Rassérénés
par les récentes prises de positions médiatiques du fondateur de l’université
populaire qui montraient une certaine bienveillance à l’égard du réel, nous
nous surprenions à attendre la sortie de Cosmos. Ce livre vendu par son auteur
comme son premier, et en lequel tous les autres se résumeraient pour être
dépassés, offrait une perspective à double tranchant puisque n’ignorant pas les
précédents méfaits d’Onfray nous savions qu’une synthèse de néant ne pouvait
guère égaler autre chose qu’un néant identique. Mais le néant promettait après
combinaison d’être dépassé, pourquoi alors dans ce cas ne pas aller y
voir ? Las, un livre inédit d’Onfray, tel qu’en lui-même demeure inchangé
malgré l’addition quasi trimestrielle des volumes. La surprise espérée plus
qu’attendue n’aura donc pas lieu, ni ne sera lancé l’Eureka annonçant enfin la présence d’une
pensée à l’intérieur d’une bibliographie finalement plus proche de la
compilation d’humeur que de la réflexion intellectuelle.
Outre
les poncifs philosophiques qui parsèment sa production, il convient tout de
même de reconnaître à Onfray un certain talent. Talent d’élocution d’abord qui
grâce à la sphère médiatique le positionne comme le meilleur VRP de ses
ouvrages et nous persuade à chaque fois, ou presque, d’aller jeter un œil à ses
livres que pourtant nous avons souvent trouvés mauvais. En effet, la conviction
qu’il met à
les vendre agit à la manière d’un baume enchanteur révolutionnant notre mépris
afin de le transformer en curiosité. Ainsi, selon les effets de cette
sorcellerie rhétorique, nous posons un regard presque vierge sur chacune de ses
nouvelles parutions qui en revanche pour la plupart, avouons-le, commencent
bien. De fait, voici une des qualités littéraires d’Onfray : la confession
biographique ouvrant chacun des ses essais et qui s’offre en guise de marchepied à la quête philosophique. Ici, il s’agit
de son père dont il nous relate la mort, une belle mort, et une introduction
touchante, en raison de la
charge affective d’abord, mais surtout parce que pour la première fois
l’athéisme d’Onfray semble vaciller, et sa peine le bousculer un peu en
direction du doute, lui, qui n’en possède
ni la coutume ni le goût intellectuel : « je
ne crois pas aux signes ; cela n’empêche pas les signes. » écrit-il, en faisant la correspondance
entre un vin de champagne « ressemblant » à son père et daté de 1921,
année de la naissance de son père. A vrai dire c’est ce livre-là, qui n’a pas
été écrit, que nous attendions de lire, non pas un livre de conversion, mais un
livre composé par un écrivain dont les certitudes auraient été bouleversé et
qui fort de cela, ou rendu faible pour ces raisons, philosopherait désormais
aux abords du précipice, sinon à la manière de Nietzsche, au
moins en tant que penseur capable de conquérir son rang en pensant contre lui.
Mais ni la dialectique ni le doute ne structurent une complexion d’esprit telle
que celle de Michel Onfray, semblable en cela aux convaincus de toutes espèces
qui abaissent la religion comme ils abaissent la philosophie et la politique,
parce que plutôt que de les libérer à l’air de l’intelligence, ils les
emprisonnent dans l’idée fixe où chacune d’entre elles se meure
aujourd’hui…
Les
poncifs donc, qui cependant avec Cosmos nous déçoivent plus que d’habitude
pour la raison que, naïfs ou charmés voire les deux comme nous
l’avons dit plus haut, Onfray, s’il n’en dit rien, parle de sujets intéressants, c’est-à-dire, du point
de vue philosophique : de sujets problématiques. Mais, hélas, aucune
pensée ne vient animer l’idée fixe camouflée sous le costume de
l’interrogation. Une ontologie matérialiste, annonce le pseudo philosophe, bel
oxymoron qui ne tient pourtant guère la
promesse de résoudre le paradoxe revendiqué d’une spiritualité du monde, dans
le monde et selon cette matière du monde que le monde, d’après Onfray, ne
dépasse pas puisqu’elle en est l’alpha et l’omega.
