A l’heure où Najat Vallaud Belkacem présente
un plan de lutte contre les discrimination qui peut laisser penser à la lecture
des propositions de plus en plus délirantes que nous basculons définitivement
du côté de chez Huxley ou Orwell et où le « mariage pour tous » a mis
100000
personnes dans la rue, il est bon de rappeler aussi à ceux qui auraient
tendance à ne s’en prendre qu’aux socialistes et à absoudre trop facilement les
tocards d’en face que l’UMP n’a pas été avare en son temps de propositions
sociétalo-rigolotes et de diversions faciles. Célébrons donc aujourd’hui un
anniversaire inutile : Roselyne Bachelot, la dame aux 95 millions de
vaccins anti-grippe A, demandait officiellement il y a un an à François Fillon
de faire
disparaître le terme « Mademoiselle » des formulaires
administratifs, premier acte de la longue, trop longue, comédie de boulevard
qui se poursuit aujourd’hui avec le mariage homosexuel, sous le gouvernement
Ayrault[1].
A l’occasion, nous ressortons des archives
cet article et hommage à la défunte « Mademoiselle »…Avant peut-être
d’en dire un peu plus sur le reste…
Qualificatif ô combien dégradant, évocateur
de sages froufrous, de regards furtifs, de silhouette gracile et de cœur à
prendre, « Mademoiselle » est priée d’aller promener ailleurs ses jupons et de
cesser ses manières. On ne tolérera désormais que la dignité un peu austère de
« Madame », qui elle au moins sait se tenir et ne s’avise pas de minauder avec
les airs de charmante victime de sa consoeur. « Madame » n’est ni prise, ni à
prendre, ni à séduire, foin désormais de cette distinction discriminante entre
la jeune fille et celle qui sera adoubée par l’institution rétrograde du
mariage. Circulez SVP, phallocrates et profiteurs sexistes ! « Madame »
désormais se tient fière et droite sur le podium de l’égalité des sexes aux
côtés, ou plutôt en face, d’un « Monsieur » qu’on tient à l’œil et qu’on ne
reprendra plus à couler des regards en coin vers les « Mademoiselles » dans les
recoins des formulaires.
Au-delà du juste combat pour une égalité parfaite que nous ne nous
aviserons pas de discuter ici, cette avancée législative est aussi une avancée
linguistique. Soucieux que nous sommes de valoriser chaque nouvelle bataille
remportée par la modernité, il nous faut ici saluer une avancée décisive en
termes de langage. Il y a plus de soixante-dix ans, un penseur réactionnaire
établissait dans un méchant petit ouvrage, avec une mauvaise humeur teintée
d’ironie acerbe, que les combats menés par les avant-gardes, pour revenir à la
pureté originelle d’un langage qui ne trahirait plus la pensée, interdisaient
désormais d’employer des lieux communs comme « des yeux fondus » ou « douceur
vespérale », clichés auxquels, d’un point de vue stylistique, on pourrait
certainement adjoindre « ironie acerbe », « pureté originelle » et « penseur
réactionnaire » tant ces maladroites constructions traduisent des évidences… Ce
combat était en tout cas d’un autre temps. La chasse aux clichés et aux lieux
communs dans les années d’entre-deux guerres n’était qu’un prélude esthétique
qui ouvrait modestement la voie aux réalisations formidables des grandes
utopies révolutionnaires (ah ! encore un cliché !). Aujourd’hui, tandis que
nous vivons une époque au sein de laquelle nous avons matériellement et
juridiquement conquis un bien-être relatif et une harmonie sociale apparente,
les conquêtes, après s’être réalisées dans les lois, doivent se poursuivre dans
les cœurs et les consciences.
On ne demande plus, comme aux temps héroïques (tiens, encore un…)
des avant-gardes historiques (et de trois…), à la littérature de préparer les
temps nouveaux. En fait, on ne lui
demande plus rien. Cependant, si le bannissement des demoiselles représente une
avancée législative comme on n’en avait plus vu depuis le droit de vote des
femmes en 1944, il convient de continuer à mener la bataille du langage pour
finalement gagner celle des âmes en entreprenant, partout, de traquer le démon
protéiforme de la pensée discriminante. Amen. On peut d’ores et déjà suggérer
que les ligues de vertus égalitaires ne se contentent plus, dès aujourd’hui,
d’écarter des formulaires administratifs l’ombre menaçante des jeunes filles en
fleur, mais qu’elles osent s’attaquer aux forteresses inexpugnables (et de
quatre !) du sexisme ordinaire (cinq ?), à « Monsieur », le Minas Morgul de la
terreur phallocratique, et à « Madame », le Minas Tirith du consentement
bourgeois. Dès à présent, nous osons soumettre à la bienveillante sagacité
(nous vous prions d’agréer nos salutations les plus distinguées…) de nos
maîtresses en anti-sexisme, les jolis termes, bien plus égalitaires, de «
compère » et « commère » pour remplacer « Monsieur » et « Madame ». Avec un peu
de chance il y aura bien un usager qui se prénommera Goupil ou Ysengrin :
fou-rire et bonne humeur assurés au guichet des ASSEDICs, même en cas de
radiation définitive…
[1]
Et c’est chose faite trois mois plus tard : http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/02/21/mademoiselle-disparait-des-formulaires-administratifs_1646538_3224.html
Ni mises Ni sous-putes !
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