fait, dans la négation complète de toute empathie envers l’autre, sont deux choses à la fois liées et différentes. Différente car le jugement porté par Breivik sur l’Europe n’entrainait pas nécessairement ce passage à l’acte démentiel. Lié parce que Breivik me semble bien dans ce passage à l’acte, dans cet imaginaire idéo-ludique dont il entoure ses actes, être un des symptômes de la « maladie » de l’Europe qu’il a diagnostiquée et dont il est également le produit. Il me semble cependant que votre conclusion mêle peut-être injustement ces deux dimensions qui sont celles de la croyance d’une part et du désir d’autre part. Breivik a, à mon sens, voulu assouvir, en prétendant le faire au nom d’un système de croyance délirant et ne comportant, c’est peut-être le plus important, aucune hiérarchie de valeur (j’entends par là : valeur morale, valeur humaine, comment aurait-il pu sinon, accomplir un acte à la fois aussi fou et aussi froidement réfléchi et froidement prémédité ?). Ne pas empiéter sur la liberté et l’autonomie morale de l’autre, c’est quelque chose auquel je crois mais je crois également qu’il n’est pas bon de renverser complètement la proposition et d’adapter totalement au monde son système de croyance car cela nous mènerait dès lors sur la voie d’un relativisme absolu tout aussi périlleux que le dogmatisme le plus étroit. Le juste choix se trouve peut-être dans l’interprétation faible que vous évoquiez plus haut : «dépendance lucide et cohérente entre le sens qu'elle donne au monde et la manière dont le monde, tel que nous pouvons y accéder, corrobore ou non ce sens. » Un équilibre fort délicat à conserver.
      J’espère moi aussi ne pas avoir été trop long et surtout trop confus pour pouvoir avec plaisir vous lire à nouveau.

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  3. Finalement, on n'est pas loin d'une analyse psycho-socio-pol tant décriée par Millet et ses alliés.

    Je trouve pathétique l'État d'une société qui ne s'étonne pas du fait que depuis des années, nos disent philosophes et écrivains applaudissent à tout rompre, comme la majorité des éditorialistes de la presse (qu'ils qualifient de bienpensante alors que, dans les grandes lignes, ils sont en parfait accord), les opérations Plomb durci ou Choc et Terreur : ces créations linguistiques révélant clairement leurs intentions vis à vis des populations concernées.

    Je ne vois pas où est l'indépendance d'esprit est littérateurs ou des "philosophes" à tapis rouge : la régression est là : dans le moutonisme otaniste et le droit à l'ignominie revendiquée par tous ces gens.




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  4. Je voulais dire : analyse psycho-socio-pol genre tant décrié par ....

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  5. Coquilles ... désolé. Il est tard ...


    Réfléchir sur le sens de ces actes est une chose, mais se demander comment ces armes militaires arrivent aussi facilement et aussi fréquemment entre les mains de marginaux non-militaires est un sujet qui fait partie du dossier des mille et une questions sans cesse éludée.

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  6. Je ne connais pas la législation norvégienne en matière d'armes à feu et ne sais pas comment cet arsenal a pu atterrir dans les mains de Breivik pour lui permettre de déclencher sa propre opération d'extermination sur l'île d'Utoya. De la guerre entre Etats nous sommes passés à la guerre des Etats contre les populations et aujourd'hui ce sont les individus qui déclarent la guerre aux Etats et aux populations. Les guerres qui se font loin de nos frontières, à Gaza ou à Bassaroh se rejouent soudain de façon sinistre sur le sol d'une Europe, qui elle ne connait plus la guerre depuis soixante ans, à travers les croisades personnelles d'illuminés. "Plomb durci" à Utoya, "Choc et terreur" à Toulouse (vous ne croyez pas si bien dire en relevant l'influence de ces créations linguistiques, c'est exactement cette expression qui avait été employée au JT de TF1 pour décrire la tuerie de Toulouse en mars dernier), ce sont des opérations militaires que des Breivik ou Merah ont eut également l'intention de mener.