Deux
exemples aux hasards parmi les sujets traités par Onfray : la
Corrida et l’art chrétien qu’Onfray condamnent ou expliquent à l’aune de son
antichristianisme idiot. Ainsi, si pour lui la Corrida a été interdite par les
autorités religieuses catholiques, il ne faut pas s’y tromper pour autant, elle
demeure authentiquement catholique. De la même manière nous pourrions dire que
l’intolérance et la violence auxquelles recourut parfois l’Eglise pour affirmer
sa domination, malgré les apparences ne relèvent pas du catholicisme mais du
paganisme qui en faisait les frais. Raisonnement on ne peut plus performatif
qui marque bien l’emprise de l’idéologie sur les arguments d’Onfray. Autre
argument spécieux, pour le moins, faire des apologues de la tauromachie des
dégénérés sexuels, dont la plupart des figures célèbres finiront par se
suicider. Certes, Hemingway et Montherlant (même Leiris que la tentation de la
mort philosophique traversa sans qu’il s’y livre finalement) se suicideront
tous les deux, mais est-ce pour autant la preuve d’un malaise général relatif
aux amateurs de tauromachie ? Le propos étonne de la part d’Onfray, plutôt
attaché semble-t-il à l’idée du suicide rationnel, a priori achrétien, et qui chez ceux qu’il dénonce
montre éventuellement l’exigence de construire une vie en œuvre d’art, à moins
qu’il leur reproche de ne pas assumer pour eux les souffrances que le toréador
inflige au taureau ? Impossible de le savoir puisqu'il se borne à
des considérations de bon sens dans le meilleur des cas, plus généralement de
sophistique pure, sur la souffrance animale sans jamais problématiser une
question qui pourrait nous convaincre du caractère spécifiquement abominable de
la corrida. Idem quand il identifie la tauromachie à la chasse et le toréador
au chasseur sans comprendre que le supplément infâme de la mort de la
bête dans l’arène tient précisément de sa position dans l’arène. Le chasseur
qui tue, ne tue pas pour en faire un spectacle, le taureau assassiné, l’est
sous les yeux d’une foule complice qui se réjouit de la mise à mort de la bête
sans en maîtriser l’art et qui exulte à la contemplation d’une agonie dont le
seul prix qu’elle paye reste celui de l’entrée du stade. Cette délectation de
la mort effectivement, comme le savait l’Eglise, rappelle mieux les jeux du
cirque païen, dont Onfray ne va
tout de même pas jusqu’à accuser les catholiques de les avoir inventés, que la
mise en perspective du tragique, sur le sable de cet amphithéâtre barbare, qui
saisit toute vie, humaine comme animale. Considéré sous cet angle, Onfray
tenait là un début de réflexion sur la parenté ontologique entre la corrida et
le spectacle contemporain, lequel a renoncé au décorum mithriaste pour ne
conserver que la réjouissance mauvaise que nous éprouvons à observer la mort de
l’autre alors que nous, nous ne mourons pas. Mais tel n’est pas le souci
d’Onfray qui semble plutôt décidé
à enfiler les demi raisonnements à la suite les uns des autres en les habillant
de ces vêtements aux couleurs du soleil capables de transformer un
boucher sadique en toréador, et la logomachie en pensée…
Autre sujet de non réflexion : l’art Chrétien,
représentant le Christ pour quelques raisons de basses propagandes mensongères
selon Onfray. Or, ne lui
en déplaise, ni les juifs ni les musulmans ne représentent Dieu, lequel d’après
lui, n’existe pas plus que le Christ, personnage fictionnel dont la nature
imaginaire nécessitait, toujours pour notre ami, une représentation artistique,
seule à même de donner un corps à ce qui n’en a pas ni n’en a jamais eu. En
conséquence, pourquoi manque à l’art mosaïque
ou musulman, la figure de Moïse
et celle de Mahomet, et pourquoi, si l’on suit toujours son raisonnement,
n’ont-ils pas rendu la figure de Moïse
semblable dans leurs sculptures ou leurs tableaux hypothétiques à celle de Zeus
afin de travestir sous le nouveau nom de Yahvé celui qui régnait déjà comme le
Dieu de la foudre sur le mont Olympe, lui-même personnification, ainsi nous
l’enseigne Epicure, de la foudre très matérielle ?
