dimanche 13 janvier 2013

Le mariage à la rue


                    Deux événements importants auront eu lieu entre la fin de cette semaine et ce week-end : la France est (à nouveau) en guerre et la droite est dans la rue.
Le premier cas de figure est en général revigorant pour le chef de l’Etat, dont la stature et l’assise internationale se trouvent augmentées d’autant, surtout quand la décision fait l’objet d’un aussi large consensus. Le second est de bien plus mauvais augure. Quand le peuple de droite descend dans la rue, c’est généralement extrêmement mauvais signe pour le pouvoir en place, surtout quand il est de gauche et qu’il détient la majorité dans toutes les institutions, qu’il s’agisse de l’Assemblée, du Sénat et du gouvernement, et se retrouve donc particulièrement exposé à la contestation. On se rappellera forcément des conséquences du projet de loi Savary en juin 1984 qui avait entrainé des manifestations géantes et la chute, pour finir, du gouvernement Mauroy un mois plus tard. Sans augurer des conséquences politiques futures que pourrait entrainer le projet de loi sur le « mariage pour tous », on pourra simplement remarquer que ce débat autour d’une question sociétale qui, à priori, reste marginale face aux problèmes économiques et sociaux auxquels est confronté le pays, dépasse en réalité largement la simple question du mariage des homosexuels et a pris une ampleur que ses instigateurs n’avaient peut-être pas soupçonné.
            La manière dont le mariage pour tous a été défendu et présenté par le gouvernement et dans une partie des médias et la contestation qu’il a engendré soulève en effet des interrogations qui dépasse le simple champ d’une question sociétale. Il pose en effet le problème du pouvoir des groupes de pression, accentué par le fait que ces groupes de pression disposent d’une représentation médiatique qui ne correspond pas à leur représentativité réelle au sein de l’opinion. Il faut mentionner ici la très intéressante étude proposée par Guillaume Trémeau, médecin et membre de l’Institut Turgot[1], qui rappelle lui-même les conclusions d’une étude de l’INSERM, menée en 2006, comptabilisant 4,1 % des hommes et 2,6 % des femmes de 18 à 69 ans ayant déclaré avoir eu au moins une fois dans leur vie des pratiques sexuelles avec un partenaire de même sexe en 1992 et 4,1 % des hommes et 4,0 % des femmes en 2006. A partir de là, Guillaume Trémeau pose la question : combien d’entre-eux sont-ils des militants actifs, prenant une part active au sein des mouvements LGBT (Lesbienne Gay Bi et Trans) et APGL (Association des Parents Gay et Lesbiens) ? 1800 sur l’ensemble de la France pour les membres de l’AGPL avance-t-il.[2] Sans avoir la prétention de proposer une estimation stricte du nombre d’adhérents aux différentes associations LGBT ou de l’AGPL, il semble bien que l’ensemble soit tout de même représentatif d’une très faible minorité, une très faible minorité qui peut pourtant se permettre de parler au nom de tous les homosexuels, bi et trans d’une part et qui peut se permettre d’exiger une profonde modification de l’institution sociale représentée par le mariage.
           La première réaction néanmoins, telle que le confesse Trémeau, à la question du mariage homosexuel - qui a été également celle de l’auteur de cet article - peut se traduire simplement: « on s’en fout. » En effet, pour un hétérosexuel qui ne partage pas l’idée que la terre va s’ouvrir et des langues de feu engloutir les homosexuels pour les punir de leurs péchés, quelle différence peut bien représenter le fait que la République décide de marier les couples homosexuels ?



