Peut être Marcela Iacub était-elle
inspirée par Charles
Fourier lorsqu'elle s'est mise en tête de fréquenter Dominique Strauss-Kahn.
Cela pourrait expliquer sa
fascination pour le « cochon » qu'elle voit en lui.
Pour Fourier en effet, « Le mouvement social est type des trois autres ; les mouvements
animal, organique et matériel sont coordonnés au social qui est le premier en
ordre ; c'est-à-dire que les propriétés d'un animal, d'un végétal, d'un
minéral, et même d'un tourbillon d'astres, représentent quelqu'effet des
passions humaines dans l'ordre social ; et que tout, depuis les atomes
jusqu'aux astres, forme tableau des propriétés des passions humaines. » (Théorie
des quatre mouvements et des destinées générales, 1808, p. 148) Or justement, dans le système de Fourier, le
cochon représente la treizième et ultime passion, « l'harmonisme » ou
« unitéisme », passion collective engendrée par l'action combinée des
« sept passions spirituelles et raffinantes » mais dont
« l'ordre civilisé » bloque malheureusement l'essor. (ibid. pp.
194-195)
En tout cas, Marcela Iacub
revendique l'influence de Fourier dans
une récente chronique pour Libération, lorsqu'elle propose rien moins qu'un
droit au sexe gratuit pour combattre la misère sexuelle : « [le
gouvernement actuel] pourrait interdire la prostitution, mais pallier la
demande à laquelle elle répond par la création d’un service sexuel gratuit et
public comme le don du sang et du sperme. » Ce « Service Public
Sexuel » ou « SPS »
serait inspiré de la « solidarité sexuelle socialement organisée »
des phalanstères de Fourier, dans lesquelles « aucun désir sexuel ne reste
insatisfait ».
Il faut dire que la sexualité
n'avait pas plus de secret pour Fourier que les autres vérités cosmiques. Il a
d'ailleurs découvert des sexes là où même Freud n'allait pas penser à en
chercher: « Toute création s'opère par la conjonction du fluide boréal qui est
mâle, avec le fluide austral qui est femelle. Une planète est un être qui a
deux âmes et deux sexes, et qui procrée comme l'animal ou végétal par la
réunion des deux substances génératrices. Le procédé est le même dans toute la
nature, à quelques variétés près, car les planètes ainsi que les végétaux
réunissent les deux sexes dans un même individu » (Théorie des quatre
mouvements, 1808, p. 154) Et Fourier d'ajouter en note de bas de page de la
réédition de 1841 : « L’astre peut copuler : 1° avec lui-même de pôles
nord et sud, comme les végétaux ; 2° avec un autre astre par versements tirés
de pôles contrastés ; 3° avec intermédiaire : la Tubéreuse est engendrée de
trois arômes : Terre-Sud, Herschel-Nord et Soleil-Sud. »
Mais revenons à la proposition
de notre chroniqueuse, même si elle nous prive de l'opportunité d'une satire du
service public gratuit, en poussant elle-même sa logique jusqu'au bout, pour
ainsi dire. Après tout, ce n'est pas parce que Fourier était un fou furieux (ou
un charlatan, de
l'avis de Proudhon) qu'il n'a pas pu avoir quelque idée sensée…Ou que Iacub
ne pourrait pas tirer une proposition intelligente des rêveries confuses du
« philosophe »: « La société ne doit-elle pas à
ses membres non seulement une vie digne, un emploi, une santé, la possibilité
d’exprimer leurs idées et de profiter des biens culturels mais aussi de
satisfaire leurs désirs sexuels ? » demande-t-elle d'abord en faisant
résonner la doctrine des droits-créances
dans l'air du temps. Une fois la prémisse de cette doctrine acceptée, on voit
mal en effet pourquoi on n'aurait pas droit au sexe si on a droit à un emploi,
une santé, etc. Le problème est plutôt dans la prémisse.
On laissera le soin à
d'autres de disserter en vraie grandeur sur la philosophie du droit. Pour
ce qui nous concerne ici, l'observation suivante suffira : il est hors de
question que de tels « droits » soient universalisables (et soient
par conséquent d'authentiques droits de l'homme, si une telle chose existe).
Car l'intérêt présumé des « droits à » pour leurs titulaires est de
faciliter l'accès à quelque chose. Si tous les membres de la société peuvent
exiger des autres de payer leurs factures, X peut bien être forcé de payer pour
Y mais Y est ipso facto forcé de faire de même pour X et ce, dans la
même mesure et pour les mêmes biens et services. Ni X ni Y n'est plus avancé.
Aussi, l'idéologie des
droits-créances ne sert dans les faits à rien d'autre qu'à justifier sous
couvert de générosité une inégalité en droit, à savoir que X soit forcé de
fournir à Y ce qu'il veut, ou au contraire qu'X exploite Y, suivant leur
relative habileté à obtenir des faveurs du législateur. La traduction
institutionnelle concrète du projet grandiose de « solidarité sexuelle
socialement organisée » en service public, c'est simplement le privilège
pour certains de s'offrir des prostitués aux frais des autres.
Xavier Méra.
(à suivre)
Cet article a été repris dans son intégralité sur Contrepoints.
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