On ne le saura pas, pas plus qu’Onfray ne se demandera
si la religion catholique n’a pas représenté son Dieu, précisément en raison de son
incarnation, parce que désormais présent avec son corps personnel dans le monde, le
monde pouvait, grâce à une nouvelle modalité de l’ontologie divine, le saisir à son tour. A l’identique
le fond païen repris par l’iconologie chrétienne plutôt que d’augurer un déracinement hors de la terre,
peut être envisagé sous l’aspect inverse d’un enracinement dans la tradition
européenne qui précède le Christ affirmant alors la continuité contre la
rupture, comme l’apôtre Paul annonçait déjà aux Athéniens, avant la Rome de
Constantin, la connaissance de ce Dieu inconnu… Hypothèse à discuter, mais qu’Onfray ne discutera pas pour la raison qu’il ne discute rien…
Enguerran Quarton. La Piètà de Villeneuve-les-Avignons. 1455. Musée du Louvres
Voilà pour deux exemples, mais nous pourrions prendre
chaque argument d’Onfray et, sans le retourner contre lui, le détruire
simplement en le problématisant, c’est-à-dire en tentant de penser un sujet
selon sa multiplicité et non du point de vue d’un seul angle. Onfray est
sympathique sur les plateaux de télé, parce qu’il dit tout de go certaines
choses de bon sens sans s’embarrasser des circonlocutions qui quelquefois en
relativisant le bon sens abîment le réel, mais l’agora n’est pas un studio ni
la philosophie affaire d’opinion, quand bien même on la maquille à grand
renfort de phrases performatives. Que reste-t-il alors de son livre ?
Quelques belles pages sur le Land Art, deux ou trois considérations malgré tout
intéressantes sur les animaux et le beau projet d’une réconciliation de l’homme
avec le monde au travers d’une spiritualité cosmique que les grandes religions
n’ignorent pas cependant. Rien que pour cela, nous aurions pu faire l’éloge de Cosmos s’il n’était révélateur d’une
faillite de la pensée qu’Onfray n’est pas le seul à incarner, et qui pourrit
l’intelligence contemporaine en cela qu’elle confond l’athanor nécessaire à la
fabrication d’une pensée avec la compilation d’idées, et l’émergence des
concepts avec la déclaration d’intention…
Bravo ! Excellent ! Lélianisme !
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerEn lisant le texte que vous avez publié, j'ai cru lire Michel Onfray lui même comme s'il s'était lui même livré à une sorte de contre-histoire toute personnelle.... et d'auto regard. Vous écrivez en effet aussi bien que lui - à s'y méprendre -
Sur le fond, je ne partage pas votre pensée. A une exception, vous avez raison au sujet des pages de confession autobiographique dans ses livres. Elles sont en effet toujours dun éclat particulier, d'une pureté singulière. Celles dans lesquelles il évoque les décès endurés mais aussi les lignes qui le concernent personnellement (autoportrait à l'enfant) et celles dédiées à son père de toute beauté - comme l'avait souligné Bernard Pivot du temps d'une émission de bouillon de culture.
Sur les autres sujets que vous abordez comme la tauromachie ou l'art chrétien, je ne suis pas en phase. J'ai totalement adhéré à la présentation du massacre d'un taureau sous les yeux émerveillés et complices d'un public qui soit ne doute pas de la cruauté de la pratique pour l'animal - ce qui paraît en soi assez peu imaginable - soit se complaît dans une certaine perversité. Concernant l'art chrétien, il faudrait que je reprenne le livre que je n'ai pas avec moi à l'instant. Je reviendrai donc car c'est de toute façon un plaisir de revenir à un livre dont la lecture nous a enchantés. Merci.
Les pages autobiographiques sont les meilleures du livre. Pour le reste, Michel Onfray écrit certes bien mais le vide du cosmos semble souvent se déployer dans ses pages. C'est encore plus vrai d'ailleurs dans son dernier ouvrage, le "Penser l'islam" qui semble malheureusement penser tout et son contraire sur la question d'une page à l'autre. Pour ce qui concerne la tauromachie, les amateurs répondraient que le nombre de toreros tués dément déjà l'idée d'un affrontement absolument inéquitable et seulement cruel. Spectacle violent et sanglant certes...Mais "pervers" ?
Supprimer"le beau projet d’une réconciliation de l’homme avec le monde au travers d’une spiritualité cosmique". Beau comme Lucifer?
RépondreSupprimerL'enfer est pavé de bonnes intentions.
SupprimerPourquoi ai-je de plus en plus l'impression en lisant Michel Onfray de subir un lavage de cerveau?
RépondreSupprimerOnfray est plus un narrateur talentueux qu'un philosophe, il l'a démontré, la dernière fois, devant Ruquier, où sa définition du peuple relevait plus du bar des sports que de l'Académie.