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  7. Le JT serait donc capable de faire une analogie subtile ...



    Avec la multitude de bases militaires implantées dans le monde par certains États et le nombre de groupes armés financés par des États depuis la fin de la guerre, cette remarque ne me paraît ni raisonnable, ni crédible, si je peux me permettre.

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  8. Quelle remarque exactement? Vous pouvez parfaitement vous permettre mais pourriez-vous préciser votre critique svp?

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  9. Je ne crois tout simplement pas que le combat des individus contre les États prédomine désormais sur les combats menés entre les États eux-même y compris en finançant des groupes terroristes et par ailleurs, les lobbys n'ont pas les mêmes intérêts que les populations, et c'est au coeur des États que les acteurs des lobbys, pour ainsi dire, sont installés, y compris le lobby des armements.

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  10. Pour être plus clair, comparer, comme le fait le JT, l'attentat de Merah au déluge de bombes lancées sur Bagdad et à la destruction de villes entières est de la propagande à gros sabots.

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  11. Je ne dis pas que le combat des individus contre les Etats prédomine bien sûr. Ce que j'avance c'est que les individus, comme Merah ou Breivik, ont mis en scène les massacres qu'ils ont perpétré comme s'il s'agissait d'opérations militaires telles que celles qui sont décrites et surtout spectacularisées (et euphémisées par la même) dans les médias (s'inspirant et caricaturant même les terminologies employées par les militaires "Plomb durci" ou "Choc et terreur"). En retour, les médias eux-mêmes spectacularisent les actes de ces individus comme c'est le cas avec Tf1 et Merah par exemple. Je vais encore une fois revenir à Debord mais l'instauration de la société du spectacle sert toutes les entreprises que cela soit les jeux du cirque ou la désinformation. Les manipulations des individus, des nations, des groupes terroristes par les Etats et des Etats eux-mêmes par des groupes d'intérêts n'ont pas cessé, ils sont facilités dans la grande entreprise de déréalité à laquelle nous assistons.

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  12. Je me suis arrêté un instant au concept du "perdant radical", il m'apparaît qu'il est difficile de comparer Merah et Breivik. Breivik est esseulé et rentre sûrement dans ce cas de figure, Merah a la foi et une puissance de feu médiatique incomparable. Merah est tout sauf un perdant.
    C'est l'histoire qui décide du sort de ces personnages. En acceptant l'idée de décadence et d'une chute de notre civilisation, Merah est et restera un élément moteur de cette dynamique qu'il encourage. Un héros.

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  13. Quelle foi professe Brevah? Cette interprétation littérale du Coran qui est complètement moderne et lui permet de monnayer des petits arrangements avec la lettre et son existence d'impie anonyme? Merah est un perdant qui fantasme une appartenance religieuse dont le sens lui échapppe et qui ne lui permet pas d'échapper à la civilisation au sein de laquelle il est né pour des raisons matérielles, dont il a adopté les us et coutumes au détriment de celle pour laquelle il a cru encore combattre mais qui ne fait de lui qu'un perdant sans religion autre que son délire alimenté par tous les canaux du spectacle.

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  14. Attentat à Québec + début d'incendie
    Utilisation d'armes militaires

    ans
    Anglophone, "de souche" - petit patron d'une pourvoirie (région Laurentides)
    Âge 62 ans
    Fin de campagne électorale - victoire du Parti Québécois (Gvt minoritaire)

    L'attentat a lieu à la fin du discours de la future premier ministre

    Un mort, deux blessés.

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  15. L'attentat vient juste d'avoir lieu. Il est peut-être un peu trop tôt pour gloser sur les motivations de l'auteur qui au premier abord a l'air sévèrement dérangé. L'auteur a utilisé visiblement utilisé un AK-47. Il existe une centaine de millions de fusils de ce genre en circulation dans le monde ce qui en fait presque plus un symbole du libre-échange et de la mondialisation, au même titre que la bouteille de coca, qu'une arme militaire (vocable qui en soi laisse une grande marge d'interprétation, du fusil au char d'assaut).

