samedi 18 janvier 2014

François au pays des merveilles



         Dans sa conférence de presse, François Hollande a rappelé à plusieurs reprises sur un ton menaçant qu’il « ne laisserait pas faire » les sceptiques qui osent critiquer le projet européen, et qui envisagent même la sortie de l’euro. Que faut-il entendre par ces mots qui relèvent davantage de la police de la pensée que du débat démocratique ? Une nouvelle mise en garde contre les dissidents de tous bords ? Et quelques phrases plus loin, le président de préciser la stratégie adoptée pour les futures élections européennes : criminaliser les opposants en les faisant passer, au mieux, pour d’infâmes réactionnaires et, au pire, pour d’affreux fascistes. Son diagnostic est sans ambiguïtés : non, il n’existe pas en Europe de vague populiste, mais seulement un « vieux courant raciste et extrémiste » dont il faut empêcher l’expression. Les eurosceptiques sont donc en voie d’être rayés de la carte de la bien-pensance selon la technique désormais bien huilée du lynchage médiatique.

         Outre cette petite saillie sur les répressions à venir, la conférence de presse de notre cher président a reçu, une nouvelle fois, l’absolution de tous les médias. Quel courage, en effet, que de renoncer à ses convictions (censées être socialistes) et à une bonne partie du programme pour lequel il a été élu par le peuple français (si cela a encore un sens) pour s’adonner, le doigt sur la couture du pantalon, aux remèdes envisagés par la troïka européenne et défendus par tous les économistes patentés du système ! Est-il seulement besoin de préciser que ces recettes néo-libérales sont non seulement celles qui ont précipité le monde dans la crise, mais aussi celles qui ont plongé les Etats européens dans des déficits absolument impossibles à rembourser ? La seule vertu de ces politiques d’austérité étant de maintenir à flot le marché (auprès de qui les Etats s’approvisionnent), ce qui a effectivement provoqué des résultats « miraculeux » au vu des profits que se partagent aujourd’hui les grands instituts financiers. Les peuples essorés, pressurés et vidés apprécieront…



         Ce nouveau programme présidentiel est d’autant plus génial qu’il revient à défaire, à peu de choses près, tout ce qui a été entrepris depuis 18 mois ! Observons, au passage, la simplicité confondante d’une science économique qui se résout dans l’alternative imparable : soit la relance par l’offre, soit la relance par la demande. Les deux options étant censées ramener la sacro-sainte croissance. Là encore, il suffit de rappeler le diagnostic émis par le club de Rome (en 1972 !) et justement intitulé « Les limites de la croissance ». Ce rapport n’a d’ailleurs jamais fait l’objet de vraies contradictions tant son constat était limpide : si une majorité de pays adoptent les standards de la vie occidentale, il faudrait cinq ou six planètes pour assurer l’approvisionnement en ressources naturelles, sans compter les dégâts écologiques qui en découleraient. En même temps, me direz-vous, le rapport datait de 1972 et les Cassandre auraient encore péché par excès de pessimisme. Sauf que le dit rapport portait sur les soixante années à venir et que sa réactualisation en 2012 n’a pas modifié une seule ligne de son constat implacable. Il conclut de la façon suivante :  « Tout se déroule comme prévu pour que survienne le désastre ».

         Alors, on peut toujours jongler avec des chiffres totalement délirants : 30 milliards offerts aux entreprises sur le dos des allocations familiales (acquis obtenu par le Conseil national de la résistance), 50 milliards (!) de réduction des budgets de l’Etat (on croit rêver, surtout de la part d’un parti qui a toujours pris soin de soigner sa clientèle électorale), quelques milliards récupérés du côté de la réduction du nombre de régions (alors même que la réforme des conseillers territoriaux est à peine engagée) et quelques autres du côté des crédits compétitivité-entreprises qui viennent d’être votés. Enfin, c’est le grand jeu des milliards qui va se faire d’un coup de baguette magique dans l’euphorie générale de la liberté d’entreprendre enfin retrouvée. Le Nobel de l'économie, Paul Krugman, ne s'y est pas trompé et a déclaré : "Oui, des conservateurs sans coeurs et butés ont mené la politique, mais ce sont des politiciens de la gauche modérée, mous et brouillons qui les ont encouragés et leur ont facilité la tâche". 



         En tous les cas, la majorité des médias ont applaudi des deux mains ce programme incroyable fait de reniements, d’approximations et de génuflexions devant la marche insensée du monde. En avant ! Que la machine tourne à plein régime, après nous le déluge. Sans compter que la romance présidentielle a fait un bel écran de fumée derrière lequel se sont engouffrés tous les journalistes à la petite semaine, contribuant ainsi à recouvrir le cadavre de la gauche d'un linceul de paillettes festives...

          On regarde ce spectacle grandiose avec une petite larme à l’œil car l’on sait que ce type de politique relève beaucoup plus du monde imaginaire de Tolkien (sauce Madoff) que de la réalité grise et âpre de la mondialisation « heureuse ».  




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