RépondreSupprimerbravo!!!le vide de la pensée malgré un talent de sorcier pédagogiste,paideia grecque,!!un bon écrivain mais répétitif et chiant cosmos???trouvé à la biblio pas acheté car inutile produit; inutile livre en plus logorroique:: dommage :onfray tais tpoi!!parole de peintre entre le noir et le blanc il a des nuances ;pas ton "pseudo niéctschéeen,philo au'marteau simpliste réductif pseudo philo de bistrot philo ;oublier onfray .!!...il y a tristan garcia,catherine malabou ,""nogues cassosu,un livre sur godel magnifique,mehdi belay kacem et d autres jeunes en france plus i,nteressants de lui comme jopugnon renaud garcia ;;;boh:pas universitaire académique narcisistes,... commme ferry levy finkraut bruckner ....voir ailleurs pas chez onfray ;;l up est une bonne chose ;;;pas lui dogmatique intolérant vers ses ex amuis de la gauche critique et vendu au figaro et au spéctacle integré boh onfray télécratique 'capitaliste libertaire sa une nouvelle formule ;le vide!combien de divisions??onfray des lives politique du rebelle sous le vulcan est parti ;ah la jeunesse:pauvre onfray bye bye bien l article sur lui;sympa le blog ;bon courage:
Supprimerpardon pour v^otre belle langue un peu blessée par un étranger d ailleurs ,passant ordinaire;pardon pour les erreurs de frappe et pour le temps;mais j ai étais trop triste après lecture de cosmos(les passions tristes qui évoquent toujours onfray dans ses interventions spinoziennes):je préférais ses prémiers livres de sa jeunesse insoumise", politique du rebelle;" sous le voulcan" ...sa prémiere sortie de l UP de caen;une bonne initiative d éducation pop ;d accord!respect!:un bon prof d histoire pédagogue;animateur d assos,...écrivain affabulateur istrion brillant télécratique...serait un bon candidat pour le mouvement de citoyens indignés,"Podemos france,comme iglesias libértaire en éspoagne; wow!mais philosophe boh???trop réductiif simpliste dans ses afferamtions," arrogantes,a/crtiques, sans débat réel,sérieux,philosophique, avec des philosophes comme, par exemple alain Jougnon du livre "illuminant,""Contre onfray(éditions lignes )ou le jeune philsophe mis à la, porte dans un salon du livre,(you tube voir), michel Paraire du livre ,du titre'"":"" impostures intellectuelles d Onfray:il serait plu sympa que ,de faire des duels de boxing," à la télé ,que lui critique,wow!(ah Bourdieu réveille-toi!), des débats de bistros,avec ses ex copains (Grasset,éditions,,de la "revue la règle du jeu", de BHL,yann Moix ,un faux, érudit,de la ..rive gauche parisienne de ' ses," ex potes) BHL,yann MOIX et blablabla::!!! pardon pour quelque erreur mais c est pas,ma langue , maternelle ",!une' autre ", langue,d un humble observateur passeur européen,francophone,observateur, de cultures et des débats,d idées, en France ciao bon courage;michel Onfray pas philosophe??à suivre ou voir car il est encore jeune ...mais,des débats sans la télé la médio/ cratie,de la média/cratie pseudo intello/crate francaise des,"" faux"", débats"!! mieux,lire ses " livres à venir !! je crois ciao un passant ordinaire singulier quelconque européen
SupprimerMerci pour ce commentaire. A voir en effet si Onfray réussira à sortir de la fascination médiatique qui le pousse pour le moment à donner un coup de barre à gauche, un coup de barre à droite et à naviguer assez habilement dans le paysage des intellectuels médiatiques.
SupprimerOnfray est avant tout un conteur, un narrateur de la philosophie, détesté par les philosophes pro.
RépondreSupprimerUn narrateur ne se contente pas de raconter des histoires fictives...Les philosophes pro comme vous dites souffrent d'une grave maladie:le prurit d'une jalousie chronique.Le narcissisme, vous connaissez?
RépondreSupprimerLe problème d'Onfray reste tout de même qu'aligner les anecdotes et compiler les citations n'est pas un travail de philosophe en tant que tel. Michel Onfray est plus un habile pédagogue.
Supprimer"C'était mieux avant" aurait du être le titre de ce livre, plus comique que cosmique. Onfray faux candide qui se prend les pieds dans le tapis de ses idées toutes faites.
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