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  16. tout d'abord en finir avec le phantasme du déclin de l'europe, qui est contraire à l'examen des choses. pour illustrer mon propos je vais faire une comparaison, À quoi pourrais-je comparer l'Europe ? À la Grèce !
    À partir du V° siècle, la Grèce part à la conquête du monde, conquête qui culminera avec celle d'Alexandre le Grand. À sa mort son empire sera dépecé entre différents Diadoques qui entreront dans de longues guerres fratricides affaiblissant les différents royaumes hellènes, préparant ainsi les conquêtes romaines.Sous l'Empire romain, que représente la Grèce sur le plan politique, économique ? Rien !Mais si la Grèce a perdu son aura en termes de pouvoir, en revanche, elle est devenue LA référence culturelle. Les intellectuels de toutes les disciplines se rendent en Grèce ou bien se forment auprès de maîtres grecs. Alexandrie capitale intellectuelle de l'Empire se targue d'être la nouvelle Athènes, son architecture est grecque, ses cultes sont grecs, ses Ecoles sont grecques, etc.….Le néo-platonisme y fleurira ainsi que le néo-aristotélisme, Théon, Jamblique et Diophante y continueront l'œuvre d'Euclide et jetteront les bases de l'algèbre, etc.Le grec devient non seulement la langue de la science, des arts, de la culture il devient également la langue commune à l'empire romain, la langue des échanges .La Grèce n'était plus rien en termes de puissance, mais elle était tout dans l'empire puisque ce sont ses modèles philosophiques, littéraires, esthétiques, scientifiques qui domineront.
    De même pour l'Europe. À partir de la fin du XV°siècle, l'Europe part à la conquête du monde : empires espagnol, portugais, néerlandais, français, britannique, autrichien, allemand. La puissance économique, politique, militaire de l'Europe culmine à la fin du XIX° siècle pour entrer au XX° siècle dans une longue décadence, victime de ses guerres internes.Certes aujourd'hui l'Europe, malgré son Union n'est plus qu'un partenaire parmi tant d'autres qui maintient, face aux nouveaux géants, vaille que vaille son influence diplomatique, économique, politique. L'Europe impériale est morte victime de ses ambitions démesurées et de ses conflits internes, tout comme la Grèce antique.Mais si nous regardons le monde, tous les pays qui se développent, émergent, s'affirment le sont grâce à quoi ?
    Tous ces pays : Japon, Corée du Sud, Chine, Inde, Brésil, Argentine, Russie accèdent à la modernité en intégrant les sciences et les techniques européennes. Dès que ces pays commencent à parvenir à un minimum de bien être, ils s'empressent de quoi ? De créer des orchestres de chambre, philharmoniques, des opéras, des théâtres à l'image de l'Europe ! Ils deviennent avides de culture européenne, traduisent à tour de bras les œuvres littéraires, philosophiques, et de sciences humaines européennes, font venir des peintures, des sculptures européennes. Dès qu'ils peuvent voyager, ils s'empressent de visiter l'Italie, la France, l'Espagne, l'Allemagne, … Le pouvoir impérial de l'Europe est mort, mais le prestige européen est souverain dans le monde civilisé, développé.
    Tout comme les différents paradigmes grecs s'étaient imposé dans l'empire romain, les différents paradigmes européens se sont imposés dans le monde….Et c'est même une langue européenne qui s'est imposée comme langue des échanges : l'anglais !