          Pourtant, la différence est de taille. Tout d’abord parce que le mariage pour tous représente une surenchère par rapport au PACS qui ne peut s’expliquer que si l’on considère à quel point elle est indissociable de la question de l’homoparentalité. Or, l’acceptation de l’homoparentalité entraînerait une révision complète des dispositions législatives actuellement en vigueur en ce qui concerne la Procréation Médicalement Assistée ou la Gestation Pour Autrui. En ce qui concerne la première, son encadrement est garanti par la loi de bioéthique n° 2004-800 du 6 août 200410, dispositions qui ont été révisées par la loi du 7 juillet 2011, et qui stipule que la mise en œuvre de l’assistance médicale à la procréation est indiquée lorsque le couple se trouve face à une infertilité médicalement constatée ou pour éviter la transmission d’une maladie grave à l’enfant ou à l’un des membres du couple.[3] La pratique de la seconde, elle, est toujours interdite en France depuis 1991, décision confirmée à nouveau par le Conseil d’Etat en 2009. L’adoption de la loi sur le mariage pour tous entraînerait forcément une révision des dispositions législatives concernant la PMA et la GPA afin de les aménager en faveur des couples homosexuels nouvellement formés et faisant valoir leur droit, non seulement à l’adoption, mais également à l’enfantement, fut-il médicalement assisté. Cette supposition n’a rien de fantasmatique comme l’a démontré la prudente décision de François Hollande de laisser au parlement de décider si la PMA devait être ouverte aux couples lesbiens.[4] Or, cette décision est cruciale car la pratique de la PMA, comme le rappelle Pierre-Jean Dessertine, dont nous avons relayé un article précédemment, existait auparavant pour remédier à « un état de choses anormal, et qu'il fallait essayer d'éviter par prévention »[5], or l’extension de la PMA aux couples lesbiens transformerait cette pratique médicale en service destiné à servir un prétendu « droit à l’enfant » qui est un désir et non pas un droit. L’homosexualité constituant elle-même un désir et non pas une anomalie médicale, faire sortir la PMA de sa fonction première, qui est de tenter de remédier à la stérilité médicalement constaté d’un des partenaires d’un couple hétérosexuel en âge et en capacité d’enfanter, institutionnaliserait un principe pour le moins dérangeant. Cette question seule soulève un ensemble de points extrêmement problématiques : elle implique que l’enfant puisse être considéré comme un objet de consommation, elle remet en cause le caractère fondateur pour n’importe quelle société du mariage, qui n’a pas pour objet de consacrer un désir ou une orientation sexuelle, et enfin elle pose la question de la redéfinition de l’identité homosexuelle elle-même par le recours à la médiation de la médicalisation.
          Pour contourner ses épineux problèmes éthiques, les associations gay militantes ont recours à un artifice rhétorique, dont l’abus fait ressortir d’une certaine manière la malhonnêteté,  qui consiste à brandir la questions des droits afin d’emprisonner leurs contradicteurs dans les anathèmes : intolérants, fascistes, réactionnaires, ultras, antidémocrates…etc…etc Il est pourtant très simple de laisser Jean-Jacques Rousseau lui-même leur répondre en rappelant que l’objet du pacte social est l’expression de la volonté générale et que « s’il restait quelques droits aux particuliers, comme il n’y aurait aucun supérieur commun qui pût prononcer entre eux et le public, chacun étant en quelque point son propre juge prétendrait bientôt l’être en tous, l’état de nature subsisterait »[6]. L’état de nature, c’est-à dire, « la guerre de tous contre tous »[7] - Bellum omnium contra omnes – pour reprendre les termes de Thomas Hobbes. La satisfaction d’exigences minoritaires remet en question la valeur symbolique de l’ensemble législatif et juridique qui s’applique au reste de la population. « Une minorité va imposer ses us et coutumes à une majorité, écrit Guillaume Trémeau, ajoutant : « Encore une fois, tout comme la religion, la sexualité – mais non le mariage - fait partie du privé, de l’intime. Ne vaudrait-il pas mieux qu’elle y retourne et qu’elle y reste ? »



