La nouvelle de la mort
d’Emmanuel Ratier a commencé à circuler hier. Décédé à l’âge de 57 ans après
avoir été victime d’un arrêt cardiaque, Emmanuel Ratier était le directeur de
la librairie Facta, située au 9 rue de Clichy, au catalogue ô combien
politiquement incorrect et animateur sur Radio Courtoisie. Mais Emmanuel
Ratier était avant tout le fondateur et unique rédacteur de la lettre
d’information bimensuelle Faits & Documents, qui reste un phénomène
hautement original, voire unique, dans la presse française contemporaine.
Né le 29 septembre 1957 à
Avignon, Emmanuel Ratier s’engage très tôt politiquement, et très à droite de
l’échiquier politique, en adhérant au Parti des Forces Nouvelles, l’un des
nombreux groupuscules issus de la mouvance d’extrême-droite des années 1970 qui
va contribuer à la naissance du Front National en 1972. Parallèlement à sa
carrière politique, qui le voit devenir suppléant du candidat UDF André Danet
aux élections législatives de 1981, il se destine au journalisme en intégrant le
Centre de Formation des Journalistes de Paris et l’Institut d’Etudes Politiques
de Paris, avant de faire ses premières armes au Spectacle du Monde, au Figaro
Magazine, National Hebdo, Valeurs Actuelles ou Minute.
Le parcours aurait pu
rester assez banal, de l’ordre de ce qui fait le miel des différents universitaires
spécialistes des « mouvances radicales » ou celui des dossiers
« néo-fachos » du Nouvel Obs, s’il n’y avait eu Faits et
Documents, la lettre d’information bimensuelle de douze pages qu’Emmanuel
Ratier lance en 1996 et qui fait rapidement figure d’OVNI dans la presse
française, tout autant que de source d’information indispensable pour les
(très) nombreux journalistes, parlementaires et politiques qui n’en manquèrent rapidement
pas un numéro. Il faut dire que la feuille d’Emmanuel Ratier se révèle être une
mine d’informations, truffée de petits détails et de renseignements valant leur
pesant d’or sur la vie politique française, le tout rédigé dans un style
invariablement neutre et purement informationnel : la Lettre
d’informations d’Emmanuel Ratier n’avait pas pour but d’être un tract ou un
journal d’humeur mais bien un organe d’information politique sérieux, à tel
point d’ailleurs que la Lettre s’échangeait discrètement aussi bien dans
les cabinets ministériels ou les officines parlementaires que les salles de
rédaction. Tous les deux mois, la Lettre proposait le portrait « décapant »
d’une personnalité, la « reproduction d’un texte confidentiel », des
enquêtes détaillées et une foule de renseignements sur « l’Élysée, le Parlement, le
gouvernement, les partis, les hommes politiques. Et aussi les nominations, le
parlement européen, les votes significatifs », sans oublier « la vie
interne des journaux, des télévisions, des journalistes et les
manipulations de l’information. » La fiabilité des sources de Ratier
étonnait ses lecteurs autant qu’elle liait les mains à ses détracteurs :
« En treize ans, aucun procès », pouvait se féliciter le patron de Faits
et Documents.
On a mis en avant les
réseaux qu’Emmanuel Ratier possédait lui-même au sein du monde politique, voire
maçonnique, pour expliquer la qualité et le caractère exhaustif des
informations délivrées tous les deux mois par Faits et Documents.
Emmanuel Ratier possédait certainement une excellente connaissance des milieux
politiques, ce qui est peu étonnant pour un homme ayant entamé une carrière de
journaliste et de militant au début des années 1970, mais c’est surtout la
capacité incroyable à décortiquer la presse et à collecter les faits et gestes
– les Faits et Documents – des différents acteurs de la vie politique,
civile et associative qui fut remarquable. A une époque où la capacité d’oubli
est proportionnelle à la quantité d’information disponible quotidiennement –
c’est-à dire énorme -, Emmanuel Ratier notait, relevait, indexait avec une
rigueur presque anachronique. Ce patient travail d’archiviste, plus encore que
de journaliste, faisait toute l’originalité et la valeur de Faits et
Documents. Avec la mort d’Emmanuel Ratier, les services de communication et
d’information des ministères et des différents partis politiques, les attachés
parlementaires et les différents professionnels de l’information ont perdu,
c’est certain, un précieux auxiliaire.
Merci pour ce billet hommage honneste et droye
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