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  17. Quant à Breivik, vouloir en faire un sujet, oui au sens d'assujetti à sa folie paranoiaque, il n'est le symptome de rien, à part de sa folie, certes comme tous les délires paranoiaques, son délire est rationnel, vouloir faire de son acte le résultat de je ne sais quels déterminants sociaux, économiques, culturels, éducatifs me semble curieux, c'est vouloir découvrir du sens dans un délire qui par définition est hors sens. Breivik tout comme Mérah ne sont pas des héros, ce ne sont que de pauvres fous sanguinaires, représentatifs de rien, car ils ne sont rien car hors de l'humanité commune. Ils ne sont que ce que les média veulent bien en faire, mais en recyclant les discours, postures de ces cinglés n'est-ce pas diffuser des messages quelque peu frelatés et pouvant fragiliser des personnes vulnérables, la crise actuelle est suffisamment cause de déstabilisation des personnes pour que l'on fasse de Merah ou de Breivik les héros de je ne sais quoi. Je préfére m'intéresser à des personnes telles que Monte Lester qui avec d'autres créent du lien du sens dans des lieux (la cite des 4000) sinistrés. Ces gens là créent au lieu de détruire, mais comment se fait-il que la vie des batisseurs d'humanitude, des créateurs soit moins intéressantes que celle destructeurs fous.

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  18. Je dois vous avouer que je vous trouve singulièrement optimiste, si ce n'est aveugle. D'une part le comparatif anachronique est un exercice à la fois dangereux et trompeur en histoire parce qu'il est très réducteur d'une part et d'autre part parce qu'il donne l'impression que la situation actuelle répond à des déterminants simples et déjà connus. Je prendrais le contre-pied de ce que vous affirmez: l'influence culturelle de l'Europe me semble sérieusement remise en question aujourd'hui, les universités européennes sont en sérieuse perte de vitesse, la production culturelle européenne semble enfermée dans un ethnocentrisme étriqué qui contraste avec le dynamisme et la capacité d'adaptation dont l'Europe a su faire preuve pendant des siècles. Quant à l'anglais...Les linguistes anglophones eux-mêmes s'inquiètent de ce que le "globish" nuise sérieusement par rétroaction à la langue de Shakespeare. Je ne parle même pas de la situation économique de plus en plus préoccupante du vieux continent qui à elle seule nous montre que la roue tourne. Votre propos même traduit un certain ethnocentrisme: imaginez-vous sérieusement que les civilisations chinoises, russes, indiennes, coréennes...n'aient fait qu'accéder à la modernité en ne faisant que copier les science et techniques européennes? Voilà un universalisme bien limité et assez paternaliste si vous me permettez. L'Europe semble aujourd'hui bien plutôt faire le deuil de sa culture tout en continuant à mener une politique impériale qui se refuse à tout fondement historique. Un aveugle funambule, voilà à quoi fait penser l'Europe aujourd'hui. Il est certain que les civilisations que vous évoquez, Grèce, Rome...ont laissé leur marque dans l'histoire, cela n'a pas empêché un Saint Augustin de confier dans sa Cité de Dieu son effroi face à l'effondrement d'une civilisation dont il était contemporain. Pour résumer mon propos je dirais qu'il n'est jamais très réconfortant de devenir une pièce de musée de son vivant. Je ne suis même pas sûr, voyez-vous, que les ressortissants des pays émergents que vous citez aient une très grande admiration pour nous aujourd'hui. Un certain nombre de conversations et de lectures me laisse plutôt penser que le mépris et l'incompréhension dominent à l'égard de la prestigieuse culture européenne. Quant à Breivik et Merah, je ne vois pas ce qui nous obligerait à les abstraire du contexte et à les considérer comme des manifestations isolées de folie qui ne signifient rien. Tous deux ont tenu de plus de propos très clairs pour justifier leurs actes. Ces propos en eux-mêmes sont des symptômes. Les bâtisseurs ont certainement plus directement utiles à la société bien qu'ils puissent se tromper lourdement en bâtissant et faire du tort à leur tour mais il ne faut pas pour autant considérer que nous pouvons nous débarrasser de la responsabilité d'avoir à vivre avec les destructeurs.

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