             En faisant ainsi primer le droit de l’individu à satisfaire son désir sur tout le reste, les associations gay militantes ouvre la voie à une institutionnalisation de la relation consumériste de l’individu vis-à-vis de son environnement social et intime et à une équivalence dangereuse entre la réalité biologique et les techniques de procréation artificielle qui va dans le sens d’une conception machiniste et utilitariste du corps humain. Cette équivalence implique que la conception de père ou de mère biologique soit symboliquement abandonnée au profit de celle de parent indifférenciée.
          La justification idéologique adoptée par ces groupes de pressions, qui empruntent aux théories du genre la croyance en un pouvoir performatif absolu de la parole et au militantisme le plus roué l’alternance entre anathème et discours victimaire, exercent à l’encontre de ceux qui souhaitent apporter une contradiction une politique paradoxalement très agressive au nom de la « lutte contre la haine ». Ceux qui descendront dans la rue une nouvelle fois dimanche 13 janvier, voudront démontrer dans leur grande majorité que l’on peut manifester son opposition au mariage pour tous sans être obligatoirement considéré comme un intégriste ou un homophobe et que la stigmatisation insultante pratiquée par une partie des groupes militant LGBT, qui n’a rien à envier aux débordements grâce auxquels les membres de Civitas se sont récemment illustrés[8], n’empêche pas d’affirmer calmement : « oui, il y a un débat. On peut en discuter. »



[1] L’Institut Turgot est un think tank libéral fondé à Bruxelles en 1990 par Jacques Raiman, ancien Président de GSI, Pascal Salin (qui a depuis quitté l'Institut) et Henri Lepage, dans l'idée de promouvoir « les avantages de la liberté personnelle et des idées libérales » auprès du public francophone.

[2] Chiffre lui-même avancé par Gilles Bernheim, Grand Rabbin de France. Gilles Bernheim, Grand Rabbin de France. « Mariage homosexuel, homoparentalité et adoption : ce que l’on oublie souvent de dire. »
http://fr.scribd.com/doc/110325519/Mariage-homosexuel-homoparentalite-et-adoption-Ce-que-l-on-oublie-souvent-de-dire-Essai-de-Gilles-Bernheim-Grand-Rabbin-de-France?secret_password=b1r327lgd8921m11ryj
[6] « Du Pacte social » - Chapitre VI du Livre I du Contrat social
[7] Thomas Hobbes. Le Léviathan.
[8] Certains feront valoir à juste titre que les provocations des FEMEN ont été à la base de ces débordements. Ils ne les justifiaient en aucun cas et les FEMEN, qui sont des communicantes professionnelles, savaient exactement à qui elles s’attaquaient en prenant pour cible les manifestants de CIVITAS. 

5 commentaires:

  1. Avez-vous une idée du rôle des lobbies scientifiques dans ce projet de lois ? Car il y a tout à parier qu'un nouveau marché s'ouvrirait à eux si les dispositions concernant la Procréation Médicalement Assistée ou la Gestation Pour Autrui venaient à évoluer.

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  2. Il est difficile d'avoir une idée précise du rôle joué par les lobbies scienfifiques, pharmaceutiques et autres dans ce projet de loi, mais à mon sens, vous formulez là une question cruciale car en effet c'est un nouveau marché potentiel qui s'ouvre. Reste à savoir quelle sera la capacité de résistance de notre société face à cette conception consumériste du corps humain et de la procréation. C'est une véritable boîte de Pandore que nous ouvrons là...La question qui se pose est celle d'une véritable mutation anthropologique. Il semble impératif d'y réfléchir en sortant des limites imposées par le traitement purement affectif, médiatique et pathologique imposé par les groupes de pression.

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  3. par contre les idiots, les cons, les gros bêtas, les malades enchristés, les fachos, les bourgeois malpolis, les droitards, les imbéciles heureux qui sont nés quelque part quand ils sont dans la rue, on les voit, on les compte, et on leur laisse faire leur Golgotha pride : même ma mémé qu'est pas conne, elle se marre en regardant à la télé tout ce rose bonbon et tous ces hilares ignares...
    Jugnon

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    1. Pourquoi tant de haine, Jugnon, contre ceux qui ne pense pas comme vous ? qui a dit "discrimination" ? ...

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  4. Tiens, bonjour Jugnon. Vous vous embêtiez un peu chez les anarchristes? Du coup vous venez faire un tour chez les idiots?
    Vous avez en tout cas raison sur ce point, les gayprideurs, les pro et les anti se refilent leurs ballons, leurs sonos et leurs tubes de dance d'une manif à l'autre. C'est bien la preuve que quel que soit le bord et les positions défendues on reste dans le règne du festif. C'est ça la dictature de la com', pour être crédible de nos jours il faut avant tout être cool.

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